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REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
parfaitement aux procédés mis en œuvre à la même époque par nos maî-
tres canonniers. Sous Louis XI, tes pièces de bronze commençaient à l'em-
porter sur celles de fer forgé, et si le matériel de campagne comportait
déjà de vrais affûts à roues, comme dans l'artillerie de Charles le Témé-
raire, les grosses pièces de siège étaient mises en batterie par des moyens
identiques à ceux que nous venons de voir exposer. Ceux de nos lecteurs
qui voudraient s'en convaincre n'ont qu'à examiner les curieuses vignettes
de notre vieux poëme de la Na?rcëtde,' ils y verront des quartiers de roc et
des poutres employés de la même façon qu'à l'armée de Mahomet.
KritoboulGS parle aussi de la poudre, mais d'une façon moins explicite.
« C'est, dit-il, une invention nouvelle des Germains, faite il y a environ
cent cinquante ans ou un peu plus. C'est une composition de salpêtre, de
soufre, de charbon et d'herbes, de laquelle naît un gaz qui, renfermé
dans le corps étroit du bronze, l'ouvre par la pression intérieure et donne
une telle vitesse à la pierre que quelquefois même elle fait éclater le
bronze, n
itans l'extrait reproduit plus haut, nous avons déjà vu la poudre appe-
lée àer&e. M. le docteur Dethier rappelle à ce sujet qu'en Allemagne on
nomme encore ZimdAratR (herbe pour amorcer) la poudre à canon. Cette
coïncidence s'explique jusqu'à un certain point, si on réfléchit que les
Turcs n'avaient eu nécessairement pour premiers maîtres canonniers que des
étrangers et surtout des Allemands; ceux-ci étaient alors recherchés par
toute l'Europe.
Faut-il en conclure maintenant, comme le croitM. le docteur Dethier en
prenant Kritoboulos au pied de la lettre, que cette poudre primitive ait été
réellement mêlée d'herbes? Je penche d'autant plus pour la négative que
j'ai vu bien des comptes de fabrication de poudre aux xn'" et XV" siècles,
sans jamais constater qu'aucune herbe ait joué semblable rôle. Si les
canonniers se sont jamais servis d'herbes, c'est pour les refouler sur la
poudre dans la pièce même, comme un simple tampon. Peut-être les pre-
miers maîtres canonniers ont-ils voulu, dans l'origine, rendre les secrets
de leur arr moins faciles à pénétrer en faisant croire que le mélange du
soufre, du salpêtre et du charbon empruntait toute sa vertu à l'immixtion
d'herbes mystérieuses.
M. le docteur Dethier ne dit point où se trouve ce manuscrit de Krito-
boulos, mais c'est évidemment le Crito&atg dont M. Miller a eu communi-
cation à ta bibliothèque du Vieux Séraï, et dont il parle dans la préface de
son dernier volume : nétmrges de HRérature grecque. M. Miller répète aussi
que l'écrivain est mconnu, que son ouvrage est inédit, etil ajoute dans son
Rapport à t'Emperear, au sujet de la mission spéciale dont il avait été
chargé : t J'ai eu déjà occasion de parler de ce manuscrit en envoyant à
Votre Majesté un fragment curieux sur la fabrication de la pondre à canon. *
LoRÉDAN LARCHEY.
REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
parfaitement aux procédés mis en œuvre à la même époque par nos maî-
tres canonniers. Sous Louis XI, tes pièces de bronze commençaient à l'em-
porter sur celles de fer forgé, et si le matériel de campagne comportait
déjà de vrais affûts à roues, comme dans l'artillerie de Charles le Témé-
raire, les grosses pièces de siège étaient mises en batterie par des moyens
identiques à ceux que nous venons de voir exposer. Ceux de nos lecteurs
qui voudraient s'en convaincre n'ont qu'à examiner les curieuses vignettes
de notre vieux poëme de la Na?rcëtde,' ils y verront des quartiers de roc et
des poutres employés de la même façon qu'à l'armée de Mahomet.
KritoboulGS parle aussi de la poudre, mais d'une façon moins explicite.
« C'est, dit-il, une invention nouvelle des Germains, faite il y a environ
cent cinquante ans ou un peu plus. C'est une composition de salpêtre, de
soufre, de charbon et d'herbes, de laquelle naît un gaz qui, renfermé
dans le corps étroit du bronze, l'ouvre par la pression intérieure et donne
une telle vitesse à la pierre que quelquefois même elle fait éclater le
bronze, n
itans l'extrait reproduit plus haut, nous avons déjà vu la poudre appe-
lée àer&e. M. le docteur Dethier rappelle à ce sujet qu'en Allemagne on
nomme encore ZimdAratR (herbe pour amorcer) la poudre à canon. Cette
coïncidence s'explique jusqu'à un certain point, si on réfléchit que les
Turcs n'avaient eu nécessairement pour premiers maîtres canonniers que des
étrangers et surtout des Allemands; ceux-ci étaient alors recherchés par
toute l'Europe.
Faut-il en conclure maintenant, comme le croitM. le docteur Dethier en
prenant Kritoboulos au pied de la lettre, que cette poudre primitive ait été
réellement mêlée d'herbes? Je penche d'autant plus pour la négative que
j'ai vu bien des comptes de fabrication de poudre aux xn'" et XV" siècles,
sans jamais constater qu'aucune herbe ait joué semblable rôle. Si les
canonniers se sont jamais servis d'herbes, c'est pour les refouler sur la
poudre dans la pièce même, comme un simple tampon. Peut-être les pre-
miers maîtres canonniers ont-ils voulu, dans l'origine, rendre les secrets
de leur arr moins faciles à pénétrer en faisant croire que le mélange du
soufre, du salpêtre et du charbon empruntait toute sa vertu à l'immixtion
d'herbes mystérieuses.
M. le docteur Dethier ne dit point où se trouve ce manuscrit de Krito-
boulos, mais c'est évidemment le Crito&atg dont M. Miller a eu communi-
cation à ta bibliothèque du Vieux Séraï, et dont il parle dans la préface de
son dernier volume : nétmrges de HRérature grecque. M. Miller répète aussi
que l'écrivain est mconnu, que son ouvrage est inédit, etil ajoute dans son
Rapport à t'Emperear, au sujet de la mission spéciale dont il avait été
chargé : t J'ai eu déjà occasion de parler de ce manuscrit en envoyant à
Votre Majesté un fragment curieux sur la fabrication de la pondre à canon. *
LoRÉDAN LARCHEY.