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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 37.1907

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https://doi.org/10.11588/diglit.24864#0547

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BIBLIOGRAPHIE

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délia Francesca sur Léonard; le créateur magnifique des histoires de Constantin
à Saint-François d’Arezzo, le peintre du Sigismoncl Malatesta que garde, à Rimini,
le sanctuaire des reliques, ne verra jamais son rôle assez agrandi, son œuvre
trop exalté, dans sa vigueur et sa clarté.

Il faut louer aussi l’auteur d’avoir voulu dire combien Léonard excellait à
peindre les Heurs. Le Vinci demeure, en peinture, ce que sera Shelley dans la
littérature avec sa « plante sensitive ».

Peintures esquissées, gâchées, gâtées, coupaillées et recousues, il y a de tout
dans cet œuvre sans pareil, dans tous les sens de ces mots. Et nous ne vou-
drions point qu’il en fût autrement : tableaux ruinés, manuscrits dépareillés, ces
débris et ces restes nous montrent un magicien, prennent un mystère plus grand,
et cela vaut mieux ainsi. Il semble que, lassé de Madones et de saints, Léonard
n’ait daigné que mettre l’expression et le secret divin dans son œuvre et se soit
arrêté devant le dégoût qui envahit les vrais artistes lorsqu’il faut achever et
mettre les grossiers éléments de la vie dans l’esquisse à demi rêvée.

Je ne puis m’accorder avec M. Mac Curdy lorsqu’il parle de Luini à propos de
Léonard (p. 102). Et je crois, aussi, qu’il pourra reconnaître la trop fameuse pein-
ture d’Affori, près Milan, pour un Ambrogio de Prédis. C’est d’ailleurs sans
grande importance.

Il a raison de rappeler la page où Bandello trouva du talent pour parler de
Léonard: «Il avait coutume)), écrivait l’évêque d’Agen1 *, «— et plus d’une fois je
l’ay vu et contemplé — d’aller au travail le matin de bonne heure et de monter
sur l’échafaudage, parce que la Cène est un peu au-dessus du sol et il souloyt,
dis-je, depuis le soleil naissant jusqu’à la brune, rester sans quitter le pinceau,
sans se soucier de boire ni de manger, peignant sans trêve... » Léonard aima les
crépuscules et ce que la lumière molle et mourante donne de grâce aux fins
visages de Toscane, aux figures voluptueuses et arrondies des races lombardes.
Il ne faut pas cependant attribuer les ombres et les mystères de ses modèles
aux seules lueurs des crépuscules modelant la chair des narines, des joues, des
tempes, des paupières et du menton. Nous sommes accoutumés, Anglo-Saxons
comme Français du Nord, aux sales éclairages de pays brumeux, à la tache grise,
uniforme, noyée de vapeur, qu’une face humaine produit sous un ciel toujours
hivernal. Mais aux contrées où le soleil et le jour régnent déjà en maîtres, sans
être aveuglants encore et tyranniques, la lumière donne, même sans attendre le
crépuscule, ces ombres ressenties et ces larges modelés dans la matière des figures
jeunes et féminines, chez les jeunes femmes ou chez les adolescents. 11 faut le
soleil de Toscane pour modeler les joues de Monna Lisa, comme pour les ombrer.

Enfin, je ne quitterai pas ce livre excellent, où le pèlerinage léonardesque est
fait avec tant de conscience et de succès, sans louer l’auteur d’avoir, contre cer-
taines autorités voyantes, affirmé le Saint Jean du Louvre, demi-faune et demi-
ménade, comme « entièrement léonardesque ». H est moins hardi pour le Bac-
chas. Je n’oserai, certes, devant cette œuvre noircie et pénible, lui reprocher son
scepticisme.

PIERRE GAUTH1EZ

1. La prima parte de le novelle [ciel Bandello. Londra (Livorno), 1791, in-12, t. III,

p. 431, prologue à la LVllI8 nouvelle.
 
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