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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 14.1918

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Nr. 2
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Jamot, Paul: Degas: (1834 - 1917)
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https://doi.org/10.11588/diglit.24916#0156

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142

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

La collection qu’il rassembla pour son plaisir personnel est le
plus éloquent des hommages. Eüe n’est pas non plus un témoignage
négligeable sur Degas, sur son goût, sa culture, sa liberté de juge-
ment. S’intéresser aux oéuvres d’autrui si bien qu’on souhaite, à
prix d’argent, de les avoir en sa possession, sous ses yeux, n’est pas
un fait commun chez les peintres, surtout quand il s’agit d’œuvres
contemporaines. Or, à côté d’Ingres, de Delacroix, de Corot, la col-
lection de Degas contenait des morceaux heureusement choisis
de Manet, et faisait une place importante à Cézanne1 et à Gauguin.
Quatre grands portraits, une vingtaine de tableaux ou d’études,
trente-cinq dessins manifestaient la primauté d’Ingres. Le nombre
et la rare qualité des pièces portant le nom d’Eugène Delacroix ne
furent cependant pas la moindre surprise que nous rëservàt cette
collection si jalousement cachée. L'homme qui à de beaux dessins et
à quelques charmantes aquarelles avait réuni la pathétique Mise a.u
tombeau, l’exquise, l’éclatante, la précieuse étude d’intérieur qui
s’appelle JJAppartement du comte de Mornay, le Portrail du baron
Schwiter, où l’auteur s’e'gale à Lawrence pour l’aisance et le de'passe
infiniment pour l’expression, enfin l’admirable copie d’après Rubens
(Henri IV donnant la régence à Marie de Médicis), avait sans aucun
doute un sentiment vif, intime et profond du ge'nie de Delacroix.

Quand Degas devint collectionneur (ce fut surtout à partir de 1890),
un zélateur passionné d’Ingres pouvait. sans apostasie rendre justice
à Delacroix. Le temps n’était plus des luttes sans merci entre les
deux maîtres et entre leurs champions. Baudelaire, dans des études
qui, après soixante ans e'coulés, restent l’honneur et le modèle de la
critique d’art, avait donné l’exemple. II avait consacré son principal
effort à défendre, à commenter, à expliquer le grand peintre de la
Galerie d’Apollon et des Croisés à Constantinople, alors que celui-ci
était encore l’objet de haines acharnées. II eut la clairvoyance et
l’élégance d’écrire quelques pages mémorables sur l’illustre rival
d’Eugène Delacroix : hors des lieux communs et de l’admiration de
commande, il pénétrait pour la première fois jusqu’à l’essence et
jusqu’à l’originalité propre de ce maître. Depuis Baudelaire il est
loisible et même facile de comprendre et d’aimer à la fois Ingres et
Delacroix. Ce n’est cependant pas une hypothèse arbitraire que de
leur assigner des périodes successives dans la vie d’Edgar Degas.

1. Degas s’était-il refroidi à l’égard du solitaire d’Aix-en-Provence, avait-il
été offensé par certaines folies du parti pris ou de la spéculation? Constatons,
en tout cas, qu’il s’était défait de plusieurs toiles de Cézanne.
 
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