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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 21.1899

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Nr. 6
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Desjardins, Paul: Les salons de 1899, 2, Peinture
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https://doi.org/10.11588/diglit.24685#0466

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

conjecturer presque sûrement que vous avez affaire à des races, à
des âges, à des hommes très volontaires. J’incline à croire que l’his-
torien n’a pas un meilleur dynamomètre ; de Domenico Yeneziano à
Carpaccio, de Giovanni Bellini à Titien, de Tintoret à Tiepolo, à
mesure que le contour des figures se noie, je vois Venise s’affadir,
devenir passive, ou, comme on dit, se civiliser. Eh bien, au point de
la civilisation où nous en sommes, nous dessinons naturellement par
les volumes, par les lumières et les ombres ; combien reste-t-il de
têtus qui dessinent encore par les lignes? Nous les dénombrerons
chemin faisant ; ils sont cinq ou six. C’est pourquoi les beaux dessi-
nateurs de montagnes et de rochers, les Mantegna et les Dürer sont
bien loin. 11 n’est qu’un solitaire sans âge, comme Segantini, pour
en continuer la tradition. Quel est, en effet, l’intérêt de ces arêtes
vives, de ces clivages inégaux, de ces cassures, de ces dentelures,
sinon celui de lignes brisées que l’artiste s’est plu à suivre d’une
pointe énergique? Mais une telle énergie est passée chez nous. Et
voilà comment les montagnes ne nous disent plus grand’chose.

Ceux qui s’y plaisent pourtant, comme M. Baud-Bovy, dont
Durand-Buel exposa naguère de jolies toiles, n’en retiennent que le
vague, l’atmosphère, les traînées de nuages, les pénombres, les
rayons obliques. De même les quelques artistes, au présent Salon,
qui peignent la montagne, n’en ont rendu que les brumes. Tel,
M. Albert Aublet, dans une petite étude du Grimsel, juste de ton, et
non sans charme. C’est l’air de là-bas ; on en respire la fraîcheur.

M. Pointelin donne l’impression de l’altitude par la vacuité de
l'espace. Des croupes du Jura, éventées d’une brise qui couche les
herbes; un ciel blanchâtre, qui recule et se creuse, et jusqu’au fond
de l’horizon des prairies tourbeuses et détrempées que le soir enve-
loppe ; cela s’appelle Les Communaux de Mont-sur-Monnet ; de près
ce n’est qu’un barbouillis presque monochrome ; cependant les
valeurs sont si justes qu’à distance les plans fuient; nous sommes
sur un sommet, dans une solitude.

Mais c’est là nous transporter sur la montagne, plutôt que la
portraire. Le modelé même des terrains, que Ruskin a recommandé
si fortement aux peintres n’est étudié que d’un petit nombre. Je
trouve bien plus de beaux ciels. M. J. Meslé, par exemple, et M. Geor-
ges Griveau, qui excellent à peindre les toits de tuile ou de chaume
dans un crépuscule assourdi, le premier avec de fins gris de perle,
le second avec des roux étoffés, ne font pas reposer tout cela sur un
sol assez résistant, dont la nature, grasse ou grenue, les ait occupés.
 
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