Madone,
du Bargello
MICHEL-ANGE
'475-‘5^4
(ZZomment parler de Michel-Ange? Comment trouver les mots justes pour dire égale-
ment l’extraordinaire beauté de son art et les excès qui entachent même ses plus belles
œuvres? Comment faire en même temps la part des accents sublimes qui entraînent notre
cœur et des extravagances qui révoltent notre raison?
Jamais art ne fut plus complexe, ni formé d’éléments plus disparates. A chaque
instant l’excellent et le détestable se coudoient et, selon le côté que l’on envisage, on est
tour à tour porté au blâme ou à l’enthousiasme le plus excessif.
Ce n’est pas là un fait unique dans l’art. Corneille, Victor-Hugo ont, comme lui,
uni le mauvais goût aux beautés les plus sublimes. C’est le lot des âmes ardentes, des
tempéraments violents, débordants d’activité et dont le rêve est de révolutionner le
monde. C’est aussi le propre des époques très avancées, où trop de science conduit à
l’exagération et à l’oubli de la nature. Pour Michel-Ange, l’époque à laquelle il a vécu et
le caractère de son génie conspiraient l’un et l’autre à l’éloigner de la pureté du style et
à le porter aux excès. Il n’y a rien dans son œuvre qui puisse justifier la comparaison que
l’on fait de lui avec Phidias. S’il peut être rapproché de quelques artistes grecs, c’est des
sculpteurs de la décadence, des maîtres de l’école de Pergame et de Rhodes qui ont sculpté
le Torse et le Laocoon.
Par respect pour un grand génie faut-il dissimuler ses taches, pour ne faire briller
que ses rayons? Ce serait, dans l’histoire de l’art, la plus grave faute à commettre. Plus
du Bargello
MICHEL-ANGE
'475-‘5^4
(ZZomment parler de Michel-Ange? Comment trouver les mots justes pour dire égale-
ment l’extraordinaire beauté de son art et les excès qui entachent même ses plus belles
œuvres? Comment faire en même temps la part des accents sublimes qui entraînent notre
cœur et des extravagances qui révoltent notre raison?
Jamais art ne fut plus complexe, ni formé d’éléments plus disparates. A chaque
instant l’excellent et le détestable se coudoient et, selon le côté que l’on envisage, on est
tour à tour porté au blâme ou à l’enthousiasme le plus excessif.
Ce n’est pas là un fait unique dans l’art. Corneille, Victor-Hugo ont, comme lui,
uni le mauvais goût aux beautés les plus sublimes. C’est le lot des âmes ardentes, des
tempéraments violents, débordants d’activité et dont le rêve est de révolutionner le
monde. C’est aussi le propre des époques très avancées, où trop de science conduit à
l’exagération et à l’oubli de la nature. Pour Michel-Ange, l’époque à laquelle il a vécu et
le caractère de son génie conspiraient l’un et l’autre à l’éloigner de la pureté du style et
à le porter aux excès. Il n’y a rien dans son œuvre qui puisse justifier la comparaison que
l’on fait de lui avec Phidias. S’il peut être rapproché de quelques artistes grecs, c’est des
sculpteurs de la décadence, des maîtres de l’école de Pergame et de Rhodes qui ont sculpté
le Torse et le Laocoon.
Par respect pour un grand génie faut-il dissimuler ses taches, pour ne faire briller
que ses rayons? Ce serait, dans l’histoire de l’art, la plus grave faute à commettre. Plus