JOURNAL DES DEÀUX-ARTS.
tel ou tel, ne vous refusez pas à notre
appel par la crainte d'être éclipsé par tel
ou tel; venez avec la volonté de bien
faire, de produire une belle œuvre; les
talents ne se comparent pas : comme
toute chose de divine origine, ils ont
chacun leur cachet particulier, sembla-
bles en cela à l'âme qui les produit.
Qu'un sentiment noblement patriotique
s'éveille dans vos cœurs et que, par une
convention tacite, il soit décidé que l'é-
cole entière sera représentée et anéan-
tira tous les doutes, toutes les hésita-
tions, en répondant à ses détracteurs,
à ses envieux par des chefs-d'œuvre, les
plus éloquents de tous les discours.
Nous appelons l'attention de nos lecteurs sur
les nouvelles de Cologne; ils y verront le suc-
cès si heureux pour l'art qu'a obtenu un de nos
honorables correspondants par son article sur le
malencontreux projet d'une tourelle en fer de
fonte dont on voulait surmonter le magnifique
dôme gothique de Cologne. Mous ne pouvons as-
sez, pour notre part, féliciter les autorités et
l'artiste qui ont écouté les protestations fuites à
ce sujet; il peut arriver à chacun d'adopter une
fausse idée, il n'arrive qu'aux esprits vraiment
supérieurs de convenir de leurs torts et do les
réparer.
Voici un résumé succinct des objets
d'art conquis dans divers pays par les
années victorieuses ; 15 tableaux de
Raphaël ; 17 du Pérugin ; 3 du Domini-
quin ; 28 du Guerchin ; 4 du Corrègc ; 10
du Guide; 3 du Garofalo ; 3 de l'AIbane;
3 du Parmesan ; 4 de Spada ; 3 de Tia-
rini ; 3 de Jules Romain ; 3 d'André Sac-
chi; 3 du Caravagc; 3 de Barrochio; 5
d'Annibal Carrache; 8 de Louis Carra-
che; 3 d'Augustin Carrache; 5 du Titien;
13 de Véronèse; 4 du Tintoret; 6 de
Mantegna; 79 de Rubens (!) 17 de Van
Dyck; 8 de.lordaens; 13 de Crayer; 4
de Quellyn; 3 d'Otto Vœnius; 6 de Lai-
ressc; 8 de B. Flemael ; 4 de Carlier; 3
de P. Pottcr; 10 de YVouwermans; 3 de
Rembrandt; 3 de Berchem; 3 de Miens;
4 de Holbein ; 6 de J. Steen; 6 de Breu-
ghel; plus, un nombre considérable de j
tableaux d'autres grands maîtres, soit
une, soit deux œuvres de chacun d'eux;
bref, le total des tableaux enlevés s'é-
lève à près de six cents, chiffre officiel.
Il faut y ajouter une soixantaine de sta-
tues , types célèbres de la statuaire an-
tique et un nombre considérable de
morceaux de sculpture, tombeaux, bas-
reliefs etc.
C'est la première fois, croyons-nous,
que le relevé qui précède, est donné au
public. Nous l'avons dressé d'après des
documents authentiques et aussi d'après
nos études particulières sur la question.
Une polémique assez vive s'est élevée
entre M. Paul Lacroix, directeur de la
Revue universelle des arts et un italien,
M. Sebastiani. Le fond du débat portait
sur la restauration des tableaux et sur
les inventeurs de cet art précieux; sub-
sidiairement est venue la question de
savoir si la France possédait légitime-
ment les objets d'art qui lui ont été re-
pris en 1815; M. Paul Lacroix soutient
que oui, M. Sebastiani émet l'opinion
contraire. Cette lutte offre un vif intérêt,
mais l'on doit regretter qu'elle fasse
naître de part et d'autre des expres-
sions amères.
M. Sebastiani a parlé au nom de sa
patrie si cruellement dépossédée par les
armées de la république pendant la
guerre de la liberté; la Belgique, comme
on ne l'a pas oublié, a vu disparaître
à la même époque ses plus beaux ta-
bleaux qui ne lui ont pas tous été ren-
dus en 1815. Nous publierons prochai-
nement deux documents inédits très im-
portants sur cet épisode de notre histoire;
ils serviront peut-être à jeter quelque
jour sur le débat engagé. Dans tous les
cas ils feront voir l'étendue de nos per-
tes malgré la restitution faite au Gou-
vernement des Pays-Bas.
