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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 36.1906

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Jamot, Paul: Les salons de 1906, 3
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https://doi.org/10.11588/diglit.24818#0052

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46

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Un portrait en bronze de M. Berthelot est, cette année, le seul
envoi du maître. Mais ce simple buste mérite le respectueux isole-
ment qui lui a été réservé sous la coupole de la Société Nationale;
de là, son souvenir domine les deux expositions de sculpture.

N’est-il pas curieux et instructif, si l'on veut mesurer la distance
qui sépare le talent du génie, de comparer à l’œuvre de M. Rodin
le buste, également en bronze, où M. Bernstamm a fixé les traits du
même savant? Le fin et pensif visage de M. Berthelot est traduit
par un habile homme, qui, sans d’ailleurs négliger le caractère
intellectuel de son modèle, veut nous plaire par une ressemblance
frappante et facilement obtenue. Mais, n’ayant rien cherché de plus
que la réalité banale et quotidienne, son œuvre est seulement la
véridique image d’un Berthelot vu dans les instants de sa vie où il
n’est qu’un homme comme les autres. Aussi, malgré la supériorité
de la ressemblance matérielle, combien ce portrait nous paraît froid et
vide, si nous revenons à l’effigie héroïque créée par M. Bodin ! Choisir,
éliminer, c’est le secret des maîtres. Le miracle de l’art a été ici,
tout en saisissant la vérité particulière, d’évoquer en même temps
la vérité générale et supérieure. Quand nous cessons de contempler
les extraordinaires modelés du nez, des joues et du crâne, où respire
la vie corporelle, c’est pour admirer comment, par certaines simpli-
fications, par la répartition méditée des lumières et des ombres, qui
confère aux yeux un regard intérieur de la plus suggestive beauté,
par le choix des plans verticaux qui partent des tempes et, à travers
le jeu des modelés, suivent les joues un peu tombantes jusqu’au cou
direct et volontaire, un grand artiste a su mettre en valeur, dans le
masque de M. Berthelot, tout ce qui pouvait exprimer la hauteur de
la pensée et la sérénité de la science. 11 nous donne ainsi la joie
magnifique et rare de sentir une sorte d’équivalence spirituelle entre
le modèle et le sculpteur.

On entend encore des personnes, par ailleurs très intelligentes,
déclarer en sortant d’une visite aux Salons : « L’anarchie règne chez
les peintres ; mais nous avons une forte école de sculpture. » Doit-
on expliquer ce préjugé déjà ancien par l’espèce d’égalité et d’uni-
formité dont se revêt, aux yeux du spectateur distrait, le peuple de
blancs fantômes qui gesticule, parmi de maigres verdures, sous la
voûte du Grand Palais? Pour ma part, je n’y découvre pas d’autre
raison valable, à moins que ce ne soit auss*une certaine habileté
ouvrière plus également répartie peut-être à travers le jardin vitré
que dans les salles du premier étage. Mais cette dextérité profes-
 
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