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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
à demi nue, et elle se déshabille ou se rhabille de la façon la plus
singulière du monde, tous ses vêtements, chemise et robe étant
descendus à la fois, et retenus de la main à la hauteur des hanches.
Il n’y a vraiment que les modèles qui se vêtent ainsi. Un pied
nu sort de ces étoffes, et une femme de chambre agenouillée
l’essuie. L’aplomb de ce corps est lui-même douteux et son architec-
ture peu heureuse. Mais il y a, dans l’ensemble de cette composition
saugrenue, des qualités certaines de dessin et d’habileté, un manie-
ment gras et souple de la couleur. Que sortira-t-il de tout cela? —
On a trop souvent, à ce Salon, l’impression de peintres qui seraient
parfaitement instruits pour dire quelque chose, s’ils avaient quelque
chose à dire.
Que l'on n’imagine pas toutefois aux prix de Rome ou aux élèves
présents de l’Ecole une facture asservie. Il règne, au contraire, une
liberté évidente, et il y a souvent de la verve dans ces œuvres.
M. Jonas a été second grand prix, si je ne me trompe, il y a deux
ans. Il y a de l’esprit, un esprit rapin, dans sa composition. Le peuple
a descendu la statue de bronze du tyran. Le cheval est resté debout
sur le socle ; une maritorne l’enfourche, et déploie un drapeau rouge :
un étonnant orateur à cravate rouge, les deux bras levés, brandi
son chapeau haut de forme, et beugle. Le tyran, tiré par des cordes,
est tombé sur le dos : on voit sa botte vers le ciel, et son bras tendu,
qui est maintenant levé; le raccourci est amusant. Le peuple
insulle le bronze descendu : une cuisinière le flagelle d’un poi-
reau, un boucher, qui a les traits de M. Silvain, et une cuisinière
l’injurient. Le tout ressemble un peu aune scènedes « Quat’-z-arts ».
L’expression des sentiments est violente, mais ce sont sentiments
de figurants; les hommes qui liaient ne liaient pas pour de bon. Il
y a plus d’entrain que de sincérité, et tout de même la peinture n’est
pas de premier ordre.
M. Jonas expose encore une Parade devant une baraque de foire.
C’est une peinture grosse, éclatante, un peu commune, mais où il y
a de l’entrain, et des qualités. Un Gugusse rouge, ruisselant de fard
et de sueur, s’accroche à un poteau et rit d’un air de gros pitre.
L’infante de la troupe, jolie et l’air canaille, gueule à pleine voix
pour attirer le public. Elle l’attire en effet.
Il y a un nom auquel on pense aussitôt en voyant le tableau de
M. Gourdault : c’est celui de hauteur de YEnterrement à Ornans.
C’est aussi un enterrement à la campagne qui est représenté sur
cette toile ; c’est la même matière grasse, le même ciel gris, la même
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
à demi nue, et elle se déshabille ou se rhabille de la façon la plus
singulière du monde, tous ses vêtements, chemise et robe étant
descendus à la fois, et retenus de la main à la hauteur des hanches.
Il n’y a vraiment que les modèles qui se vêtent ainsi. Un pied
nu sort de ces étoffes, et une femme de chambre agenouillée
l’essuie. L’aplomb de ce corps est lui-même douteux et son architec-
ture peu heureuse. Mais il y a, dans l’ensemble de cette composition
saugrenue, des qualités certaines de dessin et d’habileté, un manie-
ment gras et souple de la couleur. Que sortira-t-il de tout cela? —
On a trop souvent, à ce Salon, l’impression de peintres qui seraient
parfaitement instruits pour dire quelque chose, s’ils avaient quelque
chose à dire.
Que l'on n’imagine pas toutefois aux prix de Rome ou aux élèves
présents de l’Ecole une facture asservie. Il règne, au contraire, une
liberté évidente, et il y a souvent de la verve dans ces œuvres.
M. Jonas a été second grand prix, si je ne me trompe, il y a deux
ans. Il y a de l’esprit, un esprit rapin, dans sa composition. Le peuple
a descendu la statue de bronze du tyran. Le cheval est resté debout
sur le socle ; une maritorne l’enfourche, et déploie un drapeau rouge :
un étonnant orateur à cravate rouge, les deux bras levés, brandi
son chapeau haut de forme, et beugle. Le tyran, tiré par des cordes,
est tombé sur le dos : on voit sa botte vers le ciel, et son bras tendu,
qui est maintenant levé; le raccourci est amusant. Le peuple
insulle le bronze descendu : une cuisinière le flagelle d’un poi-
reau, un boucher, qui a les traits de M. Silvain, et une cuisinière
l’injurient. Le tout ressemble un peu aune scènedes « Quat’-z-arts ».
L’expression des sentiments est violente, mais ce sont sentiments
de figurants; les hommes qui liaient ne liaient pas pour de bon. Il
y a plus d’entrain que de sincérité, et tout de même la peinture n’est
pas de premier ordre.
M. Jonas expose encore une Parade devant une baraque de foire.
C’est une peinture grosse, éclatante, un peu commune, mais où il y
a de l’entrain, et des qualités. Un Gugusse rouge, ruisselant de fard
et de sueur, s’accroche à un poteau et rit d’un air de gros pitre.
L’infante de la troupe, jolie et l’air canaille, gueule à pleine voix
pour attirer le public. Elle l’attire en effet.
Il y a un nom auquel on pense aussitôt en voyant le tableau de
M. Gourdault : c’est celui de hauteur de YEnterrement à Ornans.
C’est aussi un enterrement à la campagne qui est représenté sur
cette toile ; c’est la même matière grasse, le même ciel gris, la même