Les élèves de l'académie d'Anvers, unis
à ceux de Liège, avaient, comme on le
sait, adressés à M. Cornélius, le célèbre
chef de l'école allemande, un témoignage
de leur admiration pour son talent en
même temps que de leur gratitude pour
les artistes de cette grande école qui
ont bien voulu nous envoyer leurs œu-
vres. M. Cornélius vient d'adresser à
M. De Keyser, Directeur de l'académie
d'Anvers, la lettre suivante en réponse
à celle qui lui a été écrite au nom de
l'académie de cette ville.
Monsieur le Directeur,
« Votre aimable lettre du 15 Septembre
m'a fait grand plaisir sous bien des rap-
ports ; je vous en témoigne toute ma re-
connaissance.
« Je suis profondément touché des
bonnes intentions de vos jeunes artistes;
de tout temps j'ai tâché d'exercer mon
inlluence sur l'esprit et le cœur de la
jeunesse et maintes fois j'ai eu le bonheur
de voir bénir mes efforts. Je vous prie
d'exprimer en mon nom à ces jeunes
gens tout ce que j'éprouve pour eux
d'affectueuse sympathie et combien je
désire vivement que ce qu'ils ont trouvé
de bien dans mes œuvres, germe dans
leur âme et leur imagination et produise
un jour les meilleurs fruits. Que ceci
soit pour eux ma bénédiction paternel-
le d'artiste.
Je n'ai pas besoin de vous dire à quel
point je me sens honoré de l'accueil
flatteur que mes travaux ont trouvé
chez un peuple aussi éminemment ar-
tiste que le vôtre et je vous prie, Mon-
sieur, à l'occasion, de le proclamer hau-
tement de ma part. »
CORRESPONDANCES PARTICULIÈRES.
Cologne.
Triomphe de l'opinion publique : le projet de tou-
relle en fer de foule est abandonné. Détails. ■— Inau-
guration dupant en fer. — Les statues de M. Mohr.
— Banquet dans le Gùrzenich. — Ornementation
de la salle. — Un Van Dyek d'origine beige. —
Une lilhochromie de M. Kellerhoven, — Les expo-
sants allemands à Gand et à Courlrai.
La tourelle de la cathédrale est sau-
vée!! Nous l'écrivons avec la plus vive
joie ; notre dùine ne sera pas défiguré
par une construction en fer de fonte.
On a changé d'idée et nous en félicitons
sincèrement qui de droit. La charpente
de la tourelle, haute de 150 pieds, sera
construite en partie en fer battu et en
partie en bois, et bosselée en plomb;
la flèche sera couverte en plomb diapré.
Espérons que le dessin ne sera pas trop
compassé, trop raide et que le bosse-
lage sera confié à des mains habiles.
Cet art est inconnu chez nous; il faut
que les ouvriers qui seront employés
pour l'exécution du bosselage aient le
sentiment de la beauté des lignes, qu'ils
ne travaillent pas machinalement. On
dit que la tourelle doit être achevée au
mois de Juillet de l'année prochaine.
La charpente du toit de la nef princi-
pale de la Cathédrale sera aussi con-
struite en fer. Les hommes du métier
craignent que les murs ne soient pas as-
sez forts pour soutenir la poussée obli-
que de cette masse de fer. Nous ignorons
ce qu'il y a d'exact dans cette assertion,
mais ce que nous savons, c'est que l'on
sait bien calculer à Berlin.
Les fêtes de l'inauguration de notre
pont sont passées ; elles ont attiré une
foule de monde. On a compté à peu près
100,000 étrangers que les chemins de
fer seuls et les bateaux à vapeur nous
ont amenés. Et parmi cette masse il n'y
avait qu'une voix, c'est que ce pont est
un vrai scandale monumental qui jure
contre toutes les règles du beau. Nous
croyons (pic la construction est bien
solide, nous croyons même que l'on a
trop fait pour la solidité et qu'on n'avait
pas besoin de cette masse énorme de fer
pour atteindre le même but. Nous re-
grettons aussi que cette lourde et raide
tel ou tel, ne vous refusez pas à notre
appel par la crainte d'être éclipsé par tel
ou tel; venez avec la volonté de bien
faire, de produire une belle œuvre; les
talents ne se comparent pas : comme
toute chose de divine origine, ils ont
chacun leur cachet particulier, sembla-
bles en cela à l'âme qui les produit.
