VÉNUS A SA TOILETTE
361
jour et qu’il n’est pas perdu pour l’art et la science. Il m'a été donné
de voir le reste de la trouvaille, échappé comme d’un naufrage, et
apporté à Paris par un marchand arménien. Seule de tout ce qu’on
m’a montré, la statuette de Vénus dont nous allons parler méritait
d’attirer l’attention, et je puis dire qu’elle captiva tout de suite mes
regards. Les autres objets, d’ailleurs mutilés et sans intérêt, ne
pouvaient guère être appréciés que pour leur poids de métal pré-
cieux.
La Venus, taillée en ronde-bosse dans un bloc de calcédoine,
dont l’image qui accompagne la présente notice ne peut donner
qu'une imparfaite idée, est une œuvre unique en son genre. Son
charme exquis lui vient moins peut-être de l’excellence de l’exé-
cution technique que de la translucidité et de la pureté de la
matière, dont notre œil fasciné scrute voluptueusement les profon-
deurs. sensation que ni le burin du plus habile graveur ni la pho-
tographie ne sauraient traduire. Ellene pouvait tomberen des mains
plus dignes que celles de M. le baron Edmond de Rothschild, le dona-
teur du trésor de Bosco Realc au musée du Louvre, et c’est le cas de
rappeler et d’appliquer l’adage philosophique : une bonne action ne
tarde pas à trouver sa récompense.
Au point de vue archéologique, le sujet n’offre rien d’extraordi-
naire : Aphrodite ou Vénus à sa toilette, debout, tordant ou tressant
des deux mains les nattes de ses cheveux, est un des thèmes les plus
familiers aux artistes de l’antiquité. Le prototype en remonte jus-
qu’au siècle d’Alexandre : c’est Y Aphrodite anadyomène, le célèbre
tableau d’Apelle, qui décorait le temple d’Esculape à Cos, et qu’An-
gustc fit, plus tard, transportera Rome.
« L’idée de peindre Vénus sortant de l’onde, remarque M. Paul
Girard, était venue à Apelle, disait-on, à la suite d’une fête d’Eleusis
où la courtisane Phryné, se dépouillant de ses vêtements et dénouant
sa chevelure, s’était plongée dans la mer sous les yeux des Grecs
assemblés. Il est plus simple de croire que le joli geste d’une bai-
gneuse tordant ses cheveux au sortir du bain, les lignes sinueuses du
cou, du torse et des hanches, la gracieuse saillie des bras, furent
autant d’images qui se formèrent lentement dans le cerveau du
peintre et qui, prenant corps dans son imagination, devinrent un jour
l’Aphrodite de Cos ; mais on reconnaît là le goût des Grecs pour l’anec-
dote et leur habitude de rattacher tout ce qui les frappait à un évé-
nement précis. Quoiqu’il en soit, ce tableau excita une si vive admi-
ration qu’il lui arriva ce que nous avons vu arriver déjà à d’autres
46
XXI. — 3e PÉRIODE.
361
jour et qu’il n’est pas perdu pour l’art et la science. Il m'a été donné
de voir le reste de la trouvaille, échappé comme d’un naufrage, et
apporté à Paris par un marchand arménien. Seule de tout ce qu’on
m’a montré, la statuette de Vénus dont nous allons parler méritait
d’attirer l’attention, et je puis dire qu’elle captiva tout de suite mes
regards. Les autres objets, d’ailleurs mutilés et sans intérêt, ne
pouvaient guère être appréciés que pour leur poids de métal pré-
cieux.
La Venus, taillée en ronde-bosse dans un bloc de calcédoine,
dont l’image qui accompagne la présente notice ne peut donner
qu'une imparfaite idée, est une œuvre unique en son genre. Son
charme exquis lui vient moins peut-être de l’excellence de l’exé-
cution technique que de la translucidité et de la pureté de la
matière, dont notre œil fasciné scrute voluptueusement les profon-
deurs. sensation que ni le burin du plus habile graveur ni la pho-
tographie ne sauraient traduire. Ellene pouvait tomberen des mains
plus dignes que celles de M. le baron Edmond de Rothschild, le dona-
teur du trésor de Bosco Realc au musée du Louvre, et c’est le cas de
rappeler et d’appliquer l’adage philosophique : une bonne action ne
tarde pas à trouver sa récompense.
Au point de vue archéologique, le sujet n’offre rien d’extraordi-
naire : Aphrodite ou Vénus à sa toilette, debout, tordant ou tressant
des deux mains les nattes de ses cheveux, est un des thèmes les plus
familiers aux artistes de l’antiquité. Le prototype en remonte jus-
qu’au siècle d’Alexandre : c’est Y Aphrodite anadyomène, le célèbre
tableau d’Apelle, qui décorait le temple d’Esculape à Cos, et qu’An-
gustc fit, plus tard, transportera Rome.
« L’idée de peindre Vénus sortant de l’onde, remarque M. Paul
Girard, était venue à Apelle, disait-on, à la suite d’une fête d’Eleusis
où la courtisane Phryné, se dépouillant de ses vêtements et dénouant
sa chevelure, s’était plongée dans la mer sous les yeux des Grecs
assemblés. Il est plus simple de croire que le joli geste d’une bai-
gneuse tordant ses cheveux au sortir du bain, les lignes sinueuses du
cou, du torse et des hanches, la gracieuse saillie des bras, furent
autant d’images qui se formèrent lentement dans le cerveau du
peintre et qui, prenant corps dans son imagination, devinrent un jour
l’Aphrodite de Cos ; mais on reconnaît là le goût des Grecs pour l’anec-
dote et leur habitude de rattacher tout ce qui les frappait à un évé-
nement précis. Quoiqu’il en soit, ce tableau excita une si vive admi-
ration qu’il lui arriva ce que nous avons vu arriver déjà à d’autres
46
XXI. — 3e PÉRIODE.