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JOURNAL DES BEAUX-ARTS.

tracées comme peuple, comment voulons-
nous acquérir les connaissances qui
seules peuvent donner à notre talent le
sceau du génie ? — Comment voulons-
nous rester au courant des idées et du
mouvement si une fois que nous croyons
savoir dessiner ou même peindre une
maison, un arbre, une figure qui se rap-
prochent de la nature, nous fermons
pour nous les portes si vastes du pro-
grès pour ne plus voir que nous-mêmes
ou les procédés identiques aux nôtres
qui nous entourent? Nous ressemble-
rions à certains originaux ou maniaques
qui circulent parfois au milieu de nous
avec des modes d'il y a cinquante an-
nées. Non, point de cette aveugle con-
fiance en nous mêmes ou en notre école,
point de ce parti pris d'ignorance ou
d'un culte quand même du passé; gar-
dons l'originalité qui nous est échue en
partage, mais ne méprisons point celle
des autres et ne croyons pas que lors-
que nous aurons beaucoup vu, beaucoup
étudié, beaucoup comparé, nous aurons
perdu le signe distinctif de notre pays
ou de notre école.

Et vous, qui voulez absolument que
l'on fasse mieux ailleurs que chez vous,
qui voulez faire de l'allemand un réalis-
te, du français un coloriste fougueux,
du flamand un idéaliste exclusif, ne
vous trompez point sur ces vaines tenta-
tives; elles ne réussiront jamais ; chaque
peuple a son génie et s'il le perdait, ce
ne serait point pour le remplacer par un
autre; pourquoi viser à faire disparaître
chez un artiste les qualités qu'il reçoit
en naissant ou comment espérer qu'il
puisse acquérir toutes celles qui lui
manquent ? la perfection n'est pas de ce
monde. Mais, tout en blâmant le côté
exclusif de votre système, nous nous
joignons à vous quand il s'agit d'études
comparatives et fécondes en résultats,
de voyages instructifs qui élèvent l'in-
telligence et étendent la sphère du ta-
lent, nous nous joignons à vous surtout
pour reconnaître l'excellence de ces ex-
positions qui déroulent à nos yeux ce
qu'un peuple tout entier a produit de
plus grandi et de plus complet dans nos
temps modernes.

Nous avons tous entendu parler de
ces oeuvres gigantesques que l'école al-
lemande accomplit depuis plus de trente
ans dans sa pairie. Ceux qui ont eu le
bonheur de les voir en sont revenus
pleins d'enthousiasme; ils ont donné à
ceux qui ne pouvaient avoir la même
jouissance une envie extraordinaire de
partager leur admiration ; mais qui peut
arranger sa vie d'après ses goûts et ses
désirs? Jamais probablement la plupart
d'entre nous n'auraient pu satisfaire cet-
te légitime aspiration que possède tout

homme pour voir une belle chose, si le
gouvernement belge, mû par un senti-
ment aussi libéral qu'intelligent, n'avait
conçu la pensée de faire venir à nous les
chefs-d'œuvre puisque nous ne pou-
vions tous aller à eux. Nous lui devons
donc de ce chef une reconnaissance que
nous sommes heureux de lui témoigner;
mais pour arriver au but vraiment gran-
diose que nous venons d'atteindre, il
ne suffisait pas de la bonne volonté du
gouvernement et de l'initiative intelli-
gente de l'administration des Beaux-
Arts; il fallait avant tout rencontrer
chez les Gouvernements et les particu-
liers d'Allemagne, chez les artistes de
cette intéressante contrée, assez de gé-
néreuse confiance, assez de sympathi-
que amitié pour que les uns et les au-
tres consentissent à se dessaisir mo-
mentanément à notre profit de tant de
trésors précieux. Disons-le vite avec un
légitime orgueil, une profonde gratitu-
de, un sentiment d'affectueux retour,
rien de tout cela ne nous a manqué.
En moins de quelques semaines, avec
une spontanéité qu'une bien enviable
estime peut seule faire naître, les ad-
hésions sont venues les unes après les
autres : la colonie allemande de Rome
si justement célèbre, Munich, Dresde,
Berlin, Cologne, Dusseldorf, ont déta-
ché des murs de leurs palais ou de leurs
ateliers, ce qui en faisait un des plus
beaux ornemenls pour le confier à notre
patrie.

