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— 50 —

l'institution n'existait pas, je suis convaincu
qu'il faudrait l'inventer au plus vite.

Et puis,avez-vous réfléchi que la liberté
de concourir ou de ne pas concourir va
augmenter dans une proportion fabuleuse
le chiffre des médiocrités orgueilleuses qui
d'emblée refuseront le concours et se met-
tront ainsi, en apparence, au niveau des
maîtres. 11 y a là un danger plus grand
que vous ne croyez et qu'un vieux se per-
met de vous signaler sans aller plus loin.

Dans votre généreuse et démocratique
ardeur, vous voudriez qu'on ne demande
plus : est-il médaillé, mais bien : a-t-il
du talent ? Or, c'est précisément là l'ab-
surde, car du talent, chers et infortunés
amis, tout le monde en a. Je vous le dis
en toute sincérité, le plus tristement et le
le plus sérieusement du monde, tout le
monde en a. En voulez-vous la preuve ?
C'est délicat à dire, mais Pierre Gervais le
dira tout de même de façon à être com-
pris. Il n'y a pas bien longtemps, vous
avez vu comme moi exposés à Bruxelles,
je ne dirai pas où, c'est inutile, de véri-
tables horreurs que mon jardinier Piro
qui m'accompagnait prétendait avoir vues
comme enseignes à Vielsalm et encore
d'autres horreurs telles qu'on en rencon-
tre sur les blancs murs du cimetière de
Grand-Halleux. Eh bien, nous avons lu
des journaux qui exaltaient ces choses
avec une générosité de louanges incroya-
ble ; on convenait bien un peu de quel-
ques faiblesses; mais on disait aussi qu'il
ne fallait y voir que le grouillement con-
fus du génie en fusion, ou toute autre
calembredaine du même genre. Ce n'est
pas une fois, par hasard, que cela s'est
produit, mais dix fois, vingt fois, et il y
a des gens très bien qui, préparés et oints
par cette averse d'éloges, s'en vont au tra-
vers des villes, se secouent et répandent
ainsi cette bonne parole.

Sous prétexte de faire des niches aux
académiciens et de leur tirer les oreilles,
on se montre éloquemment indulgent.
Par exemple, pour les artistes qui ne
savent pas dessiner, on dit : l'exu-
bérance de la passion le trouble et, sa
pensée devançant ïaction, il perd de vue
le détail. Un autre n'a pas pour deux
liards de perspective : qu'importe si la
pensée frémit et bouillonne dans les per-
sonnages ! Celui-ci n'a pas de sujet, il
peint pour peindre n'importe quoi, il
peindrait un torchon de cuisine, Ecoutez :
quel profond sentiment de lanaturelcomme
elle le happe tout entier, hein? comme
il ï adore... oh !! Un autre n'a pas un co-
loris bien fort, c'est qu'zV prélude, il sonde
le terrain, il cherche, mais comme on
sent bien qu'il va franchir les espaces!
Gare! Malheur à ceux qui l'entourent !
Enfin il y en a qu'on ne comprend pas
du tout, mais pas du tout : c'est bien !
c'est cela ! le tournoiement dans l'infini,
dans l'ombre; l'âme creuse; on sent l'ava-
tar, le monstre est là... C'est ainsi que
préludent ceux que le génie touche.

Notez bien que je n'ai pas plus en vue
un journal qu'un autre. Je ne dirai pas
qu'ils pataugent tous dans le même marais

mais il en est beaucoup et chaque jour,
ici comme au loin, je remarque d'étran-
ges volte-face sévèrement jugés. Un de
mes amis de Paris expliquait cela d'une
façon qui peut être juste, mais qui est
cruelle à accepter. Nous devons cela à la
dégénérescence de la presse où n'entrent
plus que des gens très honorables sans
doute, mais dont les études sérieuses ont
été déplorables. La critique des arts est
envahie dans les grands journaux par une
jeunesse nourrie à la scandaleuse et im-
pure école des romans du jour de plus
en plus saturés de sadisme. Tout est là ;
on s'occupe peu du reste. Il ajoutait qu'il
avait vu récemment dans un journal un
compte-rendu d'une exposition, lequel
était un véritable cours d'immoralité. J'ai
également noté une chose bizarre sur
laquelle les grands journaux, par pru-
dente réserve, sans doute, ne s'expliquent
pas, c'est l'innombrable quantité d'asso-
ciations artistiques qui se forment partout
et qui organisent des expositions et, enfin,
les exhibitions d'atelier lesquelles tendent
à se multiplier et finissent par devenir
au fond de véritables boutiques. Les ar-
tistes ont l'air de s'émietter et de se dé-
tacher de la grande confrérie où l'union
aurait pu les rendre si forts.

