Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 37.1907)

LES DERNIÈRES ANNÉES DE GOYA EN FRANCE

(premier article)

Goya apprit avec joie le retour de
Ferdinand VII dans ses Etats en 1814.
II ne devait cependant pas être tout à
fait sans inquiétude sur la façon dont
il serait reçu parle souverain. N’avait-il
pas donné dans les pires erreurs des
afrancesados, dans les utopies libérales?
N’avait-il pas accepté même de l’usur-
pateur, dont il avait fait le portrait,
des fonctions et la croix de la Légion
d’honneur ? Mais le roi fut assez géné-
reux pour ne point lui tenir rigueur;
il oublia tout, lui rendit ses charges et ses dignités de jadis, et le
rétablit dans sa situation de peintre de la Chambre.

La satisfaction de Goya fut malheureusement de courte durée;
elle se changea vite en profonde douleur, après le rétablissement du
pouvoir le plus absolu et, par suite, la suppression de toutes les
libertés ; il eut le chagrin de voir partir eu exil ceux de ses amis -
et c’étaient les plus chers — qui avaient plus ou moins servi
l’Espagne pendant les années de l’occupation étrangère.

Lors de l’expédition du duc d’Angoulôme, en 1823, quand il
revit le sol castillan foulé de nouveau par les armées françaises, c’en
fut trop. Il demanda alors au roi un congé de six mois, pour aller
prendre, en France, les eaux de Plombières. Ferdinand VII acquiesça
à la requête de son peintre ordinaire, et signa l’autorisation solli-
citée le 30 mai 1824 L

Goya partit aussitôt, — il avait soixante dix-huit ans passés, -
seul, sans domestique, sans le moindre compagnon de route ; et,

\. Aranjuez, 30 mai 182i (Archives de la Couronne, section du personnel':
Grande Chancellerie, registre G).

PORTRAIT DE GOYA
DESSIN PAR LUI-MÊME
(Collection du marquis de Seoane.)