L’ÉVOLUTION DE LA SCULPTURE GRECQUE
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tique et « le plus bel accompagnement qui ait jamais été trouvé pour
la forme humaine1 ». Par-dessus ces beautés diverses, dont l’éclosion
avait été préparée de longue date, il en est une autre, plus rare et
d’essence plus haute, qui n’était nas nécessairement impliquée dans
le passé. Les figures des frontons ou de la frise du Parthénon, dans
leur repos ou leur activité, répandent autour d’elles comme un
rayonnement de perfection et semblent vivre d’une vie pleine à la
fois de grandeur et d’abandon, de noblesse et de calme, sereine et
lumineuse, qui les met au-dessus de la condition humaine. Hommes
ou dieux, leur beauté est véritablement divine. Et cependant, il n’est
pas de beauté au monde dont les éléments aient été plus simple-
ment et plus librement empruntés à la nature. Rien, par conséquent,
n'est plus éloigné de cet art académique et pédant, de cetle beauté
abstraite et froide, qui a la prétention de rappeler et de continuer
l’« Antique » et en est la plus fausse et la plus inintelligente singe-
rie! Toutes les attitudes, tous les gestes des figures de Phidias sont
pris sur le vif et rigoureusement conformes à la nature, et ce sont
toujours les plus simples et les plus ordinaires; mais au minimum
de mouvement se joint un maximum d’expression, comme si l’artiste
avait évoqué et fait sortir du modèle vivant tout ce que chacun de
ces gestes, chacune de ces attitudes pouvait contenir de beau, de
noble et de fort. En cela précisément réside la grandeur unique de
Part de Phidias : il est la vie même, et supérieur à la vie.
Le principal effort des sculpteurs archaïques avait consisté à re-
chercher de plus en plus la vérité dans la forme. Phidias, sans effort
apparent, atteint cette vérité, s’en rend le maître, et, par l'emploi
qu’il en fait, la dote d’une beauté souveraine. Dans le profil des vi-
sages, comme dans le dessin des membres, il procède à une simplifi-
cation des traits qui n’a rien de factice et de conventionnel, mais qui
a pour effet de porter au plus haut point ce genre d’émotion tangible,
propre aux arts plastiques, par où un pied de marbre, une main de
marbre peuvent apparaître plus beaux que le modèle de chair le
plus parfait, attendu qu’ils sont plus expressifs2. II a montré, à
l’opposé de ce que ferait croire la sculpture académique, que « la vie
n’est pas incompatible avec les perfections les plus idéales de la
forme3 » ; il n’a cessé d’être un exact et profond observateur de la
nature ; seulement, il a su, des données que lui fournissait la réalité,
1. L. Heuzey, Du principe de la draperie antique, p. 26.
2. Cf. Journal d'Eugène Delacroix, II, p. 233 et suivantes.
3. L. Vitet, Etudes sur l'histoire de l'art, I, p. xvi de l’Introduction.
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tique et « le plus bel accompagnement qui ait jamais été trouvé pour
la forme humaine1 ». Par-dessus ces beautés diverses, dont l’éclosion
avait été préparée de longue date, il en est une autre, plus rare et
d’essence plus haute, qui n’était nas nécessairement impliquée dans
le passé. Les figures des frontons ou de la frise du Parthénon, dans
leur repos ou leur activité, répandent autour d’elles comme un
rayonnement de perfection et semblent vivre d’une vie pleine à la
fois de grandeur et d’abandon, de noblesse et de calme, sereine et
lumineuse, qui les met au-dessus de la condition humaine. Hommes
ou dieux, leur beauté est véritablement divine. Et cependant, il n’est
pas de beauté au monde dont les éléments aient été plus simple-
ment et plus librement empruntés à la nature. Rien, par conséquent,
n'est plus éloigné de cet art académique et pédant, de cetle beauté
abstraite et froide, qui a la prétention de rappeler et de continuer
l’« Antique » et en est la plus fausse et la plus inintelligente singe-
rie! Toutes les attitudes, tous les gestes des figures de Phidias sont
pris sur le vif et rigoureusement conformes à la nature, et ce sont
toujours les plus simples et les plus ordinaires; mais au minimum
de mouvement se joint un maximum d’expression, comme si l’artiste
avait évoqué et fait sortir du modèle vivant tout ce que chacun de
ces gestes, chacune de ces attitudes pouvait contenir de beau, de
noble et de fort. En cela précisément réside la grandeur unique de
Part de Phidias : il est la vie même, et supérieur à la vie.
Le principal effort des sculpteurs archaïques avait consisté à re-
chercher de plus en plus la vérité dans la forme. Phidias, sans effort
apparent, atteint cette vérité, s’en rend le maître, et, par l'emploi
qu’il en fait, la dote d’une beauté souveraine. Dans le profil des vi-
sages, comme dans le dessin des membres, il procède à une simplifi-
cation des traits qui n’a rien de factice et de conventionnel, mais qui
a pour effet de porter au plus haut point ce genre d’émotion tangible,
propre aux arts plastiques, par où un pied de marbre, une main de
marbre peuvent apparaître plus beaux que le modèle de chair le
plus parfait, attendu qu’ils sont plus expressifs2. II a montré, à
l’opposé de ce que ferait croire la sculpture académique, que « la vie
n’est pas incompatible avec les perfections les plus idéales de la
forme3 » ; il n’a cessé d’être un exact et profond observateur de la
nature ; seulement, il a su, des données que lui fournissait la réalité,
1. L. Heuzey, Du principe de la draperie antique, p. 26.
2. Cf. Journal d'Eugène Delacroix, II, p. 233 et suivantes.
3. L. Vitet, Etudes sur l'histoire de l'art, I, p. xvi de l’Introduction.