LES SALONS DE 1909
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douceur de ces (leurs brodées, glissantes et molles. Mais la palme
est à M. Max Bohm, qui a vu passer sur la falaise un manteau
jaune et une robe blanche, couronnés d’une ombrelle cerise. Ici, le
souffle a plus d’étendue. Le pinceau, plus résolu, casse avec plus de
hai’diesse les larges plis des satins; il distribue avec plus d’abon-
dance la matière même du tableau. Le long de la mer ensoleillée,
dans cette lumière liquide, au-devant de cette flottille blanche qui
semble un vol de mouettes, ces deux promeneuses m’apparaissent
comme la représentation même du mouvement. L’enfant, qui joue
dans leurs jambes, est entraîné par le jeu régulier de leur marche.
Et voici qu’on perçoit en même temps la belle humeur de leurs
propos et, malgré l’épaisseur de l’herbe, je ne sais quel rythme de
pas.
MM. Clieca, Carrera, Carlos Vazquezet Christophersen enseignent
qu’il ne suffit pas de peindre les choses d’Espagne pour parvenir
d’emblée au pittoresque. M. Tito Salas dit la vie grouillante et tinta-
marresque des courses de taureaux. M. Vila y Prades donne de l’allure
et du caractère à d’arrogants picadors. Les Corsaires de la contre-
bande de M. Covarsi sont, comme il est convenable, peu rassurants,
fort orgueilleux et très dramatiques. M. Mezquita a peint son ami
Don Segundo à califourchon sur un petit âne enrubanné, tenu à la
bride par un personnage qui doit cesser d’être sympathique dès la
tombée du jour, — type fort amusant, avec son vêtement de peau, ses
espadrilles, son tromblon en bandoulière, sa face prudente, ses
lèvres minces qui tirent sur la cigarette. MM. Covarsi et Mezquita
sont pleins de talent, et, comme MM. Laparra et Zo ne sont pas, je
crois, d’Espagne, constatons que celte terre, favorable aux peintres,
peut combler des fils d’adoption comme ses propres enfants. Il y a
beaucoup de force et d’esprit et un savoureux coloris dans cette
Route de M. Laparra, où processionnent ces joueuses d’éventail, ce
bouc gigantesque, celte naine hideuse et ce chevrier à la tête de son
troupeau. La même soif de bruit, de soleil et de sang entraîne vers
l’arène toute cette avenue fiévreuse que M. Zo représente avec beau-
coup d’animation. Alguazils, omnibus, fiacres, ces types populaires
de femmes qui vont, d’un pas pressé, dans le bruit de leurs jupes
empesées, se ruent vers le plaisir national, héréditaire, pendant
qu’accroupie à terre, la vieille marchande offre désespérément ses
grenades.
M. Chicharro-Agucra me paraît être un artiste tout à fait remar-
quable, à qui aucun don n’a été refusé. Le Bossu de Burgondô, assis
ii. —
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4* PÉRIODE.
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douceur de ces (leurs brodées, glissantes et molles. Mais la palme
est à M. Max Bohm, qui a vu passer sur la falaise un manteau
jaune et une robe blanche, couronnés d’une ombrelle cerise. Ici, le
souffle a plus d’étendue. Le pinceau, plus résolu, casse avec plus de
hai’diesse les larges plis des satins; il distribue avec plus d’abon-
dance la matière même du tableau. Le long de la mer ensoleillée,
dans cette lumière liquide, au-devant de cette flottille blanche qui
semble un vol de mouettes, ces deux promeneuses m’apparaissent
comme la représentation même du mouvement. L’enfant, qui joue
dans leurs jambes, est entraîné par le jeu régulier de leur marche.
Et voici qu’on perçoit en même temps la belle humeur de leurs
propos et, malgré l’épaisseur de l’herbe, je ne sais quel rythme de
pas.
MM. Clieca, Carrera, Carlos Vazquezet Christophersen enseignent
qu’il ne suffit pas de peindre les choses d’Espagne pour parvenir
d’emblée au pittoresque. M. Tito Salas dit la vie grouillante et tinta-
marresque des courses de taureaux. M. Vila y Prades donne de l’allure
et du caractère à d’arrogants picadors. Les Corsaires de la contre-
bande de M. Covarsi sont, comme il est convenable, peu rassurants,
fort orgueilleux et très dramatiques. M. Mezquita a peint son ami
Don Segundo à califourchon sur un petit âne enrubanné, tenu à la
bride par un personnage qui doit cesser d’être sympathique dès la
tombée du jour, — type fort amusant, avec son vêtement de peau, ses
espadrilles, son tromblon en bandoulière, sa face prudente, ses
lèvres minces qui tirent sur la cigarette. MM. Covarsi et Mezquita
sont pleins de talent, et, comme MM. Laparra et Zo ne sont pas, je
crois, d’Espagne, constatons que celte terre, favorable aux peintres,
peut combler des fils d’adoption comme ses propres enfants. Il y a
beaucoup de force et d’esprit et un savoureux coloris dans cette
Route de M. Laparra, où processionnent ces joueuses d’éventail, ce
bouc gigantesque, celte naine hideuse et ce chevrier à la tête de son
troupeau. La même soif de bruit, de soleil et de sang entraîne vers
l’arène toute cette avenue fiévreuse que M. Zo représente avec beau-
coup d’animation. Alguazils, omnibus, fiacres, ces types populaires
de femmes qui vont, d’un pas pressé, dans le bruit de leurs jupes
empesées, se ruent vers le plaisir national, héréditaire, pendant
qu’accroupie à terre, la vieille marchande offre désespérément ses
grenades.
M. Chicharro-Agucra me paraît être un artiste tout à fait remar-
quable, à qui aucun don n’a été refusé. Le Bossu de Burgondô, assis
ii. —
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4* PÉRIODE.