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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 37.1907

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Leprieur, Paul: Les récentes acquisitions du département des peintures au Musée du Louvre (1906)
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https://doi.org/10.11588/diglit.24864#0021

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

dans un cadre somptueux d’église ou de palais, il leur donne, par là
même, plus d’importance et plus d’ampleur décorative.

La note en dit long déjà sur le fond du caractère et des tendances.
Encore pourrait-on objecter que l’artiste put passer alternativement
du simple au compliqué et changer parfois de système. Mais si,
poussant plus loin l’étude dans le détail, on voit s’ajouter à ces pre-
mières différences extérieures de composition et d’arrangement
des divergences peut-être encore plus radicalement contradictoires
de coloration, d’éclairage, de technique et de touche, il est impos-
sible de ne pas se rendre à l’évidence. L’exécution de Fouquet et
celle du maître de 1456 sont diamétralement opposées. M. Bouchot
lui-même l’a dit excellemment, mais sans vouloir tirer de l’observa-
tion toutes ses conséquences : « Fouquet procède en peinture comme
en miniature, il pointillé, précise, sertit, et ne va que rarement en
teintes fondues et pour ainsi dire lavées1. » Sans jamais tomber
dans la sécheresse, tant il y met d’habileté et d’art, il manie pour-
tant le pinceau par petits coups, par série d’égratignures rapprochées,
serrées et fines, où l’on sent le miniaturiste et l’émailleur, soit qu’il
s’agisse de modeler un détail de vêtement ou un visage, soit qu’il
faille mettre un accent de lumière, n’abandonnant jamais sa manière
soigneuse, étonnamment pondérée et calme, d’où tout excès et toute
violence semblent d’avance éliminés. De là certaines stylisations,
que M. Hulin a très justement notées, quant au faire si typique des
mains, des yeux, des oreilles, où les particularités de chacun sont
en quelque sorte légèrement atténuées et adoucies dans un parti
pris uniforme d’idéalisme. Réaliste exclusif et convaincu, le maître
de 1456, au contraire, est, dans l’exécution, d’une vigueur et d’une
largeur peu communes. 11 peint d’une touche résolue et franche,
extraordinairement libre et rapide, qui est avec la minutie plus
élégante et plus froide de l’art de Fouquet en absolu contraste. Ce
sont ici de vives coulées hardies, qui enveloppent et modèlent les
formes, indiquant tout sans appuyer, sans détaillé ni cerné trop
visible, par un prodige de rendu ressuscitant vraiment la vie. En
leur pose même, d’ailleurs, ses figures sont déjà plus vivantes. Au
lieu de l’attitude grave et demi-hiératique qui chez Fouquet les
immobilise, le regard toujours immuablement fixé droit devant eux,
il s’efforce d’animer ses modèles, en rendant leur œil mobile, en le
faisant se diriger vivement, comme pour regarder un spectateur

1. Les Primitifs français, complément documentaire, loc. cit., p. 274-275.
 
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