Un passage de la plaidoikie de Demosthène contée Aphopos. 11
n'y avait pas de compte d'intérêt pour ce prêt — consentit à prêter encore, de son côté
cinq mines (500 drachmes) sur ces mêmes esclaves, constituant également son gage.
Faut-il dire que ce nouvel engagement de ces esclaves à l'égard d'Apliobos formait,
au point de vue juridique, une seconde antiehrèse? Evidemment non. 11 n'est pas possible
d'imaginer des antichrèses pesant à la fois pour le tout sur un même bien, puisque l'essence
même de l'antichrèse est d'absorber tous les revenus de ce sur quoi elle porte pour les
attribuer à l'anticlirétiste. Faut-il supposer que, sans tenir compte de l'antichrèse de Demos-
thène, on lui en substituait une autre, en considérant désormais tous les produits de l'atelier
de 20 esclaves — produits se montant, paraît-il, à 12 mines — comme destinés à représenter
par équivalence l'intérêt des cinq mines prêtées par Aphobos? Ce n'est pas davantage ad-
missible. Il s'agissait donc d'un genre de gage qui ne supprimait nullement le compte annuel
des intérêts stipulés pour l'argent versé, genre de gage, par conséquent, essentiellement
différent de l'antichrèse. Demosthène lui-même indique d'ailleurs très nettement cette diffé-
rence quand il nous dit qu'Aphobos, tuteur infidèle, tandis qu'il ne faisait figurer aucune
recette provenant de ces esclaves dans l'actif de son pupille, avait su parfaitement tirer de
sa créance postérieure, hypothéquée sur eux, le capital et les intérêts. Les intérêts o\ -.zï.v.
opposés au capital, -.' ipxdia dans la phrase de Demosthène, démontrent que cette fois le gage
n'était pas une antiehrèse, comme quand le père de Demosthène avait prêté une somme
huit fois plus forte. C'était un gage hypothécaire, en la possession du créancier, tel que nous
en voyons plus tard dans l'empire romain, alors que le créancier, bien qne jouissant de la
chose, devait compte de tous les fruits, perçus par lui, en déduction, non seulement des intérêts,
mais du capital. *
Ce genre de gage, cette hypothèque avec possession, de même que l'hypothèque propre-
ment dite, sans possession, qu'on retrouve parallèlement en Grèce, étaient également d'un
usage très fréquent en Chaldée — où elles avaient été sans doute importées d'Egypte —
à partir du règne d'Assourbanipal, dont le père, qui possédait ces deux pays, avait fondé,
près de Memphis, la Babylone d'Egypte, colonie asiatique peuplée de Chaldéens. Mais les
tablettes de Warka, datées du 23° siècle avant notre ère et dont nous avons publié l'année
dernière la traduction, rapprochées des textes beaucoup plus anciens reproduits et traduits
dans les fameux bilingues du palais d'Assourbanipal, ne nous permettent pas de douter que
l'antichrèse, si usitée en Mésopotamie à toutes les époques et bien avant qu'il y soit question
d'hypothèque, y est d'une origine vraiment nationale se rattachant intimement à l'organisa-
tion de la propriété dans les vieilles cités touraniennes soumises par les Sémites quelques
milliers d'années avant l'ère chrétienne.
Nous n'entrerons pas aujourd'hui dans cette question des origines qui nous mènerait
beaucoup trop loin et que nous avons traitée ailleurs. Nous ne remonterons pas plus haut
que Nabuchodonosor le grand et nous ne descendrons pas plus bas que Darius premier;
nous bornant à utiliser des contrats dont la date se trouve comprise entre ces deux termes,
pour montrer en quoi les renseignements qui nous sont fournis dans Demosthène nous rap-
prochent du droit babylonien de cette époque, relativement reculée.
Parlons d'abord de l'antichrèse.
