DOI issue:
Nr. 4
DOI article:Bénédite, Léonce: J.-J. Henner, 3: artistes contemporains
DOI Page / Citation link:https://doi.org/10.11588/diglit.24865#0352
J.-J. HENNER
329
« Pendant que j’étais en train de dessiner et sur le point de com-
mencer à peindre, le sous-préfet se levait et me disait : « C’est singulier,
« je ne me reconnais pas du tout », et ce manège se renouvelait assez
souvent. J’étais déjà sur le point de me décourager, je n’osais pas
me mettre à peindre, de sorte qu’à force de chercher et de mettre
les choses en place, la peinture n'était plus rien. Et cependant je t’as-
sure que la couleur de la tête et de la main est étonnante de fraî-
cheur et de facilité de modelé. Le préfet m’avait dit avant de com-
mencer, d’un air important: « Croyez-vous pouvoir le faire? Il y a déjà eu
plusieurs peintres qui n’ont pas osé l’entreprendre. » Il m’a effrayé et
épouvanté de toutes les manières, mais je n’en prenais que plus d’aplomb. »
CROQUIS PRIS A BURNWILLERj DESSIN AU CRAYON NOIR, PAR J.-J. HENNER
Et, après le petit refrain coutumier qui marque combien son
jeune amour-propre était heureusement chatouillé par les premiers
frissons de la gloire naissante : « On en parle déjà partout! » il ne se
fait pas défaut de raconter une de ces bonnes petites histoires plai-
santes, comme il les aimait tant. Cette fois, c’est le maire de la
commune de Moos qui en fait les frais. Le sous-préfet lui a fait
écrire pour lui demander le tableau des récoltes de son endroit. « Le
brave homme, dans sa naïveté, se dépêche de lui envoyer le garde
champêtre avec un tableau qu’ils avaient trouvé dans l’église du
village qu’ils venaient de démolir. » Ilenner juge cette histoire digne
du Messager Boiteux, de Strasbourg, et recommande bien à Zoegger
delà raconter à leur ami M. Silbcrmann.
Ce portrait fini, le vagabondage recommence. Il retourne à
Bernwiller pour une semaine, afin de se mettre à un petit tableau
XXXVIII. — 3' PÉRIODE.
42
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« Pendant que j’étais en train de dessiner et sur le point de com-
mencer à peindre, le sous-préfet se levait et me disait : « C’est singulier,
« je ne me reconnais pas du tout », et ce manège se renouvelait assez
souvent. J’étais déjà sur le point de me décourager, je n’osais pas
me mettre à peindre, de sorte qu’à force de chercher et de mettre
les choses en place, la peinture n'était plus rien. Et cependant je t’as-
sure que la couleur de la tête et de la main est étonnante de fraî-
cheur et de facilité de modelé. Le préfet m’avait dit avant de com-
mencer, d’un air important: « Croyez-vous pouvoir le faire? Il y a déjà eu
plusieurs peintres qui n’ont pas osé l’entreprendre. » Il m’a effrayé et
épouvanté de toutes les manières, mais je n’en prenais que plus d’aplomb. »
CROQUIS PRIS A BURNWILLERj DESSIN AU CRAYON NOIR, PAR J.-J. HENNER
Et, après le petit refrain coutumier qui marque combien son
jeune amour-propre était heureusement chatouillé par les premiers
frissons de la gloire naissante : « On en parle déjà partout! » il ne se
fait pas défaut de raconter une de ces bonnes petites histoires plai-
santes, comme il les aimait tant. Cette fois, c’est le maire de la
commune de Moos qui en fait les frais. Le sous-préfet lui a fait
écrire pour lui demander le tableau des récoltes de son endroit. « Le
brave homme, dans sa naïveté, se dépêche de lui envoyer le garde
champêtre avec un tableau qu’ils avaient trouvé dans l’église du
village qu’ils venaient de démolir. » Ilenner juge cette histoire digne
du Messager Boiteux, de Strasbourg, et recommande bien à Zoegger
delà raconter à leur ami M. Silbcrmann.
Ce portrait fini, le vagabondage recommence. Il retourne à
Bernwiller pour une semaine, afin de se mettre à un petit tableau
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