Qu'un sentiment noblement patriotique
s'éveille dans vos cœurs et que, par une
convention tacite, il soit décidé que l'é-
cole entière sera représentée et anéan-
tira tous les doutes, toutes les hésita-
tions, en répondant à ses détracteurs,
à ses envieux par des chefs-d'œuvre, les
plus éloquents de tous les discours.
Nous appelons l'attention de nos lecteurs sur
les nouvelles de Cologne; ils y verront le suc-
cès si heureux pour l'art qu'a obtenu un de nos
honorables correspondants par son article sur le
malencontreux projet d'une tourelle en fer de
fonte dont on voulait surmonter le magnifique
dôme gothique de Cologne. Mous ne pouvons as-
sez, pour notre part, féliciter les autorités et
l'artiste qui ont écouté les protestations fuites à
ce sujet; il peut arriver à chacun d'adopter une
fausse idée, il n'arrive qu'aux esprits vraiment
supérieurs de convenir de leurs torts et do les
réparer.
Voici un résumé succinct des objets
d'art conquis dans divers pays par les
années victorieuses ; 15 tableaux de
Raphaël ; 17 du Pérugin ; 3 du Domini-
quin ; 28 du Guerchin ; 4 du Corrègc ; 10
du Guide; 3 du Garofalo ; 3 de l'AIbane;
3 du Parmesan ; 4 de Spada ; 3 de Tia-
rini ; 3 de Jules Romain ; 3 d'André Sac-
chi; 3 du Caravagc; 3 de Barrochio; 5
d'Annibal Carrache; 8 de Louis Carra-
che; 3 d'Augustin Carrache; 5 du Titien;
13 de Véronèse; 4 du Tintoret; 6 de
Mantegna; 79 de Rubens (!) 17 de Van
Dyck; 8 de.lordaens; 13 de Crayer; 4
de Quellyn; 3 d'Otto Vœnius; 6 de Lai-
ressc; 8 de B. Flemael ; 4 de Carlier; 3
de P. Pottcr; 10 de YVouwermans; 3 de
Rembrandt; 3 de Berchem; 3 de Miens;
4 de Holbein ; 6 de J. Steen; 6 de Breu-
ghel; plus, un nombre considérable de j
tableaux d'autres grands maîtres, soit
une, soit deux œuvres de chacun d'eux;
bref, le total des tableaux enlevés s'é-
lève à près de six cents, chiffre officiel.
Il faut y ajouter une soixantaine de sta-
tues , types célèbres de la statuaire an-
tique et un nombre considérable de
morceaux de sculpture, tombeaux, bas-
reliefs etc.
C'est la première fois, croyons-nous,
que le relevé qui précède, est donné au
public. Nous l'avons dressé d'après des
documents authentiques et aussi d'après
nos études particulières sur la question.
Une polémique assez vive s'est élevée
entre M. Paul Lacroix, directeur de la
Revue universelle des arts et un italien,
M. Sebastiani. Le fond du débat portait
sur la restauration des tableaux et sur
les inventeurs de cet art précieux; sub-
sidiairement est venue la question de
savoir si la France possédait légitime-
ment les objets d'art qui lui ont été re-
pris en 1815; M. Paul Lacroix soutient
que oui, M. Sebastiani émet l'opinion
contraire. Cette lutte offre un vif intérêt,
mais l'on doit regretter qu'elle fasse
naître de part et d'autre des expres-
sions amères.
M. Sebastiani a parlé au nom de sa
patrie si cruellement dépossédée par les
armées de la république pendant la
guerre de la liberté; la Belgique, comme
on ne l'a pas oublié, a vu disparaître
à la même époque ses plus beaux ta-
bleaux qui ne lui ont pas tous été ren-
dus en 1815. Nous publierons prochai-
nement deux documents inédits très im-
portants sur cet épisode de notre histoire;
ils serviront peut-être à jeter quelque
jour sur le débat engagé. Dans tous les
cas ils feront voir l'étendue de nos per-
tes malgré la restitution faite au Gou-
vernement des Pays-Bas.
