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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 21.1899

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Nr. 6
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Desjardins, Paul: Les salons de 1899, 2, Peinture
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https://doi.org/10.11588/diglit.24685#0476

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

nous charment depuis des années, paraît, lui aussi, troublé de je ne
sais quelle émulation. Est-ce Monet qui ie préoccupe?... Mettez sa
fine étude de Crépuscule à la Folie (Nanterre), gris argenté, lisse, et
dans la note discrète des Billotte que nous aimions, à côté des trois
toiles auxquelles il a l’air de tenir surtout : Chclteau-Gaillard,
Argenteuil et les Brumes en Hollande; celles-ci sont peintes avec une
impatience de la main, des tremblements et des vibrations qui sont
choses nouvelles dans ce suave artiste. Dès l'entrée de la salle, on
aperçoit ce moulin à vent hollandais rouge chaudron, dont les con-
tours vacillent au milieu d’une brume rougeâtre ; on s’écrie : « Un
Jongkind ! », — et, non, c’est un Billotte, ou c’aurait pu en être un. —■
Ne reste-t-il donc plus de mélancolies neuves à extraire de nos ban-
lieues, ou M. Billotte ne les aime-t-il plus?... Les soirs y sont
encore touchants; qui nous les fera goûter ?

Mais cette même heure de songe tinte aussi dans les villes.
M. Douglas Bohinson La notée à Rome, délicatement, devant la façade
de la Trinité du Mont, purifiée de toute laideur par le silence et la
phosphorescence de la lune. M. Ulmann l’a écoutée en plein Paris ;
j’aime son interprétation large du Pont-Neuf, du quai aux Fleurs et
du pont d’Austerlitz noyés dans l’ombre. La nuit déjà tombée est
piquée de feux verts et rouges qui tremblotent sur l’eau ; des
silhouettes lasses traînent le long des parapets ; les hautes maisons
semblent bâties de nuées, les choses familières se reculent de nous
avec des airs sévères et surprenants ; l'on sent le désir du foyer.
M. Le Sidaner nous mène à Bruges, aussi quand l'horloge a sonné le
repos ; sur le quai désert s’alignent les étroites façades à pignons
nuancés, laissant filtrer la lumière du dedans par tant de fenêtres
qu’on dirait de hautes lanternes posées sur un rebord ; la peinture
deM. Le Sidaner est mince, longitudinale, unie, une vraie peinture
d’apparition, et ce sont des maisons-fantômes qu’il évoque ; j’y
trouve une délectation assez rare.

La nuit, cette fois, est au milieu de sa Bourse. La vie semble
suspendue, le temps arrêté. Si l’on ose regarder dehors, le vide des
espaces déserts fait presque peur. M. Iwill nous en déploie l’obscu-
rité, dans un petit cadre où tient une observation patiente et juste.
M. II areux et M. Enders y ajoutent la lune à son zénith, versant en
nappes ses clartés bleues sur les toits, dans les rues, dans les
places des bourgades taciturnes. Les pavés, les bornes, les rampes
de fer, les fontaines sanglotantes sont alors laissés à leur existence
de choses muettes, et il leur en vient une étrange majesté. Ce ne
 
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