L'expression grecque antiehrèse, à-rdy^r^iç, indiquant une jouissance livrée contre une
2*
n'y avait pas de compte d'intérêt pour ce prêt — consentit à prêter encore, de son côté
cinq mines (500 drachmes) sur ces mêmes esclaves, constituant également son gage.
Faut-il dire que ce nouvel engagement de ces esclaves à l'égard d'Apliobos formait,
au point de vue juridique, une seconde antiehrèse? Evidemment non. 11 n'est pas possible
d'imaginer des antichrèses pesant à la fois pour le tout sur un même bien, puisque l'essence
même de l'antichrèse est d'absorber tous les revenus de ce sur quoi elle porte pour les
attribuer à l'anticlirétiste. Faut-il supposer que, sans tenir compte de l'antichrèse de Demos-
thène, on lui en substituait une autre, en considérant désormais tous les produits de l'atelier
de 20 esclaves — produits se montant, paraît-il, à 12 mines — comme destinés à représenter
par équivalence l'intérêt des cinq mines prêtées par Aphobos? Ce n'est pas davantage ad-
missible. Il s'agissait donc d'un genre de gage qui ne supprimait nullement le compte annuel
des intérêts stipulés pour l'argent versé, genre de gage, par conséquent, essentiellement
différent de l'antichrèse. Demosthène lui-même indique d'ailleurs très nettement cette diffé-
rence quand il nous dit qu'Aphobos, tuteur infidèle, tandis qu'il ne faisait figurer aucune
recette provenant de ces esclaves dans l'actif de son pupille, avait su parfaitement tirer de
sa créance postérieure, hypothéquée sur eux, le capital et les intérêts. Les intérêts o\ -.zï.v.
opposés au capital, -.' ipxdia dans la phrase de Demosthène, démontrent que cette fois le gage
n'était pas une antiehrèse, comme quand le père de Demosthène avait prêté une somme
huit fois plus forte. C'était un gage hypothécaire, en la possession du créancier, tel que nous
en voyons plus tard dans l'empire romain, alors que le créancier, bien qne jouissant de la
chose, devait compte de tous les fruits, perçus par lui, en déduction, non seulement des intérêts,
mais du capital. *
Ce genre de gage, cette hypothèque avec possession, de même que l'hypothèque propre-
ment dite, sans possession, qu'on retrouve parallèlement en Grèce, étaient également d'un
usage très fréquent en Chaldée — où elles avaient été sans doute importées d'Egypte —
à partir du règne d'Assourbanipal, dont le père, qui possédait ces deux pays, avait fondé,
près de Memphis, la Babylone d'Egypte, colonie asiatique peuplée de Chaldéens. Mais les
tablettes de Warka, datées du 23° siècle avant notre ère et dont nous avons publié l'année
dernière la traduction, rapprochées des textes beaucoup plus anciens reproduits et traduits
dans les fameux bilingues du palais d'Assourbanipal, ne nous permettent pas de douter que
l'antichrèse, si usitée en Mésopotamie à toutes les époques et bien avant qu'il y soit question
d'hypothèque, y est d'une origine vraiment nationale se rattachant intimement à l'organisa-
tion de la propriété dans les vieilles cités touraniennes soumises par les Sémites quelques
milliers d'années avant l'ère chrétienne.
Nous n'entrerons pas aujourd'hui dans cette question des origines qui nous mènerait
beaucoup trop loin et que nous avons traitée ailleurs. Nous ne remonterons pas plus haut
que Nabuchodonosor le grand et nous ne descendrons pas plus bas que Darius premier;
nous bornant à utiliser des contrats dont la date se trouve comprise entre ces deux termes,
pour montrer en quoi les renseignements qui nous sont fournis dans Demosthène nous rap-
prochent du droit babylonien de cette époque, relativement reculée.
Parlons d'abord de l'antichrèse.
L'expression grecque antiehrèse, à-rdy^r^iç, indiquant une jouissance livrée contre une
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