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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
importance pour la datation de cet ivoire que l’on pût établir la
date où fut sculpté le panneau de bois.
Après un long examen de l’ivoire, je ne doute point que le nimbe
n’ait été ajouté après coup, et je pense qu'il en fut aussi de môme
pour l’inscription. La croix elle-même est d’une forme qu’on ren-
contre assez fréquemment dans les sarcophages : par exemple, sur
celui d’Anicius Probus, dans l’église Saint-Apollinaire in Classe, à
Ravenne, et je n’ai nul besoin d’insister sur le « style de sarco-
phage» des figures. Si l’on excepte le panneau de la porte de Sainte-
Sabine, la draperie qui ceint les reins est unique. Dans le manuscrit
deRabulas, dans le reliquaire
de Théodolinde et dans d’au-
tres Cnicifiements anciens le
Christ est complètement ha-
billé et, plus tard, il porte
une jupe qui descend jus-
qu’aux genoux.
Examinons ensuite la
figure et l’attitude du soldat
armé de la lance. Remar-
quons qu’il perce le côté
gauche au lieu du côté droit,
ainsi qu’on le voit presque
toujours dans les représen-
tations de toutes les époques. Il en est de môme dans le manuscrit
de Rabulas. Des figurations anciennes montrant, comme ici, des
gestes violents sont excessivement rares. Cependant, dans ce tour
de force calligraphique, très curieux et barbare, représentant le
Crucifiement dans l’Évangéliaire irlandais du ix° siècle du monas-
tère de Saint-Gall, Longin perce, bien évidemment, le côté gauche.
Il en est de même dans le Psautier de St. John’s College à
Oxford.
Je n’ai pas ici l’intention d’entrer dans la question générale de
l’origine du crucifix, mais, bien qu’elle ait été plusieurs fois abordée,
j’ai tenu à faire quelques observations qui touchent plus particu-
lièrement aux ivoires, même si elles ne sont que des redites. Pour
conclure, l’idée du crucifix ne naquit-elle pas probablement en
Orient, pour être ensuite adoptée un, ou peut-être deux siècles plus
tard en Occident, où l’introduisirent des moines syriens? La plaque
du British Muséum est-elle donc de facture orientale ou occiden-
PILATE SE LAVANT LES INI AIN S
PLAQUETTE EN IVOIRE
(British Muséum, Londres.)
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
importance pour la datation de cet ivoire que l’on pût établir la
date où fut sculpté le panneau de bois.
Après un long examen de l’ivoire, je ne doute point que le nimbe
n’ait été ajouté après coup, et je pense qu'il en fut aussi de môme
pour l’inscription. La croix elle-même est d’une forme qu’on ren-
contre assez fréquemment dans les sarcophages : par exemple, sur
celui d’Anicius Probus, dans l’église Saint-Apollinaire in Classe, à
Ravenne, et je n’ai nul besoin d’insister sur le « style de sarco-
phage» des figures. Si l’on excepte le panneau de la porte de Sainte-
Sabine, la draperie qui ceint les reins est unique. Dans le manuscrit
deRabulas, dans le reliquaire
de Théodolinde et dans d’au-
tres Cnicifiements anciens le
Christ est complètement ha-
billé et, plus tard, il porte
une jupe qui descend jus-
qu’aux genoux.
Examinons ensuite la
figure et l’attitude du soldat
armé de la lance. Remar-
quons qu’il perce le côté
gauche au lieu du côté droit,
ainsi qu’on le voit presque
toujours dans les représen-
tations de toutes les époques. Il en est de môme dans le manuscrit
de Rabulas. Des figurations anciennes montrant, comme ici, des
gestes violents sont excessivement rares. Cependant, dans ce tour
de force calligraphique, très curieux et barbare, représentant le
Crucifiement dans l’Évangéliaire irlandais du ix° siècle du monas-
tère de Saint-Gall, Longin perce, bien évidemment, le côté gauche.
Il en est de même dans le Psautier de St. John’s College à
Oxford.
Je n’ai pas ici l’intention d’entrer dans la question générale de
l’origine du crucifix, mais, bien qu’elle ait été plusieurs fois abordée,
j’ai tenu à faire quelques observations qui touchent plus particu-
lièrement aux ivoires, même si elles ne sont que des redites. Pour
conclure, l’idée du crucifix ne naquit-elle pas probablement en
Orient, pour être ensuite adoptée un, ou peut-être deux siècles plus
tard en Occident, où l’introduisirent des moines syriens? La plaque
du British Muséum est-elle donc de facture orientale ou occiden-
PILATE SE LAVANT LES INI AIN S
PLAQUETTE EN IVOIRE
(British Muséum, Londres.)