Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 37.1907)

LES PORTRAITS DE RONSARD

Le sort injurieux qui, selon
l’expression de Sainte-Beuve, a livré
Ronsard au mépris de l’histoire ne
semble pas avoir respecté davan-
tage les œuvres d’art destinées à
faire revivre les traits du poète. On
en jugera par cette étude.

Je rappelle, d’abord, que Claude
Binet, ami et biographe de Ronsardr
nous a laissé de celui-ci un portrait
écrit, ou, si l’on veut, une sorte de
signalement1 : « Ronsard, d’une sta-
ture fort belle, auguste et martiale,
avait les membres forts et propor-
tionnés, le visage noble, libéral et
vraiment français, la barbe blon-
doyante, cheveux châtains, nez aquilin, les yeux pleins d’une douce
gaieté et le front fort serein. » J’imagine que, sur ce signalement, on
pouvait, au xvie siècle, arrêter quelques douzaines de personnes;
vraisemblablement, bon nombre de gentilshommes avaient, sous
Charles IX, le visage vraiment français, les yeux pleins d’une douce
gaieté, et même la barbe blondoyante. Cherchons donc des traits
plus précis; selon toute apparence, nous devons trouver quelque
image du poète dans les portraits du temps peints ou dessinés.

Ronsard fut, en effet, élevé avec Henri II, qui lui témoigna toujours

1. Dans la vie de Ronsard, par Claude Binet, laquelle se trouve, à partir de
1587, dans les éditions des œuvres de Ronsard. On doit aussi à Guillaume Colletet
une biographie du poète, dans la Vie des Poètes français; malheureusement cet
ouvrage n’a pas été imprimé, et le manuscrit, qui était à la bibliothèque du
Louvre et dont Sainte-Beuve s’est beaucoup servi, a été détruit en 1871.