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98

JOURNAL DES BEAUX-ARTS.

ques Néréides sortent à demi du sein
des flots ; à la voix d'Homère qui chante
la gloire d'Achille, Thétis, la mère du
guerrier, s'élance des ondes en serrant
sur son cœur l'urne qui contient les
cendres de son fils. A droite, dans le
tond, déjeunes guerriers exécutent une
danse martiale en brandissant leurs
glaives et leurs boucliers, tandis qu'au
milieu du cercle brûle l'autel du sacri-
fice dont la fumée est agréable aux
Dieux. Dans le haut, l'Olympe s'émeut;
les Muses, sous la direction d'Apol-
lon, des Grâces et de l'Amour, diri-
gent leur course aérienne vers un beau
temple où la cour céleste va prendre
rang d'après la classification qu'Homère
lui a donnée. Un arc-en-ciel, dont les
rayons vont mourir vers le temple,
couronne comme d'un vaste cintre le
groupe terrestre qu'il sépare ainsi de la
partie supérieure de la composition.

Parmi les Grecs on remarque Péri-
clès, Phidias, Solon, Eschyle, Euripi-
de, Hésiode, Sophocle, Pindare, Aris-
tophane, Bakis et une foule d'autres
dont, nous devons l'avouer, les por-
traits traditionnels ne nous sont point
connus.

Tout le monde est frappé de l'aspect
grandiose et gracieux à la fois de ce
Carton, dont le dessin moelleux et cor-
rect est en même temps d'une expres-
sion juste dans les masses comme dans
les moindres détails. La partie saillan-
te de l'œuvre est sans contredit ce grou-
pe de Néréides adorables de grâce, de
vie, de mouvement et de distinction.
C'est un hommage à rendre à Kaulbach,
qu'il a su dessiner ces charmantes na'ia-
des avec un étonnant respect pour les
convenances des yeux, sans qu'on puis-
se lui reprocher d'avoir porté ce respect
au delà des limites nécessaires. Celle
qui se défend contre les lutineries d'un
cygne est un chef-d'œuvre qu'on ne se
lasse pas d'admirer. N'oublions pas de
signaler aussi la facilité et la simplicité
avec lesquelles tout ce groupe est om-
bré. La troisième naïade entre autres,
est d'un très bel effet de clair-obscur
que le pinceau lui-même aurait de la
peine à égaler. Après ces gracieuses Né-
réides, il faut citer la Sybille qui est à
elle seule une figure de la plus grande

et de la plus pure originalité; sa pose |
pleine de mollesse et d'abandon, son
visage aux traits altérés par les agita-
tions de son rôle de prophétesse, les
sévères et nobles lignes de ses drape-
ries , tout en elle constitue une création
du sentiment le plus pur et le plus élevé
en même temps qu'elle réalise tout ce
que cette poétique tradition réveille de
souvenirs dans l'esprit. Puis vient ce
beau et élégant Périclès, appuyé sur le
jeune Alcibiade dont il était l'oncle,
Périclès qui résume un des plus beaux
siècles de la Grèce, siècle de gloire dans
la politique comme dans l'art et la poé-
sie, Périclès qui fit construire l'Odéon
et le Parthénon représentés au fond par
Kaulbach, Périclès enfin, qui par sa
grâce, sa majesté et sa vie agitée do-
mine l'œuvre de l'artiste comme il a
dominé son temps et la postérité. Ce
personnage traité parle peintre comme
l'aurait fait un statuaire, (ce qui est du
reste l'aspect général du Carton) donne
une idée exacte de la tournure d'esprit
de Kaulbach qui cherche toujours, com-
me nous l'avons observé, à résumer les
faits dans un fait, les hommes dans un
homme, et qui a étudié à fond toutes
les parties de son sujet, soit sous le rap-
port philosophique, soit sous le rapport
purement matériel.

Après ces figures, il faut citer celle
de Phidias incliné vers l'Olympe : il
semble recevoir l'initiation de cette fa-
culté de diviniser la matière qui fit de
lui le premier statuaire du monde; celle
de l'historien Bakis accroupi au pied
d'un rocher où il écrit les grandeurs de
de son siècle, puis... il faut s'arrêter
ou bien consacrer plusieurs pages à
décrire l'œuvre entière où tout est sujet
à méditation, où tout vous sollicite à
l'admiration, à l'étude, et dans laquelle
l'esprit se plonge de plus en plus avec
un irrésistible plaisir.

C'est par la même raison que nous
ne pourrons nous étendre longuement
sur la belle frise qui couronne les fres-
ques de l'escalier du nouveau musée
de Berlin. Cette œuvre, qui mesure près
de deux cents mètres, est un immense
poème épique et satirique où l'histoire
de l'humanité se déroule dans ce qu'elle
a eu de plus saillant. A moins d'avoir

analysé cette vaste composition, on ne
peut se faire une idée de tout ce qui s'y
trouve dépensé de science, d'étude,
d'observation, de finesse, de raillerie,
de philosophie, de grâce, de ces mille
animations qui sont comme les pulsa-
tions du cœur et de l'esprit de l'artiste.
Rien ne peut rendre l'adresse et le char-
me avec lesquels le génie encyclopédique
de Kaulbach a traité un sujet dont il
parait s'être joué et qui aurait certaine-
ment tué sous lui plus d'un artiste. La
frise commence par la représentation
figurée du culte primitif ou naturalisme;
la naissance des arts, les doctrines de
la métempsycose, l'esprit d'analyse et
d'observation se disputant le monde, la
boîte de Pandore, la domination ro-
maine, la vie rustique, le triomphe
d'Auguste, la chute de l'empire, l'idolâ-
trie, la science, le dernier empereur
romain, le baptême des Gentils, les
croisades, St. Bernard, Grégoire VII et
Henri IV, tels sont les principaux épi-
sodes qui donnent eux-mêmes naissance
à une indéfinissable série d'épisodes
secondaires où l'esprit, l'a propos, l'hu-
mour comme on dit, sont portés au plus
haut diapason.

Comme dessin, cela est si naturel, si
vrai, si facile, qu'on ne s'aperçoit pas
que ce poème est dessiné, on croit le
lire.

Lorsqu'on songe aux pages grandio-
ses sorties du génie de Kaulbach et qui
s'appellent : La maison de fous, la ba-
taille des Huns, le sac de Jérusalem, la
dispersion des peuples, Charlemagne, la
bataille de Salamine, Homère devant les
Grecs, l'histoire du monde et d'autres
moins grandes peut-être mais toujours
imposantes ou spirituelles, telles que le
malfaiteur et Reinecke Fuchs, on ne peut
s'empêcher d'éprouver pour ce vaste et
multiple esprit un respect mêlé d'admi-
ration et de sympathie. Nous sommes
heureux de constater que ces sentiments
sont ceux que nous avons entendu ex-
primer par la foule en présence des
deux grandes œuvres dont il vient d'être
parlé.

Le caractère de Bendemann, comme
homme et comme artiste, est tout autre.
Chez lui le cœur domine l'esprit et son
talent demande des triomphes à un
 
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