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— 130 —

grès, et qui prennent pour symbole un sabre et le
despotisme Je ne me fie pas à ces contradic-
tions. J'ai peur que cette énigme naît un jour son
mot. » Et en finissant : « Souvenez-vous d'e'crire
sur ce monument (le monument qu'on allait élever
pour y recueillir les cendres de Napole'on) la seule
inscription qui réponde à la fois à votre enthou-
siasme et à votre prudence, la seule inscription qui
soit faite pour cet homme unique et pour l'époque
difficile où vous vivez : a napoléon... seul.

« Ces trois mots, en attestant que ce génie mili-
taire n'eut point d'égal, attesteront en même temps
à la France, à l'Europe, au monde que si cette
généreuse nation sait honorer ses grands hommes,
elles sait aussi les juger, elle sait séparer en eux
leurs fautes de leurs services, elle sait les séparer
même de leur race et de ceux qui menaceraient la
liberté en leur nom, et qu'en élevant ce monu-
ment et en y recueillant nationalement cette grande
mémoire, elle ne veut susciter de cette cendre ni
la tyrannie, ni des légitimités, ni des prétendants,
ni même des imitateurs. »

Voilà de quel regard prophétique Lamartine
envisageait les dangers de ce fanatisme napoléo-
nien que Victor Hugo entretenait dans l'âme du
peuple. Il était bien temps de couvrir d'opprobre
l'héritier de l'Empereur, après avoir invoqué le
retour de l'aigle impériale, pour marcher à de nou-
velles conquêtes! Si le poète ne se fût pas con-
damné à l'exil et n'eût pas écrit les Châtiments, il
eût sans doute chanté Solferino comme un second
Austerlitz, et célébré le libérateur de l'Italie assez
fort et assez généreux pour accorder l'amnistie à
tous les proscrits. Quelles réflexions dut faire alors
le chantre lyrique de l'épopée impériale !

Mais, à la fin de sa vie, Hugo put se consoler
en présence des hommages d'une presse adulatrice
et de ces manifestations bruyantes de Paris défi-
lant devant sa demeure pour saluer l'auguste vieil-
lard, seul survivant de la grande époque littéraire.
La critique s'est tue et a changé son crible en
encensoir. Il faut évoquer le souvenir du retour
des cendres de Napoléon pour trouver des funé-
railles comparables à ces funérailles triomphales
d'un roi de la poésie qu'on menait au Panthéon.
Autrefois il eût refusé la place des Saints :
La légende des saints, seul et vrai panthéon.

Peut-on s'incliner devant l'œuvre d'un parti
politique exploitant à son profit cette pompe sépul-
crale, et réinstallant un culte profane dans un
temple si souvent profané, temple que Lamartine
lui-même n'aurait point voulu pour les cendres du
grand empereur? « C'est trop près, disait-il, des
mânes de ces hommes que je ne veux pas honorer.»
Voilà Hugo devenu le dieu des hugolâtres. Il a
fallu pour cela qu'il se fît comme Voltaire l'ennemi
du christianisme, lui qui avait dit en 1837 :

« Mais parmi les progrès dont notre âge se vante,

Dans tout ce grand éclat d'un siècle éblouissant,

Une chose, ô Jésus, en secret m'épouvante :

C'est l'écho de ta voix qui va s'affaiblissant. »

Et deux ans plus tard :

«O dix-huitième siècle, impie et châtié 1

Société sans Dieu, qui par Dieu fut frappée !

Qui, brisant sous la hache et le sceptre et l'épée,

Jeune offensas l'amour, et vieille la pitié!

Honte à tes écrivains devant les nations ! »

Etait-il jeune, quand il écrivait cela? Il avait
trente-sept ans. C'est bien l'âge de raison, ou cet
âge ne viendra pas.

Il a refusé par testament les oraisons de
l'Eglise, de toutes les églises, en demandant des
prières à toutes les âmes! Puis il a déclaré qu'il
croyait en Dieu. Il croyait surtout en lui-même.
Et il a voulu être conduit dans le corbillard des
pauvres, ce poète sept fois millionnaire qui savait
les hommages et les honneurs qu'on allait lui

rendre. Dernière antithèse et dernière pose devant
la mort !

