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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 38.1907

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Nr. 6
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Pottier, Edmond: Les origines populaires de l'art
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https://doi.org/10.11588/diglit.24865#0469

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442

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

de l’homme, comme une façon de substituer au monde vrai un autre
monde, tout entier irréel et factice, où des privilégiés s’enferment
pour vivre d’une existence supérieure et surhumaine1.

Artistes, critiques et philosophes s’accordent donc à nous dire :
l’art est divin, mais il est immatériel, hors du domaine des choses
pratiques et utiles; il est le rêve qui nous enlève à la réalité maus-
sade; accessible à quelques heureux qu’il charme et qu’il enivre, il
est un luxe, une superfluité, et c’est ce qui en fait le prix.

Je m’excuse d’avoir à présenter ici une opinion tout à fait con-
traire, sans espoir d’ailleurs de convertir ni les philosophes, ni les
critiques, ni les artistes. J’y trouve seulement l’occasion de dire ce que
les études d'archéologie et d’histoire ont apporté de nouveau dans la
question et quelles raisons nous avons d’envisager les choses sous
un autre aspect.

On a donné depuis longtemps une explication très simple des
origines de l’art. L’homme a l’instinct du beau; il aime à se parer,
à embellir sa personne, ses objets mobiliers, son habitation. L’orne-
mentation est née de ce besoin. Qu’un sauvage trouve en son chemin
des pierres aux couleurs éclatantes, des coquilles aux tons nacrés,
il les ramassera et s’en fabriquera un collier; avec des plumes d’oi-
seau chatoyantes il se fera une coiffure. Qu’il transporte de lui-même
aux objets qui l’entourent le même souci du beau, et vous aurez
les poteaux bariolés des huttes, les armes ornées de figures grima-
çantes, les calebasses couvertes de dessins géométriques, tous les
oripeaux étranges et somptueux que nous exposons dans nos musées
d’ethnographie.

Mais, depuis, on a regardé de plus près. Sans nier l’instinct du
beau — et l’on entend par là le plaisir particulier qui attire non
seulement l’homme, mais les bêtes elles-mêmes, vers certaines
couleurs, certaines formes et certains sons2, — on s’est demandé si
cet instinct s’exercait d’une façon désintéressée ou si l’homme n’y
trouvait pas, comme les animaux, un instrument de lutte pour la 4

4. Le Mensonge de l’Art, par F. Paulhan (Paris, Alcan, 1907). Voyez le compte
rendu très élogieux de M. Faguet dans La Revue, juillet 1907, p. 45.

2. Rappelons la théorie célèbre de Ch. Darwin sur la sélection sexuelle où
l’attrait, pour le plus fort et le plus beau joue un si grand rôle (Descendance de
l’homme, traduct. Barbier d’après la 2° édit, angl., p. 237 et suiv., 291, 312, 322,
336 et suiv., 406 et suiv., 433 et suiv., etc.). Cf. Ernest Hæckel, Histoire naturelle
de la Création, 10e édit., 1902, xie conférence; Les Merveilles de la Vie, p. 337; et
la brillante lecture de M. Edmond Perrier à la réunion des cinq Académies,
25 octobre 1905, sur La Panure.
 
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