144 RECUEIL DES LETTRES
LETTRE L X X L
A M. L’ A B B É DE LILLE.
A Ferney, 19 de juin.
--On est bien loin, Monsieur, d’être inconnu,
1761. comme vous le dites, quand on a fait d’aussi beaux
vers que vous, et sur-tout quand on y répand d’aussi
nobles vérités et des sentimens si vertueux. Vous
pensez en excellent citoyen , et vous vous exprimez
en grand poète. Je m’intéresse d’autant plus à la
gloire que vous assûtez à M. Laurent, que je m’avise
de l’imiter en petit dans une de ses opérations. Je
desseche actuellement des marais; mais j’avoue que
je ne fais point de bras. Cependant vous avez daigné
parler de moi dans votre belle épître à cet étonnant
artiste. J’avais déjà lu votre ouvrage qui a concouru
pour le prix de l’académie : je ne savais pas que je
dusse joindre le sentiment de la reconnaissance à'
celui de l’estime que vous m’inspiriez. Je vous félicite,
IVlonsieur, d’être en relation avec M. Duv&rney. Il
forme un séminaire de gens (*) dont quelques-uns
demanderont probablement un jour à M. Laurent
des bras et des jambes. La noblesse française aime
fort à se les saire casser pour sou maître.
Je fais aulïi mon compliment à IVI. Duverney
d’aimer un homme de votre mérite. Il en a trop pour
ne pas distinguer le vôtre. Je me vante aussi, Mon-
sieur, d’avoir celui de sentir tout ce que vous valez.
(*) L’école militaire.
Recevez
LETTRE L X X L
A M. L’ A B B É DE LILLE.
A Ferney, 19 de juin.
--On est bien loin, Monsieur, d’être inconnu,
1761. comme vous le dites, quand on a fait d’aussi beaux
vers que vous, et sur-tout quand on y répand d’aussi
nobles vérités et des sentimens si vertueux. Vous
pensez en excellent citoyen , et vous vous exprimez
en grand poète. Je m’intéresse d’autant plus à la
gloire que vous assûtez à M. Laurent, que je m’avise
de l’imiter en petit dans une de ses opérations. Je
desseche actuellement des marais; mais j’avoue que
je ne fais point de bras. Cependant vous avez daigné
parler de moi dans votre belle épître à cet étonnant
artiste. J’avais déjà lu votre ouvrage qui a concouru
pour le prix de l’académie : je ne savais pas que je
dusse joindre le sentiment de la reconnaissance à'
celui de l’estime que vous m’inspiriez. Je vous félicite,
IVlonsieur, d’être en relation avec M. Duv&rney. Il
forme un séminaire de gens (*) dont quelques-uns
demanderont probablement un jour à M. Laurent
des bras et des jambes. La noblesse française aime
fort à se les saire casser pour sou maître.
Je fais aulïi mon compliment à IVI. Duverney
d’aimer un homme de votre mérite. Il en a trop pour
ne pas distinguer le vôtre. Je me vante aussi, Mon-
sieur, d’avoir celui de sentir tout ce que vous valez.
(*) L’école militaire.
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