Il a eu la gloire et l'argent. Mauvais signe. Ah!
sans doute il serait hautement désirable que les
hommes de lettres, les écrivains, les poètes vraiment
supérieurs pussent gagner par leur plume autant
qu'un homme qui ne les vaut pas en intelligence
peut gagner par l'industrie et le commerce. Mais on
sait à quel prix la fortune s'acquiert en écrivant.
La gloire est à ceux qui tiennent les cœurs en haut;
l'argent trop souvent à ceux qui les tiennent en
bas, du côté des sens, ou qui flattent les passions
du moment. C'est un fait historique : les génies les
plus admirés et surtout les plus aimés sont ceux qui
furent méconnus des partis et que la postérité
venge de l'oubli et de l'ingratitude de leurs con-
temporains. Celui-ci fut trop heureux.

Travaillez pour la gloire, et qu'un sordide gain

Ne soit jamais l'objet d'un illustre écrivain.

La gloire dont parle Boileau n'est pas celle qui
s'obtient par les compromissions de conscience
des courtisans de la popularité. Que les vrais
poètes, ceux qui écrivent ce qu'ils pensent sans se
préoccuper de la mode, ne se laissent point séduire
par cet exemple. Qu'ils suivent le conseil de l'au-
teur de Y Art poétique :

Si l'or seul a pour vous d'invincibles appâts,

Fuyez ces lieux charmants qu'arrose le Permesse ;

Ce n'est point sur ses bords qu'habite la richesse.

Aux plus savants auteurs comme aux plus grands guerriers,

Apollon ne promet qu'un nom et des lauriers.

Au reste, ce n'est pas tant par sa poésie que par
son théâtre et ses romans que Victor Hugo a pu
s'enrichir. Lamartine comme lui avait trouvé la
fortune, mais par sa prose aussi beaucoup plus
que par ses vers (1). On sait comment il la dépensa.
A un poète qui lui reprochait de recevoir le prix
de ses œuvres, il a dit avec raison :

Tu peux, sans le ternir, me reprocher cet or ;

D'autres bouches un jour te diront sur ma tombe
Où fut enfoui mon trésor.

Et maintenant demandons-nous si l'un de ces
deux hommes peut, à l'exclusion de l'autre, don-
ner son nom à son siècle. Que les thuriféraires
disent s'ils le veulent : le siècle de Hugo. Les sy-
necdoques sont permises. Mais la réalité la voici :
parmi les hommes politiques il en est sept qui, à
leur époque, ont exercé sur les événements la
plus grande influence : les deux Napoléon, Louis-
Philippe, Guizot, Thiers, Lamartine et Gam-
betta. De même parmi les hommes de lettres, il en
est quatre dont l'influence fut considérable sur les
idées de leur temps : Chateaubriand, Béranger,
Lamartine et Hugo. Mais aucun d'eux ne sera
l'homme du siècle tout entier. Voilà ce que nous
pouvons affirmer, sans craindre que l'avenir nous
donne un démenti.

Dans le domaine des lettres, Lamartine et Hugo
seront les plus grands. Ils ont présenté cet admi-
rable phénomène d'avoir élevé la prose aussi haut
que leur poésie, l'un par la richesse des couleurs
et les vives arêtes du style, l'autre par la pompe
magistrale, l'abondance, le mouvement, l'harmonie
et la splendeur de la forme dans un naturel aussi
parfait que pourrait l'être la simplicité la plus
familière. Voilà ce qui n'existait pas en France
avant notre âge, et ce qui a le plus contribué à
accroître l'influence de ces dioscures de la poésie
française au xixe siècle. La prose lyrique, créée
par J.J. Rousseau, Bernardin de St-Pierre et Cha-
teaubriand, ils l'ont élevée à sa plus haute puissance
et en ont fait le plus magnifique instrument de
propagation de la pensée humaine qu'ait vu le
monde. Désormais il ne sera plus nécessaire d'écrire
en vers pour être poète : la poésie en prose a reçu
le baptême de l'art et du génie. Elle s'impose à la

(1) Ce qui a rapporté le plus à l'un ce sont les Miserables,
à l'autre les Girondins.

critique, et, sans déroger, étend son empire jusqu'à
la science elle-même, la science qui s'inspire de
l'âme et de la nature.

