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BIOGRAPHIE NATIONALE.
en vain; il avait disparu, emportant le secret de son ouvrage. Notre artiste, ayant
à se plaindre du baron de Ville, qui ne l’avait satisfait qu’en paroles, voulait le forcer
à tenir ses engagements. Il y réussit. Le baron courut après lui, eut le bonheur de le
rencontrer, lui assura la somme promise, et la machine, mise en mouvement,
étonna la cour et la France.
« Le même vieillard m’a assuré, continue M. de Villenfagne, que Louis XIV fut
enfin informé que le baron de Ville devait l’invention de cette machine merveilleuse
à un Liégeois peu connu ; que cet illustre potentat voulut voir Rannequin, qu’il le
combla de bienfaits, et que souvent il l’appelait à Versailles, où, entouré de ses
courtisans, il se plaisait à entendre le langage dur et grossier de notre concitoyen,
qui ne savait que le liégeois, dont la naïveté et les termes singuliers divertissaient ce
grand roi. »
Ces deux anecdotes, et surtout la première, suffiront pour démontrer le défaut de
fondement de l’opinion qui attribuait au baron de Ville la conception de cet admirable
ouvrage, ne laissant à Renkin que l’honneur de l’exécution, si d’ailleurs cette asser-
tion pouvait subsister devant le témoignage de Weidler, cité plus haut, qui dit en
propres termes : « Ceux qui furent présents aux premiers travaux m’ont unanime-
ment affirmé que Renkin était le véritable auteur de la machine, et que de Ville fut
seulement le protecteur de l’artiste auprès de la cour et comme le négociateur de
cette affaire {commendatorem apud aulam et veluti ergodioctem extitisse}. » Enfin,
cette certitude résulte également de l’inscription gravée sur le marbre qui recouvrait
la tombe de Renkin, inhumé dans l’église de Bougival, voisine du lieu où il avait
commencé son œuvre gigantesque. Sur cette pierre tumulaire, enlevée pendant la
révolution, mais conservée dans une auberge voisine, où elle se trouve probable-
ment encore aujourd’hui, on lit les paroles suivantes : « Ci-gisent honorables per-
« sonnes, sieur Rannequin Sualem, seul inventeur de la machine de Marli, décédé
« le 29 juillet 1708, âgé de 64 ans, et dame Marie Ruelle, son épouse, etc. » Ce
témoignage contemporain, évidemment né de la notoriété publique, détruit toute
assertion contraire, et ne permet plus de douter que la France du xvir siècle n’ait
été redevable, à cet enfant d’un de nos villages, de l’admirable monument sans
lequel fût restée incomplète la magnificence du plus vaste et du plus splendide de
ses palais.
Pu. Lesbroussart.
BIOGRAPHIE NATIONALE.
en vain; il avait disparu, emportant le secret de son ouvrage. Notre artiste, ayant
à se plaindre du baron de Ville, qui ne l’avait satisfait qu’en paroles, voulait le forcer
à tenir ses engagements. Il y réussit. Le baron courut après lui, eut le bonheur de le
rencontrer, lui assura la somme promise, et la machine, mise en mouvement,
étonna la cour et la France.
« Le même vieillard m’a assuré, continue M. de Villenfagne, que Louis XIV fut
enfin informé que le baron de Ville devait l’invention de cette machine merveilleuse
à un Liégeois peu connu ; que cet illustre potentat voulut voir Rannequin, qu’il le
combla de bienfaits, et que souvent il l’appelait à Versailles, où, entouré de ses
courtisans, il se plaisait à entendre le langage dur et grossier de notre concitoyen,
qui ne savait que le liégeois, dont la naïveté et les termes singuliers divertissaient ce
grand roi. »
Ces deux anecdotes, et surtout la première, suffiront pour démontrer le défaut de
fondement de l’opinion qui attribuait au baron de Ville la conception de cet admirable
ouvrage, ne laissant à Renkin que l’honneur de l’exécution, si d’ailleurs cette asser-
tion pouvait subsister devant le témoignage de Weidler, cité plus haut, qui dit en
propres termes : « Ceux qui furent présents aux premiers travaux m’ont unanime-
ment affirmé que Renkin était le véritable auteur de la machine, et que de Ville fut
seulement le protecteur de l’artiste auprès de la cour et comme le négociateur de
cette affaire {commendatorem apud aulam et veluti ergodioctem extitisse}. » Enfin,
cette certitude résulte également de l’inscription gravée sur le marbre qui recouvrait
la tombe de Renkin, inhumé dans l’église de Bougival, voisine du lieu où il avait
commencé son œuvre gigantesque. Sur cette pierre tumulaire, enlevée pendant la
révolution, mais conservée dans une auberge voisine, où elle se trouve probable-
ment encore aujourd’hui, on lit les paroles suivantes : « Ci-gisent honorables per-
« sonnes, sieur Rannequin Sualem, seul inventeur de la machine de Marli, décédé
« le 29 juillet 1708, âgé de 64 ans, et dame Marie Ruelle, son épouse, etc. » Ce
témoignage contemporain, évidemment né de la notoriété publique, détruit toute
assertion contraire, et ne permet plus de douter que la France du xvir siècle n’ait
été redevable, à cet enfant d’un de nos villages, de l’admirable monument sans
lequel fût restée incomplète la magnificence du plus vaste et du plus splendide de
ses palais.
Pu. Lesbroussart.