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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 21.1899

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Nr. 6
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Prost, Bernard: Félix Trutat (1824 - 1848): maîtres oubliés
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https://doi.org/10.11588/diglit.24685#0495

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FÉLIX TRUTAT

473

maître. Le Portrait de Vauteurx, dit le livret, car personne n’a sans
doute voulu poser pour lui. Ensuite, comme il aura pensé que ce
serait un médiocre régal de montrer sa simple figure, il a dessiné
derrière lui et dans le coin de la toile un profil de femme âgée, d’une
expression triste et douce, sa mère probablement1 2, afin de se faire
pardonner l’outrecuidance d’exposer une mine qui n’est pas celle
d'un joli garçon et une crinière qui n’a pas eu de fréquentes ren-
contres avec les fers à friser. Cet humble cadre, devant lequel nul ne
s’arrête, a une puissance de relief, une énergie vitale extraordinaires,
et bien des gens du monde paient 10.000 francs des portraits qui ne
valent pas cette vieille tête mélancolique ainsi placée par un tou-
chant caprice filial 3 ».

En regard de ces éloges, j’ai vainement recherché l’appréciation
des grands pontifes de la critique d’alors, les Gustave Planche, les
Thoré, les Delécluze, les Charles Blanc. Soit inadvertance, soit peut-
être dépit d’avoir été devancés par Théophile Gautier, aucun d’entre
eux n’a consacré la moindre ligne à Trutat au cours de leurs disser-
tations passionnées et quelque peu contradictoires sur les peintres
et sculpteurs à la mode. Baudelaire, lui, se chargea de mettre
méchamment en circulation un reproche maintes fois adressé,
depuis, par la jalousie ou la rancune, au maître écrivain et au cri-
tique souvent si clairvoyant qu’a été Théophile Gautier : « Je ne
sais pourquoi M. Théophile Gautier a endossé, cette année, le car-
rick et la pèlerine de l’homme bienfaisant ; car il a loué tout le
monde, et il n’est si malheureux barbouilleur dont il n’ait catalogué
les tableaux4. »

N’en déplaise aux mânes de Baudelaire, parmi ces « malheu-
reux barbouilleurs » il y avait, à côté de Trutat, —pour ne citer que
celui-là — de jeunes essors pleins d’avenir, autrement intéressants
que les vieilles renommées académiques, et il faut savoir gré aux
yeux perspicaces qui allèrent d’instinct les découvrir au milieu des
médiocrités surfaites en honneur il y a cinquante ans, aussi bien
qu’aux plumes généreuses empressées à prendre la défense des
talents inconnus et à les réconforter contre l’indifférence du public.

Dès le commencement du Salon, Théophile Gautier avait tenu à

1. Ce tableau appartient aujourd’hui à M. Guillot, de Dijon. Nous en don-
nons ci-contre une reproduction.

2. C’est bien, en effet, la mère de Trutat.

3. La Presse, 4 avril 1846.

4. Baudelaire, Salon de 1846, p. 73.

XXI,

3e PÉRIODE.

GO
 
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