BIBLIOGRAPHIE
85
JULES BRETON, par M. Marius VachonL
our être un bon peintre de la vie rustique, il faut avoir
beaucoup d’âme, beaucoup de cœur », écrit M. Marius
Vachon au cours de cette étude consacrée à l’un des
peintres qui ont le plus senti et aimé la nature. Et, de
fait, si l’àme et le cœur ne sont pas tout en art, ils en
sont une partie essentielle : on ne traduit bien que les
choses avec lesquelles on est entré en communion longue
et profonde, on ne peut les faire parler qu’après avoir
compris soi-même leur langage muet. Il en est surtout
ainsi de la nature et de la vie des champs : n’offrant au vulgaire que de vagues
spectacles plus ou moins pittoresques, elles réservent à qui les pénètre des
découvertes, des jouissances, des émotions incessantes et toujours nouvelles,
colorées diversement au gré de nos pensées et de nos sentiments, —- car c’est
nous surtout que nous cherchons et que nous voyons dans la nature, et c’est à
ce titre qu’Henri Amiel a pu dire, dans une formule expressive, qu' « un paysage
est un état d’âme ».
L’état d’âme que révèlent les paysages et les scènes rustiques du peintre et
de l’écrivain qu’est M. Jules Breton est celui d’un homme au cœur simple et
aimant, passionnément épris de beauté douce et sereine, de joies calmes et pures :
ce qu’il a vu et compris d’emblée dans la nature, ce sont surtout et toujours les
aspects poétiques, souriants ou touchants. Un des plus charmants chapitres du
livre de M. Vachon — qui en contient beaucoup de semblables — est celui où
il narre, d’après M. Jules Breton lui-même, qui s’est tout entier raconté dans trois
livres tout parfumés de senteurs agrestes et de sensations d’art : La Vie d'un
artiste, Peintre et paysan, Savarette, l’émerveillement de l’enfant devant la diversité
et la féerie des spectacles que lui offre la nature, son amour sans cesse gran-
dissant pour les champs, les bois, les eaux, les prés, le ciel, qui lui ménagent
chaque jour quantité de découvertes et de surprises délicieuses.
Sa vocation d’artiste une fois éveillée, il aura beau être placé, en 1843, à Gand,
chez un peintre d’histoire comme De Vigne, puis, en 1846, à Anvers, chez le
baron Wappers ; enfin, à Paris, chez le brave et médiocre Drolling ; il aura
beau commencer par représenter un Saint Fiat prêchant dans les Gaules, s’éprendre
de Rubens, peindre, sous l’influence des journées de 1848, Misère et Désespoir ;
un jour enfin, les sentiments et les impressions amassés pendant toute son
enfance finiront par reprendre le dessus et avoir raison des formules d’école, et,
en 1853, il exposera au Salon de Paris Le Retour des moissonneurs et, à
Bruxelles, La Petite Glaneuse. A partir de ce moment, il est repris pour tou-
jours par la nature, il devient pour toujours le peintre des champs, particulière-
ment de son pays d’Artois, qu’il ne quittera que pour trois courts voyages : l’un,
en 1864, en Provence, terre si différente de la sienne et qui ne sera pas sans le
dérouter ; deux autres, en 1865 et en 1873, en Bretagne, où il trouvera dans le
caractère mélancolique et religieux des sites et de la vie des motifs plus con-
formes à son talent et la source de quelques-unes de ses meilleures inspirations.
1. Paris. Lahure, 1899. Un vol. in-4°, 146p. avec 20 planches hors texte et de nombreuses
gravures dans le texte.
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JULES BRETON, par M. Marius VachonL
our être un bon peintre de la vie rustique, il faut avoir
beaucoup d’âme, beaucoup de cœur », écrit M. Marius
Vachon au cours de cette étude consacrée à l’un des
peintres qui ont le plus senti et aimé la nature. Et, de
fait, si l’àme et le cœur ne sont pas tout en art, ils en
sont une partie essentielle : on ne traduit bien que les
choses avec lesquelles on est entré en communion longue
et profonde, on ne peut les faire parler qu’après avoir
compris soi-même leur langage muet. Il en est surtout
ainsi de la nature et de la vie des champs : n’offrant au vulgaire que de vagues
spectacles plus ou moins pittoresques, elles réservent à qui les pénètre des
découvertes, des jouissances, des émotions incessantes et toujours nouvelles,
colorées diversement au gré de nos pensées et de nos sentiments, —- car c’est
nous surtout que nous cherchons et que nous voyons dans la nature, et c’est à
ce titre qu’Henri Amiel a pu dire, dans une formule expressive, qu' « un paysage
est un état d’âme ».
L’état d’âme que révèlent les paysages et les scènes rustiques du peintre et
de l’écrivain qu’est M. Jules Breton est celui d’un homme au cœur simple et
aimant, passionnément épris de beauté douce et sereine, de joies calmes et pures :
ce qu’il a vu et compris d’emblée dans la nature, ce sont surtout et toujours les
aspects poétiques, souriants ou touchants. Un des plus charmants chapitres du
livre de M. Vachon — qui en contient beaucoup de semblables — est celui où
il narre, d’après M. Jules Breton lui-même, qui s’est tout entier raconté dans trois
livres tout parfumés de senteurs agrestes et de sensations d’art : La Vie d'un
artiste, Peintre et paysan, Savarette, l’émerveillement de l’enfant devant la diversité
et la féerie des spectacles que lui offre la nature, son amour sans cesse gran-
dissant pour les champs, les bois, les eaux, les prés, le ciel, qui lui ménagent
chaque jour quantité de découvertes et de surprises délicieuses.
Sa vocation d’artiste une fois éveillée, il aura beau être placé, en 1843, à Gand,
chez un peintre d’histoire comme De Vigne, puis, en 1846, à Anvers, chez le
baron Wappers ; enfin, à Paris, chez le brave et médiocre Drolling ; il aura
beau commencer par représenter un Saint Fiat prêchant dans les Gaules, s’éprendre
de Rubens, peindre, sous l’influence des journées de 1848, Misère et Désespoir ;
un jour enfin, les sentiments et les impressions amassés pendant toute son
enfance finiront par reprendre le dessus et avoir raison des formules d’école, et,
en 1853, il exposera au Salon de Paris Le Retour des moissonneurs et, à
Bruxelles, La Petite Glaneuse. A partir de ce moment, il est repris pour tou-
jours par la nature, il devient pour toujours le peintre des champs, particulière-
ment de son pays d’Artois, qu’il ne quittera que pour trois courts voyages : l’un,
en 1864, en Provence, terre si différente de la sienne et qui ne sera pas sans le
dérouter ; deux autres, en 1865 et en 1873, en Bretagne, où il trouvera dans le
caractère mélancolique et religieux des sites et de la vie des motifs plus con-
formes à son talent et la source de quelques-unes de ses meilleures inspirations.
1. Paris. Lahure, 1899. Un vol. in-4°, 146p. avec 20 planches hors texte et de nombreuses
gravures dans le texte.