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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
et les journaux constatent que « le goût des arts a pénétré dans les
masses1 ». Ues derniers jours, l'Exposition est à peu près aban-
donnée et, comme aujourd’hui, elle se ferme dans le silence, après
s’être ouverte au milieu du bruit.
Loin de fatiguer le public, les Salons ne paraissent pas avoir,
dès lors, épuisé sa curiosité2. La Société centrale des Amis des Arts
organisait tous les ans des expositions, d’ailleurs fort médiocres3.
Nous parlerons plus tard des exhibitions temporaires ou perma-
nentes organisées par des marchands.
En 1845 et 1846, Bocage installa dans le foyer de l’Odéon des
ouvrages de peinture des plus illustres contemporains4 5 6. Les expo-
sitions rétrospectives et actuelles ouvertes en 1846 et 1847 ;, au
profit de l’association Taylor, obtinrent un très vif succès. La pre-
mière comprenait 70 numéros, la plupart absolument remarqua-
bles0. Ingres, qui, depuis 1834, n’avait plus rien montré au public,
y avait envoyé ses meilleures œuvres et ce fut le « clou » de l’Exposi-
tion. La seconde fut tout aussi brillante : on y avait rassemblé, à côté
d’ouvrages contemporains, quelquesbeaux morceaux du xvin°siècle7 8.
La complaisance du public aurait pu, semble-t-il, encourager les
artistes refusés aux Salons à protester par une contre-exposition.
On ne tenta pas de le faire3. Les artistes négligèrent les occasions,
4. Les Beaux-Arts, édités par Curmer, t. II (1844), p. 147;—Même impression
en 1845 : Arthur Gui] lot, Revue indépendante, 25 mars 1845, p. 230. —A. Karr en
1846 est frappé de l’aflluence prodigieuse des visiteurs (Les Guêpes, mars 1846,
p. 86). Cette année-là, selon le Journal des Artistes, le nombre total des entrées se
serait élevé à 1 200 000.
2. Maurice Duseigneur, dans l'introduction de son étude sur L’Art et les artistes
au Salon de 1882, a fait le relevé des petites expositions pendant la période que
nous étudions (UArtiste, 1882, t. I, p. 544-546).
3. On trouve, dans ïlllustration du 11 mars 1843 des renseignements inté-
ressants sur cette société.
4. Maurice Tourneux, Eugène Delacroix devant ses contemporains, p. 110-111. On
sait qu’une tentative analogue a été faite récemment au même théâtre lors des
représentations de Glatigny.
5. En 1846, à la galerie des Beaux-Arts, boulevard Bonne-Nouvelle, 22; en
1847, rue Saint-Lazare, 75, dans l’ancien hôtel du cardinal Fescli.
6. On y voyait, entre autres, la Mort du duc cle Guise de Delaroche, le Tintoret
de Léon Cogniet, la Francesca de Rimini d’Ary Scheffer; dans la partie rétrospec-
tive, le Marat, la Mort de Socrate, le Bonaparte de David, Vénus et Adonis de
Prud’hon, des œuvres de Gérard, Gros, Géricault.
7. Delaroche avait exposé Jane Grey, Horace Yernet, Le Frère Philippe ; Dela-
croix, Cléopâtre; Hersent, Gustave Vasa. On admira la Femme au lit, de Vanloo,
de Gilles de Watteau, des œuvres de La Tour, Greuze, Vestier, etc.
8. Sauf, en 1840, où une exposition des refusés fut tentée à la galerie Bonne-
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et les journaux constatent que « le goût des arts a pénétré dans les
masses1 ». Ues derniers jours, l'Exposition est à peu près aban-
donnée et, comme aujourd’hui, elle se ferme dans le silence, après
s’être ouverte au milieu du bruit.
Loin de fatiguer le public, les Salons ne paraissent pas avoir,
dès lors, épuisé sa curiosité2. La Société centrale des Amis des Arts
organisait tous les ans des expositions, d’ailleurs fort médiocres3.
Nous parlerons plus tard des exhibitions temporaires ou perma-
nentes organisées par des marchands.
En 1845 et 1846, Bocage installa dans le foyer de l’Odéon des
ouvrages de peinture des plus illustres contemporains4 5 6. Les expo-
sitions rétrospectives et actuelles ouvertes en 1846 et 1847 ;, au
profit de l’association Taylor, obtinrent un très vif succès. La pre-
mière comprenait 70 numéros, la plupart absolument remarqua-
bles0. Ingres, qui, depuis 1834, n’avait plus rien montré au public,
y avait envoyé ses meilleures œuvres et ce fut le « clou » de l’Exposi-
tion. La seconde fut tout aussi brillante : on y avait rassemblé, à côté
d’ouvrages contemporains, quelquesbeaux morceaux du xvin°siècle7 8.
La complaisance du public aurait pu, semble-t-il, encourager les
artistes refusés aux Salons à protester par une contre-exposition.
On ne tenta pas de le faire3. Les artistes négligèrent les occasions,
4. Les Beaux-Arts, édités par Curmer, t. II (1844), p. 147;—Même impression
en 1845 : Arthur Gui] lot, Revue indépendante, 25 mars 1845, p. 230. —A. Karr en
1846 est frappé de l’aflluence prodigieuse des visiteurs (Les Guêpes, mars 1846,
p. 86). Cette année-là, selon le Journal des Artistes, le nombre total des entrées se
serait élevé à 1 200 000.
2. Maurice Duseigneur, dans l'introduction de son étude sur L’Art et les artistes
au Salon de 1882, a fait le relevé des petites expositions pendant la période que
nous étudions (UArtiste, 1882, t. I, p. 544-546).
3. On trouve, dans ïlllustration du 11 mars 1843 des renseignements inté-
ressants sur cette société.
4. Maurice Tourneux, Eugène Delacroix devant ses contemporains, p. 110-111. On
sait qu’une tentative analogue a été faite récemment au même théâtre lors des
représentations de Glatigny.
5. En 1846, à la galerie des Beaux-Arts, boulevard Bonne-Nouvelle, 22; en
1847, rue Saint-Lazare, 75, dans l’ancien hôtel du cardinal Fescli.
6. On y voyait, entre autres, la Mort du duc cle Guise de Delaroche, le Tintoret
de Léon Cogniet, la Francesca de Rimini d’Ary Scheffer; dans la partie rétrospec-
tive, le Marat, la Mort de Socrate, le Bonaparte de David, Vénus et Adonis de
Prud’hon, des œuvres de Gérard, Gros, Géricault.
7. Delaroche avait exposé Jane Grey, Horace Yernet, Le Frère Philippe ; Dela-
croix, Cléopâtre; Hersent, Gustave Vasa. On admira la Femme au lit, de Vanloo,
de Gilles de Watteau, des œuvres de La Tour, Greuze, Vestier, etc.
8. Sauf, en 1840, où une exposition des refusés fut tentée à la galerie Bonne-