Soyez les bienvenus au nom de la
Belgique, vous dont nous aimons et
vénérons la renommée ; si nous sommes
heureux de correspondre avec votre
esprit en voyant ce qu'il a pu produire ,
nous sommes peut-être plus heureux
encore de la preuve de votre confiante
amitié. — Vous ne nous trouverez ni in-
grats ni indifférents. Nous vous tendons
d'ici une main toute fraternelle en vous
disant : merci, et nous saurons appré-
cier des œuvres où le triomphe de la
pensée, delà philosophie, de l'érudi-
tion , de la poésie et de la foi, se lit en
traits qui seront un éternel exemple
pour la postérité.

11 nous paraît utile, avant d'examiner
les cartons que nous avons sous les
yeux, d'esquisser en larges traits l'his-
toire de l'art en Allemagne. Une étude
sommaire du passé aidera à mieux sai-
sir l'ensemble des travaux modernes
offerts à notre appréciation.

C'est au IXe siècle, sous l'influence
civilisatrice de Charlemagne, que l'art
allemand prit naissance. Le peu de ty-
pes qui nous restent de cette époque,
nous montrent dans leur naïveté les tra-
ces de l'art antique dont les traditions
s'étaient réfugiées dans les abbayes. Ces

traditions sont toutes romaines, elles
s'attachent à la forme et ce n'est qu'après
avoir été germanisées qu'on les voit af-
fecter une tendance idéale. Deux siècles
plus tard on voit poindre le symbolisme
bysantin qui se traduit par des formes
raides, un coloris minutieux; on re-
marque dans l'art allemand des idées
ingénieuses et une forme imposante.
Au XVU siècle une importante modifi-
cation s'opère dans les arts en général,
le gothique parait et avec lui naît une
école de peinture dans laquelle les tra-
ditions de l'art ancien font un naufrage
complet. En même temps que l'expres-
sion de la pensée se traduit par des
formes plus sveltes, plus gracieuses et
par une certaine observation des lois
anatomiques, le goût tombe dans l'af-
fectation. La forme absorbe le fond et
l'école allemande fait scission avec ce
caractère d'unité que jusqu'alors on
avait remarqué chez elle. Plusieurs
courants s'établissent et constituent au-
tant de types particuliers.L'école de Co-
logne devient la plus brillante; à côté
d'elle on constate l'école de Bohême,
celle de Westphalie et celle de Saxe, qui
toutes paraissent procéder de l'école de
Cologne.

Le XVe siècle voit s'accomplir en Al-
lemagne un vaste développement artis-
tique dû à l'influence de l'école fla-
mande. Le naturalisme des maîtres de
la Flandre exerce sur les bords du Bhin
une révolution complète. L'artiste de-
vient subjectif ; il se rejette violemment
hors des règles archilectoniques et ob-
serve la nature avec une ardeur et un
enthousiasme qui lui font accomplir de
merveilleux chefs-d'œuvre. C'est l'épo-
que de Meckenen, de Schoen, de Hol-
bein, de Wolgemuth; puis de Dùrer,
et de sa brillante pléiade.

Cette splendeur continua pendant en-
viron cent et cinquante ans lorsque l'é-
cole italienne devint à son tour une
cause d'influence que l'on peut à bon
droit qualifier de pernicieuse quand on
considère le petit nombre de maîtres
qui lui doivent leur éclat et qui succèdent
à la phalange des maîtres devenus les
gloires de l'Allemagne. Près de deux
siècles ont subi cette influence italienne
que Mengs a emportée avec lui dans la
tombe pour faire place à un homme qui
puisa ses inspirations dans la Bible et
dans l'antiquité et qui est considéré à
juste titre comme le fondateur de l'école
allemande moderne : Asmus Carstens.

M. Fortoul dit que Carstens a accom-
pli dans l'art allemand une transforma-
lion analogue à celle qu'André Chénier
opérait à la même époque dans la poésie
française : il s'appliqua à restaurer tout
à la fois la forme antique et le sentiment
 
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