PROCÈDES DE CONSTRUCTION. 285
tête à l'autre des points d'appui. Mais alors ces supports n'eussent pas laissé entre eux un
espace suffisant à la navigation ni même à l'écoulement des eaux, et il a fallu attendre la
voûte pour établir ces arches aux immenses ouvertures et ne portant que sur un petit
nombre de culées.
Peut-être les premiers inventeurs, retenus, soit par la nature des matériaux, sort par cet
excès de prudence qui caractérise chez tous les peuples les débuts de l'architecture, n'ont-
ils pas tiré de leur création tout le parti possible, et se sont-ils bornés à des constructions
de loi -mes simples ou relativement peu étendues. Mais les grandes constructions du même
ordre venues plus tard n'ont été qu'une affaire de perfectionnement; le point essentiel était
de trouver le principe et de poser les règles d'application. Imaginer pour les petits matériaux
une coupe et un appareil qui en rendissent l'emploi possible dans les toitures, et calculer
mathématiquement la résistance des pieds-droits destinés à les supporter : toute la question
était là. Une fois le théorème posé, les combinaisons diverses dont la courbe est suscep-
tible devaient, par simple voie de conséquence et suivant le génie particulier des peuples
ou les matériaux dont ils disposaient, conduire l'architecte aux magnifiques constructions
curvilignes, qui, par l'audace et la science dont elles sont la preuve, laissent bien loin
derrière elles les constructions droites les plus colossales. Du plein-cintre à l'ogive, de l are
surbaissé au tiers-point ou bien à la voûte biaise et à l'arc outre-passé, toutes ces bâtisses,
même les dômes et les demi-coupoles, même les arcs superposés, sont des déductions
naturelles de la première création.
A quel homme donc, ou plutôt à quel peuple faire remonter l'origine d'une concep-
tion qui suppose des connaissances si multiples, des études mathématiques si profondes,
une expérience si consommée, conception qui a dû passer par tant de tâtonnements avant
de lixer ses formules?
Les Egyptiens, privés de bois dans leur vallée d'alluvion, ont tiré du calcaire» et du
granit le mode d'assemblage et de couverture le plus simple : ce sont, ou bien des masses
accumulées en pyramides, ou bien deux montants verticaux surmontés d une pierre placée
horizontalement. Quand les temples d'Egypte ne sont pas à ciel ouvert, la plate-bande
monolithe va d'une tête a l'autre des murs droits, ou porte sur des colonnes dressées
à 1 intérieur de l'édifice. La science de la construction est donc là dans son état le plus
rudimentaire, et c'est à peine si Ion constate un seul exemple de pierres posées en dé-
charge à l entrée d une chambre de la grande pyramide. Quant à une voûte, une coUrbe
quelconque, on n'en aperçoit trace dans aucune bâtisse égyptienne.
Chez les Grecs, si habiles pourtant en l'art de bâtir, on est surpris de constater égale-
ment une absence presque aussi complète de la construction curviligne. Quelques per-
sonnes qui, dans les questions d'art, ne peuvent se décider à leur refuser aucun genre de
mérite, ont prétendu que les Grecs avaient connu les bâtisses circulaires, et elles citent à
1 appui de leur opinion le Trésor des Atrides ou Tombeau d'Agamemnon, à Mycènes, le
Tholus d'Athènes, servant aux sacrifices des Prytanes. Nous pouvons ajouter à ces deux
tête à l'autre des points d'appui. Mais alors ces supports n'eussent pas laissé entre eux un
espace suffisant à la navigation ni même à l'écoulement des eaux, et il a fallu attendre la
voûte pour établir ces arches aux immenses ouvertures et ne portant que sur un petit
nombre de culées.
Peut-être les premiers inventeurs, retenus, soit par la nature des matériaux, sort par cet
excès de prudence qui caractérise chez tous les peuples les débuts de l'architecture, n'ont-
ils pas tiré de leur création tout le parti possible, et se sont-ils bornés à des constructions
de loi -mes simples ou relativement peu étendues. Mais les grandes constructions du même
ordre venues plus tard n'ont été qu'une affaire de perfectionnement; le point essentiel était
de trouver le principe et de poser les règles d'application. Imaginer pour les petits matériaux
une coupe et un appareil qui en rendissent l'emploi possible dans les toitures, et calculer
mathématiquement la résistance des pieds-droits destinés à les supporter : toute la question
était là. Une fois le théorème posé, les combinaisons diverses dont la courbe est suscep-
tible devaient, par simple voie de conséquence et suivant le génie particulier des peuples
ou les matériaux dont ils disposaient, conduire l'architecte aux magnifiques constructions
curvilignes, qui, par l'audace et la science dont elles sont la preuve, laissent bien loin
derrière elles les constructions droites les plus colossales. Du plein-cintre à l'ogive, de l are
surbaissé au tiers-point ou bien à la voûte biaise et à l'arc outre-passé, toutes ces bâtisses,
même les dômes et les demi-coupoles, même les arcs superposés, sont des déductions
naturelles de la première création.
A quel homme donc, ou plutôt à quel peuple faire remonter l'origine d'une concep-
tion qui suppose des connaissances si multiples, des études mathématiques si profondes,
une expérience si consommée, conception qui a dû passer par tant de tâtonnements avant
de lixer ses formules?
Les Egyptiens, privés de bois dans leur vallée d'alluvion, ont tiré du calcaire» et du
granit le mode d'assemblage et de couverture le plus simple : ce sont, ou bien des masses
accumulées en pyramides, ou bien deux montants verticaux surmontés d une pierre placée
horizontalement. Quand les temples d'Egypte ne sont pas à ciel ouvert, la plate-bande
monolithe va d'une tête a l'autre des murs droits, ou porte sur des colonnes dressées
à 1 intérieur de l'édifice. La science de la construction est donc là dans son état le plus
rudimentaire, et c'est à peine si Ion constate un seul exemple de pierres posées en dé-
charge à l entrée d une chambre de la grande pyramide. Quant à une voûte, une coUrbe
quelconque, on n'en aperçoit trace dans aucune bâtisse égyptienne.
Chez les Grecs, si habiles pourtant en l'art de bâtir, on est surpris de constater égale-
ment une absence presque aussi complète de la construction curviligne. Quelques per-
sonnes qui, dans les questions d'art, ne peuvent se décider à leur refuser aucun genre de
mérite, ont prétendu que les Grecs avaient connu les bâtisses circulaires, et elles citent à
1 appui de leur opinion le Trésor des Atrides ou Tombeau d'Agamemnon, à Mycènes, le
Tholus d'Athènes, servant aux sacrifices des Prytanes. Nous pouvons ajouter à ces deux