Aujourd'hui l'heure est mauvaise : le matéria-
lisme menace d'engloutir l'âme contemporaine. Ne
désespérez pas du retour de l'idéal : on remontera
la pente quand on sera descendu jusqu'au fond. Il
n'y a pas d'astre qui n'ait son éclipse. C'est à tort
qu'on s'étonne que Lamartine soit oublié de la
masse des lecteurs en France et en notre pays.
Attendez quelques années, Hugo aura le même
sort. Les cendres du poète ne sont pas encore re-
froidies que déjà l'oubli commence. Le peuple fran-
çais a besoin de fétiches. Il lui faut son homme
du jour. Mais l'homme du jour — qui l'ignore ? —
n'est jamais celui du lendemain. O vous, zélateurs
des lettres, soyez sans crainte : les talents supé-
rieurs, les génies ont toujours leurs fidèles. C'est
une église qui va se perpétuant d'âge en âge à tra-
vers les siècles. Là s'entretient le culte des grands
esprits et des grandes œuvres, et ce culte ne s'étein-
dra pas tant qu'il y aura des intelligences et des
âmes qui, à certaines heures, aimeront à porter
leurs regards au-dessus des petitesses,des vulgarités
et de toutes les misères de la vie. Les deux grands
poètes que nous venons de mettre en parallèle
trouveront des juges, mais d'éternels admira-
teurs parmi ceux qui président au sacre de la
gloire dans la postérité. C'est là qu'est la vraie,
la seule immortalité de la terre. Laissons aller le
monde au train de ses affaires ou de ses plaisirs, et
gardons pour nous les,joies pures et inamissibles
de la pensée, du sentiment et de l'art que l'on
goûte dans la contemplation et l'étude des chefs-
d'œuvre de l'intelligence humaine comme de l'es-
prit divin.

N'exagérons rien cependant : n'imitons pas les
hugolâtres élevant leur idole à la divinité avec le
fanatisme exclusif des sectaires. Je ne suis point
de cette religion-là : je n'adore qu'un Dieu, maître
de la terre et du ciel. Mais, s'il fallait choisir un
dieu de chair, je l'avoue, ce n'est pas là qu'iraient
mes préférences. A ceux qui pensent autrement,
je répondrais par le mot d'Athalie à Joas :

J'ai mon dieu que je sers, vous servirez le vôtre ■

Ce sont deux puissants dieux !

Ferd. Loise.

Beaux-Arts.

HISTOIRES DE VOLEURS
ET AUTRES.

(Suite).

Comment f obtins une eau-forte cCAnselme.

Ceux qui me lisent d'un peu près l'ont
certainement deviné : ce'sont mes Mé-
moires que je déroule sous ce titre d'HiS'
toires de Voleurs et autres. Il y en a pouf
longtemps, je ne veux point le cacher, et
j'ajouterai que sans être brûlants d'inté-
rêt, ces Mémoires seront de plus en plus
le reflet de l'époque dans laquelle ma vie
s'est écoulée. Les fluctuations de ma des-
tinée m'ont fait toucher à beaucoup de
choses et voir beaucoup d'hommes. De
plus, un je ne sais quoi de particulier
dans la direction de mes travaux et de
mes devoirs, m'a amené à tout considé'
rer sous le côté logiquement cru. San5
doute c'est moins gai mais comme c'est
plus instructif! Et comme on devient foll-
et expérimenté... quand ce n'est plus né'
cessaire. Au moins cela servira, peut-être»
à ceux à qui je parle.

Aujourd'hui j'ai souvenance d'un amu'
 
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