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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 21.1899

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Nr. 5
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Lafenestre, Georges: Le marquis de Chennevières
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https://doi.org/10.11588/diglit.24685#0424

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LE MARQUIS DE GHENNEVIÈRES

toujours, on travaillait d’arrache-pied, avec la joie des belles luttes,
moins encore au Palais-Royal que dans la petite chambre du
Luxembourg, où sa santé délicate enfermait fréquemment le direc-
teur. C'est là, devant les tisons, qu’accroupi sur sa chaise basse,
son petit bonnet rouge, son bonnet normand, enfoncé jusqu’aux
oreilles, toussotant, roulant ou déroulant, à défaut de ses fidèles
cigarettes, de nouveaux et interminables projets, il se trouvait le
plus à l'aise ; c’est là qu’il accumulait, griffonnait, corrigeait, dictait,
avec une fécondité formidable, rapports au ministre, projets de
décrets et d’arrêtés, circulaires et prospectus, etc. Personne ne
détestait plus que lui les paperasseries inutiles, les formules encom-
brantes, les chinoiseries compliquées, les commissions décoratives,
les rapports compendieux, tout ce qui retarde et énerve l’action,
tout ce qui embrouille et atténue les responsabilités ; toutefois, en
véritable homme d’action, résolu et pratique, il savait, à merveille,
faire jouer, quand il fallait, les rouages traditionnels de l’adminis-
tration. Il apportait à cet exercice nécessaire la même précision
et la même sagacité qu’à ses dépouillements minutieux d’archives,
où il avait appris à mieux juger et mieux aimer les vivants, par
l’indulgente fréquentation des morts, où il avait cherché et retrouvé
dans ce qui n’est plus le secret de ce qui doit être.

M. de Ghennevières n’était pas, on le pense bien, assez candide
pour s’imaginer qu’avec un tempérament pareil l’existence lui serait
facile ni longue sous les ministres changeants et divers qu’il lui
fallait prévoir. Il n’avait accepté le poste que sous deux conditions :
la première, que l’autonomie fût rendue aux Musées nationaux où il
avait, comme conservateur, trop bien constaté les inconvénients
d’une trop grande dépendance; la seconde, qu’il conserverait, à
tout événement, ses fonctions du Luxembourg. Il eût désiré aussi
être débarrassé de la direction des théâtres, qu’il considérait comme
difficilement compatible avec le labeur incessant et multiple des
entreprises projetées, et l’eût volontiers échangée contre la direction
des bâtiments civils, dont la séparation accidentelle des Beaux-Arts
lui semblait, avec raison, illogique et fâcheuse. Sur ce dernier
point, il dut se résigner à attendre; il attendit toujours. Très décidé,
d’ailleurs, sur le terrain circonscrit où il allait opérer, à ne rien
sacrifier, ni de ses convictions, ni de sa dignité, il rédigea, dès la
première heure, sa lettre de démission éventuelle. Ce petit pli
cacheté, je le vois encore, à droite, dans le coin du grand tiroir du
bureau directorial. Que de fois, jetant avec humeur sous son bras sa
 
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