Les élèves de l'académie d'Anvers, unis
à ceux de Liège, avaient, comme on le
sait, adressés à M. Cornélius, le célèbre
chef de l'école allemande, un témoignage
de leur admiration pour son talent en
même temps que de leur gratitude pour
les artistes de cette grande école qui
ont bien voulu nous envoyer leurs œu-
vres. M. Cornélius vient d'adresser à
M. De Keyser, Directeur de l'académie
d'Anvers, la lettre suivante en réponse
à celle qui lui a été écrite au nom de
l'académie de cette ville.
Monsieur le Directeur,
« Votre aimable lettre du 15 Septembre
m'a fait grand plaisir sous bien des rap-
ports ; je vous en témoigne toute ma re-
connaissance.
« Je suis profondément touché des
bonnes intentions de vos jeunes artistes;
de tout temps j'ai tâché d'exercer mon
inlluence sur l'esprit et le cœur de la
jeunesse et maintes fois j'ai eu le bonheur
de voir bénir mes efforts. Je vous prie
d'exprimer en mon nom à ces jeunes
gens tout ce que j'éprouve pour eux
d'affectueuse sympathie et combien je
désire vivement que ce qu'ils ont trouvé
de bien dans mes œuvres, germe dans
leur âme et leur imagination et produise
un jour les meilleurs fruits. Que ceci
soit pour eux ma bénédiction paternel-
le d'artiste.
Je n'ai pas besoin de vous dire à quel
point je me sens honoré de l'accueil
flatteur que mes travaux ont trouvé
chez un peuple aussi éminemment ar-
tiste que le vôtre et je vous prie, Mon-
sieur, à l'occasion, de le proclamer hau-
tement de ma part. »
CORRESPONDANCES PARTICULIÈRES.
Cologne.
Triomphe de l'opinion publique : le projet de tou-
relle en fer de foule est abandonné. Détails. ■— Inau-
guration dupant en fer. — Les statues de M. Mohr.
— Banquet dans le Gùrzenich. — Ornementation
de la salle. — Un Van Dyek d'origine beige. —
Une lilhochromie de M. Kellerhoven, — Les expo-
sants allemands à Gand et à Courlrai.
La tourelle de la cathédrale est sau-
vée!! Nous l'écrivons avec la plus vive
joie ; notre dùine ne sera pas défiguré
par une construction en fer de fonte.
On a changé d'idée et nous en félicitons
sincèrement qui de droit. La charpente
de la tourelle, haute de 150 pieds, sera
construite en partie en fer battu et en
partie en bois, et bosselée en plomb;
la flèche sera couverte en plomb diapré.
Espérons que le dessin ne sera pas trop
compassé, trop raide et que le bosse-
lage sera confié à des mains habiles.
Cet art est inconnu chez nous; il faut
que les ouvriers qui seront employés
pour l'exécution du bosselage aient le
sentiment de la beauté des lignes, qu'ils
ne travaillent pas machinalement. On
dit que la tourelle doit être achevée au
mois de Juillet de l'année prochaine.
La charpente du toit de la nef princi-
pale de la Cathédrale sera aussi con-
struite en fer. Les hommes du métier
craignent que les murs ne soient pas as-
sez forts pour soutenir la poussée obli-
que de cette masse de fer. Nous ignorons
ce qu'il y a d'exact dans cette assertion,
mais ce que nous savons, c'est que l'on
sait bien calculer à Berlin.
Les fêtes de l'inauguration de notre
pont sont passées ; elles ont attiré une
foule de monde. On a compté à peu près
100,000 étrangers que les chemins de
fer seuls et les bateaux à vapeur nous
ont amenés. Et parmi cette masse il n'y
avait qu'une voix, c'est que ce pont est
un vrai scandale monumental qui jure
contre toutes les règles du beau. Nous
croyons (pic la construction est bien
solide, nous croyons même que l'on a
trop fait pour la solidité et qu'on n'avait
pas besoin de cette masse énorme de fer
pour atteindre le même but. Nous re-
grettons aussi que cette lourde et raide