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paul collart
prouver, il suffit de remarquer les identifications d'Isis avec les déesses grecques :
Héra, Athéna, Coré, Artémis, Hestia, Maia, Hellas et la mention de l'Olympe et du
Léthé, conceptions helléniques. Nous pourrions encore ajouter et montrer (mais cette
tâche un peu longue appartiendrait plutôt à un éditeur qu'à un commentateur) que
les épithètes liturgiques de l'Invocation sont empruntées pour la plupart aux hymnes
grecs, spécialement aux hymnes orphiques. Mais, sans nous laisser entraîner à ces
comparaisons, bornons-nous à noter, avec MM. Grenfell et Hunt, que nous avons
là un nouvel et saisissant témoignage du syncrétisme religieux au IIe siècle'.
A cette double constatation sur la diffusion du culte d'Isis et la compénétration
des croyances, nous voudrions ajouter quelques remarques. Dans ce fragment, en
efïet, — qu'on l'appelle invocation, hymne ou litanie, — trois points nous paraissent
mériter l'examen : la composition générale du morceau, la présence des noms géogra-
phiques, l'emploi de la prose.
D'une étude synthétique des hymnes en vers, peut-on tirer des indications sur
la composition, non pas constante et précise, mais habituelle et générale, des œuvres
de ce genre? Il nous semble que oui. Qu'il s'agisse des hymnes primitifs, — dont
nous jugeons par la tradition, — qu'il s'agisse des hymnes homériques, orphiques,
alexandrins, de ceux de l'Anthologie Palatine ou de Proclos — dont les textes nous
sont conservés, — le schéma de ces poèmes est à peu près régulier. Il comprend trois
parties : une invocation, avec la série plus ou moins complète des vocables attribués
au dieu; un récit, où le dévot s'adresse souvent encore à la divinité, soit pour conter,
avec son approbation, un ou plusieurs de ses exploits, soit polir énumérer simplement
les pouvoirs divins et faire une nouvelle litanie sous cette forme2 ; une prière, enfin,
que le fidèle présente à la divinité, prière souvent très brève et réduite parfois à un
ou deux vers.
Le fragment d'Oxyrhynchos nous semble être un calque parfait de ce modèle.
On y trouve, en effet : 1° l'invocation à la déesse. Le début nous en manque, il
est vrai, mais le fait que toute la suite des noms mystiques est à l'accusatif nous
permet de supposer que, selon toute vraisemblance, le morceau commençait par
xaXâw, ou xixX^<wi>, ou xXtfÇw, comme tant d'hymnes orphiques ou par 6(j.vso(jiev comme
plusieurs fois chez Callimaque et Proclos3. 2° Une énumération des vertus et pouvoirs
d'Isis, à partir de l'endroit où disparaissent les dénominations géographiques. Cette
1. Ils signalent, à titre de rapprochements, au point de vue du contenu : Apulée, Métarn., XI, 5;
P. Leyden, U, II, et P. Brit. Mus. 121, 492-504; les invocations a Hermès dans les hymnes magiques et un
papyrus démotique (Spiegelberg, Catal., n° 31169), qui contient une énumération des titres d'Isis et d'autres
dieux, précédée d'une liste de villes du Delta.
2. Cf. Anth. Pal., IX, 524 et 525, deux hymnes curieux, à Dionysos et à Apollon, qui ne sont que des
litanies alphabétiques, les titres divins dans un même vers commençant tous par la même lettre.
3. Callimaque, Hym., III, à Artémis; Proclos, Hym., III, aux Muses; II et IV, à Aphrodite.
paul collart
prouver, il suffit de remarquer les identifications d'Isis avec les déesses grecques :
Héra, Athéna, Coré, Artémis, Hestia, Maia, Hellas et la mention de l'Olympe et du
Léthé, conceptions helléniques. Nous pourrions encore ajouter et montrer (mais cette
tâche un peu longue appartiendrait plutôt à un éditeur qu'à un commentateur) que
les épithètes liturgiques de l'Invocation sont empruntées pour la plupart aux hymnes
grecs, spécialement aux hymnes orphiques. Mais, sans nous laisser entraîner à ces
comparaisons, bornons-nous à noter, avec MM. Grenfell et Hunt, que nous avons
là un nouvel et saisissant témoignage du syncrétisme religieux au IIe siècle'.
A cette double constatation sur la diffusion du culte d'Isis et la compénétration
des croyances, nous voudrions ajouter quelques remarques. Dans ce fragment, en
efïet, — qu'on l'appelle invocation, hymne ou litanie, — trois points nous paraissent
mériter l'examen : la composition générale du morceau, la présence des noms géogra-
phiques, l'emploi de la prose.
D'une étude synthétique des hymnes en vers, peut-on tirer des indications sur
la composition, non pas constante et précise, mais habituelle et générale, des œuvres
de ce genre? Il nous semble que oui. Qu'il s'agisse des hymnes primitifs, — dont
nous jugeons par la tradition, — qu'il s'agisse des hymnes homériques, orphiques,
alexandrins, de ceux de l'Anthologie Palatine ou de Proclos — dont les textes nous
sont conservés, — le schéma de ces poèmes est à peu près régulier. Il comprend trois
parties : une invocation, avec la série plus ou moins complète des vocables attribués
au dieu; un récit, où le dévot s'adresse souvent encore à la divinité, soit pour conter,
avec son approbation, un ou plusieurs de ses exploits, soit polir énumérer simplement
les pouvoirs divins et faire une nouvelle litanie sous cette forme2 ; une prière, enfin,
que le fidèle présente à la divinité, prière souvent très brève et réduite parfois à un
ou deux vers.
Le fragment d'Oxyrhynchos nous semble être un calque parfait de ce modèle.
On y trouve, en effet : 1° l'invocation à la déesse. Le début nous en manque, il
est vrai, mais le fait que toute la suite des noms mystiques est à l'accusatif nous
permet de supposer que, selon toute vraisemblance, le morceau commençait par
xaXâw, ou xixX^<wi>, ou xXtfÇw, comme tant d'hymnes orphiques ou par 6(j.vso(jiev comme
plusieurs fois chez Callimaque et Proclos3. 2° Une énumération des vertus et pouvoirs
d'Isis, à partir de l'endroit où disparaissent les dénominations géographiques. Cette
1. Ils signalent, à titre de rapprochements, au point de vue du contenu : Apulée, Métarn., XI, 5;
P. Leyden, U, II, et P. Brit. Mus. 121, 492-504; les invocations a Hermès dans les hymnes magiques et un
papyrus démotique (Spiegelberg, Catal., n° 31169), qui contient une énumération des titres d'Isis et d'autres
dieux, précédée d'une liste de villes du Delta.
2. Cf. Anth. Pal., IX, 524 et 525, deux hymnes curieux, à Dionysos et à Apollon, qui ne sont que des
litanies alphabétiques, les titres divins dans un même vers commençant tous par la même lettre.
3. Callimaque, Hym., III, à Artémis; Proclos, Hym., III, aux Muses; II et IV, à Aphrodite.