Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
- 154 —

Les Allemands brillent d'un éclat supé-
rieur et incontestable dans le portrait. Il
faut citer avant tout M. Lenbach qui dans
les portraits de von Lipphard et Dollinger
a visé Rembrandt d'une évidente façon.
La tête de von Lipphard, le célèbre anti-
quaire, exagère peut-être les mérites de
Lenbach en ce sens qu'il y déploie une
virtuosité endiablée. Je me plais à croire
que Lipphardt avait un visage plus sou-
mis aux lois de l'hygiène et de la pro-
preté; en termes clairs nous dirons que
probablement il était plus décrassé. J'en
veux aussi au peintre d'avoir trop foncé
ses noirs. Est-ce encore de la virtuosité?
Probablement, mais elle est tout au moins
intempestive. Le portrait de Dollinger est
d'une touche plus fine et mieux sentie.
Cette physionomie ratatinée et avachie est
néanmoins tout un poème. Le sourire pres-
qu'éteint du vieux théologien allemand,
ses yeux, ses yeux surtout, si admirable-
ment rendus dans leur visible affaiblisse-
ment et comme noyés en un voile d'eau
veinulé de taches d'un sang pâle, tout cela
est d'une prodigieuse vérité. Ici tout dans
le costume est nettement peint. Ce n'est
pas le lâché de Lipphard. Examinez aussi
la main de ce prêtre presque nonagénaire.
Je ne dirai pas qu'elle vit, je croirais plu-
tôt qu'elle meurt. Oui! à Lenbach la palme
du portrait, et même de la peinture his-
torique, car de pareilles œuvres sont de
l'histoire et de la plus vraie encore.

Après lui vient Sinkel dont il faut ad-
mirer le portrait de l'ancien ministre
Winthorst. Malgré les fioritures vaines,
inutiles et nuisibles du costume, ce por-
trait est d'une facture très bourgeoise au
fond, mais qui se sauve par la science
merveilleuse qui s'y déploie et la pénétra-
tion avec laquelle le modèle est senti et
rendu.

Cest de la vieille école cet Othello de
C. Becker, ce qui n'empêche pas que
la Desdemone ne soit une ravissante créa-
tion et que Othello semble bien celui qu'a
rêvé le poète. Quant à Brabantio, il rap-
pelle plus d'un conseiller à la cour de
cassation.

L'Arrestation, si émue de Bokelmann,
vous est connue. Monte Carlo du même
est peint avec plus de vigueur et de science,
mais c'est un peu vide d'intérêt. L'Acquitté
de Brlitt est peint dans le style français,
beaucoup de verve mais manque absolu-
ment d'émotion. Un très remarquable por-
trait de Knausme retient. C'est une petite
toile. Le modèle, un savant qui rappelle
Listz, regarde le public. Peinture intense,
fine, soyeuse, séduisante au possible, mi-
nutieuse. détaillée et avec tout cela beau-
coup d'allure. Un bouquin relié en par-
chemin traîne à terre ; il est prodigieux de
vérité, on le prendrait si on osait, mais le
savant vous regarde et l'on s'en va tout
ému d'avoir vu l'homme et le livre. C'est
vraiment superbe ; on en rêve.

De Fregger vous est familier. Dans ses
Contes du chasseur on retrouve ce petit
sourire que nul n'a su rendre comme lui
et qui remue le spectateur comme s'il re-
cevait une secousse électrique. Ce petit

sourire est surtout délicieux quand il le
met sur les lèvresde ses jeunesTyroliennes.
Cela ne vaut cependant pas son célèbre An-
dré Hoeffer de la section autrichienne, car
ne vous y trompez pas, De Fregger a un
pied,c'est à dire deux tableaux, en Autriche,
et un pied,c'est à dire deux autres tableaux
en Bavière. Je n'ai pas compris grand'
chose à ce modus vivendi, mais comme
cela ne me regarde pas, j'y insisterai peu.

Voici un tableau déjà ancien, mais que
je suis aise de voir dans nos parages où
il n'était pas encore venu. C'est la Résur-
rection de la fille de Jaire, par Gebhart.
Franchement je ne vois là dedans rien
qui justifie le tapage qu'on en a fait dans le
temps. C'est une scène bourgeoise, sans
aucun caractère de grandeur. Le Christ
représenté par un homme très long, vêtu
de brun,est penché sur le corps de la petite
fille qui ouvre des yeux étonnés ; la veuve
assiste, sans émotion,à cette résurrection;
au fond trois personnages qui ont un
faux air de Raphaël et de Van Eyck.
A droite une porte entrouverte derrière
laquelle se presse une foule émerveillée
et qui cependant ne doit rien savoir en-
core, et voilà. Peinture sage, petite, effet
simple, aspect austère. Sans doute M.
Gebhart, qui a lu Renan, a voulu réduire
l'événement aux proportions d'un épisode
de famille. Il y a amplement réussi.