J'arrive tout droit de Paris. Mêmes
histoires. Mêmes rengaines à un diapason
plus haut, il est vrai; mais là aussi et sur-
tout, tout le monde a du talent II y a des
expositions ouvertes partout. Dans les
cafés, j'ai lu une masse de comptes-ren-
dus : je vous donne ma parole d'honneur
que sur mille tableaux dont j'ai lu l'ap-
préciation, il n'y a pas une critique, mais
pas une seule, entendez-vous bien?

Comme j'en demandais l'explication à
l'ami dont je parlais tantôt, il m'apprit,
chose dont je me doutais déjà un peu, que
les journaux critiques n'ayant d'abonnés
que parmi les artistes, ils devaient bien se
soutenir par eux en les soutenant. Du reste,
ajoute mon ami, comme s'il avait lu dans
ma pensée, tout le monde a du talent et
on finira par ne plus acheter des tableaux
qu'à ceux qui auront été médaillés.

Horrible! je l'avoue, mais c'est ainsi.

Mon opinion est qu'un jury de récom-
penses est un mal nécessaire, sinon au
point de vue de l'art proprement dit, du
moins comme aidant à l'épanouissement
de l'art et au bien être des artistes. J'ai dit
que c'était un mal parce que je ne crois
pas à la possibilité de former uu jury ho-
mogène et irréprochable, ce qui est le vice
de toutes les institutions humaines, dirait
M. Prudhomme, mais en cette matière
comme en beaucoup d'autres, je préfère
Prudhomme à Dandin.

Donc, mon cher Directeur, je reviens
de Paris. J'ai été voir l'exposition Dela-
croix. Quelle fougue! Quel génie! Mais
que d'incorrections ! On s'étonnerait moins
d'avoir vu Eugène Delacroix refusé aux an-
ciennes expositions si l'on voulait se donner
la peine de réfléchir que l'on sortait alors à
peine de l'école de David où le dessin an-
tique était, à peu de chose près, le seul mé-

rite qui prévalut. Nécessairement Delà-
croix devait faire horreur comme fait
horreur aujourd'hui tout chef-d'œuvre de
la véritable école de David. Qu'on veuille
se rappeler toujours que pour bien juger
certains faits il ne faut jamais les isoler du
milieu dans lequel ils se sont produits. Je
me bornerai à rappeler comme exemple
le mépris que le grand Rubens professait
pour l'art gothique.

J'ai vu aussi l'exposition Bastien-Lepage.
C'est d'une tonalité très fraîche, même un
peu crue. C'est l'école du blanc poussé à
l'excès ou la symphonie du blanc comme
on disait autour de moi. Cette débauche
de blanc, dont la mode est déjà-presque
passée, ne nous rappelle-t-elle pas ces rages
de couleurs qui ont existé à tous les siècles ;
celle du rouge sous Rubens, celle du
jaune- sous Van Dyck, celle du vert chez
quelques peintres du Directoire, du noir
chez Delaroche, du gris chez Ingres, etc.
Toutes ces études de Bastien-Lepage sont
généralement d'un dessin lourd ou im-
parfait , elles ressemblent à des choses
vagues qui dorment ; rien n'émeut. En
somme, on sent qu'un grand artiste aurait
pu sortir de là. Il y a beaucoup à ap-
prendre, rien à retenir.

Des Fagnes. P. Gervais.

P. S. La Commission de l'exposition
des Beaux-Arts, à Anvers, a fait droit à la
demande des artistes de Bruxelles. Je le
regrette. On s'en repentira. A mon sens le
système des récompenses, dans un pays
comme le nôtre, ne saurait que gagner à
être plus étendu. Du reste, ceci est une
expérience, on verra. Comme conséquence
ne va-t-il pas falloir supprimer de la men-
tion du nom d'un artiste la liste de ses
décorations et de ses récompenses? Déci-
dément, le gâchis s'accentue.

REVUE MUSICALE.

Notre revue musicale ne sera pas lon-
gue, mais, en revanche, elle traitera de
publications importantes dont plusieurs
font le plus grand honneur à l'antique
maison Breitkopf et Hartel de Bruxelles
et de Leipsig.

Ces Messieurs, après avoir mené à bon
terme, comme ils le disent avec fierté, les
œuvres complètes de Beethoven, Chopin,
Mendelssohn, Mozart, achèvent mainte-
nant celles de Bach, Scubert et Schu-
mann et se consacrent, en même temps,
à celles de Palestrina, comme, aussi, à
celles de notre célèbre compatriote feu
M. Lemmens.

Les partitions de Palestrina ont été
successivement revues et corrigées par
MM. Th. De Witt, J. N. Rauch, Fr,
Espagne, Fr. Commer et F. X. Haberl
Trop souvent nous avons jugé les tra-
vaux des savants de Ratisbonne pour que
nous devions revenir aujourd'hui sur les
éloges que nous avons faits de leur splen-
dide édition. Nous avons lu, ces jours ci,
le volume XVIe des œuvres, lequel forme
le volume VIP des messes du maître.
Le volume est aussi intéressant que ses
 
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