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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 3.1910

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Nr. 6
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Bidou, Henry: Les salons de 1910, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24873#0513

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484

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

un esprit, quelque chose d’aigu et de mesuré, qu’on ne trouverait,
je crois, nulle part ailleurs en Europe. Ni l’allure grasse et bril-
lante de la peinture anglaise, ni la fausse force de la peinture alle-
mande ne feront oublier le dessin de tel torse, de telle main où
tant de science accumulée reste inutile.

Il y a, dans ces maîtres académiques du non-vrai, une sorte de
hiérarchie. Nous nommerons d’abord les plus vénérables, qui sont
arrivés à l’Institut.

Le plus ancien de tous est M. Bonnat. Il y a vingt-neuf ans qu’il
est de l’Institut. Son art, qui n’a jamais varié, est une des curio-
sités de ce temps. Il est tout à fait étonnant de voir les fils d’Adam
sous cette forme de vessies. On ne saurait, d’ailleurs, nier la force
de son dessin : quand M. Besnard voulut que son fils apprît le
métier de peintre, c’est à M. Bonnat qu’il le confia. Il n’y a rien de
plus à dire des deux portraits d’hommes qu’il a envoyés.

M. J.-P. I ^aurens a été un dissident, presque un révolté. Per-
sonne ne conteste son originalité, ni son talent. On demeure cepen-
dant déconcerté devant la Reddition d’Yorktown. Cette immense
composition, divisée en quatre parties enfermées dans des ogives
et séparées par des montants en boiserie, est formée à gauche d’une
file courbe de soldats anglais en habits vermillon, défilant entre
deux haies de soldats américains en uniformes blancs. Dans le troi-
sième panneau, le général anglais à pied, tète nue, remet son épée
au général américain, monté sur un cheval blanc. L’état-major occupe
une partie du quatrième panneau, qui se termine à droite par un
rang de troupes bleues, qui forment le carré. Sur tout le fond se
développe un panorama de côtes basses, d’ouvrages fortifiés et de
mer bleue.

Est-ce de la peinture décorative? La mise en évidence des lignes
indique cette intention. C’en est pourtant le contraire. La mai-
greur des taches, la multiplication des points, la laideur papillotante
de la couleur, le brisement sans rythme des lignes ôtent à cette
composition la gravité et l’harmonie d’une décoration. Cette scène
solennelle de l’histoire des Etats-Unis est peinte dans l’esprit
de petite anecdote qui est la manière de M. J.-Paul Laurens. Il est
vrai que l’œil se porte assez heureusement sur le groupe central ;
mais c’est par un pur artifice et par le renforcement le plus
arbitraire de l’habit rouge du général anglais, qui ressemble à une
lanterne. Bien n’a de valeur décorative, et rien n’a de réalité ; tant
ces deux qualités opposées sont, en fait, indissolublement unies : ces
 
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