M. Grutzner expose un Hôte bienvenu.
Toile amusante, bien dessinée, bien peinte,
bien composée. Rien de communicatif
comme la gaîté qui chante dans cette scène
délicieusement entendue. Le Curé savoné
de M. Schmidt ne manque pas d'esprit.
Les jeunes filles ont beaucoup de grâce
et d'embarras dans leur soudaine appari-
tion à un moment inopportun. M. Rau-
ber dans sa Rencontre montre du talent
et un pinceau facile. Riefstal dans son
Apôtre dans les Alpes rétiques, déploie de
sérieuses qualités, mais quel étrange com-
position. La Salomé de Sichel est un peu
académique. Ne serait-ce pas le portrait
de quelque célèbre actrice? Il y a dans cette
étude un sentiment bien compris de l'har-
monie des draperies.— Que dire de M.
Uhde avec ce tableau assez négligemment
brossé : Laisse{ venir à moi les petits en-
fants ? Le Christ est assis dans une grande
chambre où circulent toutes sortes de
petits enfants vêtus à la moderne. LeChrist,
ou du moins, la silhouette brune qui est
sensée le représenter, prend la main d'une
petite fille.Eh bien,franchement,c'est bête.
Souspretexte de mettre l'évangile à la sauce
moderne, nous assistons à une scène ridi-
cule et inepte. Les enfants sont crottés,
mal mouchés, grotesques, comme on les
voit, en somme, dans la vie réelle. Le
Christ a une mansuétude banale et fadasse,
rien ne parle, rien ne luit, rien n'exalto
dans la paraphrase de la divine parole.
Et puis c'est coloré salement quoique avec
un réel talent de brosseur.

Je vois là dedans l'œuvre d'un apôtre
du temps,c'est à dire de cette sorte de gens
qui veulent bien qu'on mette de la poésie,
dans la pensée, mais qui exigent le réa-
lisme dans le fait. Laisse{ venir à moi les

petits enfants est la parole de Christ, non
seulement de son temps mais aussi de tous
les temps. Dès lors M.Uhde ne voit aucun
motif pour ne pas faire de cette parole une
sorte de symbolisme à prendre dans le
courant. Cela ressemble alors simplement
à un homme entré dans une crèche qui
cause avec des petits enfants vers qui il
est venu, car sans le livret, je vous défie
bien de voir autre chose dans le tableau
de M. Uhde. Il eut fallu, plus encore pour
se faire comprendre que pour être conve-
nable, que le Christ eût la majesté requise
et les enfants un maintien respectueux.
Je ne parle pas du costume pourvu qu'il
soit décent. Dans ces conditions l'œuvre
aurait eu le cachet qu'il devait avoir, M.
Uhde (et aussi M. Gebhardt) aurait dû
comprendre que,quand on écrit un poème,
il faut s'élever au ton voulu. Les tableaux
de Gebhart et de Uhde sont faux. Ils font
sur le goût le même effet que le Stabat
Mater rythmé sur une polka.

Il y a dans l'école allemande bon nom-
bre de tableaux sur lesquels je pourrais
m'étendre, mais je dois me borner. Non
seulement parce que le contingent de l'é-
tranger est formidable mais parce qu'il
arrive un moment où le critique surmené,
ne trouve plus dans son encrier les for-
mules nécessaires à l'émission de sa pensée.
Un peu de repos est indispensable. Tel un
voyageur fatigué... vous trouverez le reste
dans Télémaque.

Je reviens pour un peu sur les peintres
autrichiens que je n'ai fait qu'effleurer,
sauf Brozik, dans ma lettre du 3i août.
Makart vise à l'œil dans cette Sieste à la
Cour de Médicis. Le tableau en lui-même
n'a rien de particulier, le cadre très artisti-
que et d'arrangement très adroit, lui est su-
périeur.Ce peintre que ses succès ont grisé
et qui, me semble-t-il, a tout donné avant
de mourir, était un ornemaniste de génie
très certainement. Bien autrement fort
me paraît Hans Canon qui vient aussi de
mourir, dans ce portrait en style Renais-
sance de la comtesse Dubsky. Indépen-
damment de l'arrangement riche et ori-
ginal de la toilette de la dame, on reste
émerveillé devant la solidité de la pâte et
la pratique large et serrée à la fois de ce
maître. Son retable a tous les caractères
d'une peinture du XVIe siècle et si l'œuvre
paraît un peu mesquine à une certaine
distance, elle devient merveilleuse si on
l'examine de près. Il y a ou plutôt il y
avait, hélas ! dans le pinceau de Hans
Canon, une puissance géniale que je n'ai
encore retrouvée nulle part, mais je dois
remarquer aussi que dans cette puissance
s'était réfugiée toute l'intelligence du maî-
tre en tant que compositeur, car comme
tel je ne crois pas quç sa mémoire l'em-
portera sur le peintre et le dessinateur. —-
Les tableaux de genre de Friedlander ont
de l'esprit et de l'observation. — La gare
du chemin de fer de Karger est bien peinte,
mais d'une animation guindée et peu pi-
quante. Il faudrait citer beaucoup de
choses encore, et je finirais par fatiguer
ou plutôt je continuerais, car je m'imagine
 
Annotationen