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La chronique des arts et de la curiosité — 1865

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Nr. 126 (31 décembre)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26564#0362
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LA CHRONIQUE DES ARTS

tique. Sans entrer dans l’examen des méthodes, il
vient recommander celles qui font du dessin géomé-
trique la base de l’enseignement. En traçant les
figures planes, l’enfant prend l’habitude d’un trait
exact et le goût de la précision ; il s’initie à la signi-
fication des figures régulières et aussi au sens des
expressions généralement usitées dans le langage des
arts : la ligne, la perpendiculaire, etc. Plus tard, la
géométrie lui apprend à voir dans l’espace, à expri-
mer, par le seul moyen des lignes, la forme de tous
les solides, ce qui est l’essence même du dessin ; elle
arrête sa pensée sur les idées de symétrie et de pro-
portion, qui sont des conditions d’ordre et de beauté.

L’élève peintre arrive ainsi à la perspective, qui
permet de représenter avec la dernière précision
n’importe quel objet à un point de vue donné, ins-
trument précieux de l’imitation optique, moyen in-
dispensable d’exécution rigoureuse, que devraient
posséder tous ceux qui s’occupent de figure et d’orne-
ment.

Le sculpteur, au contraire, s’appesantit sur le des-
sin géométral, qui convient à son art ; on l’initie aux
théories exactes sur lesquelles repose la mise au
point; et la synthèse de tout cet enseignement positif
s’opère chez l’architecte et l’ingénieur, qui ap-
pliquent à la fois le dessin perspectif et géométral,
et qui emploient une sorte de mise au point transcen-
dante pour la mise en œuvre des matériaux. Ces
vues ne sont pas nouvelles ; elles ont été celles des
plus grands artistes de tous les temps. Ces maîtres,
qui étaient à la fois peintres, sculpteurs, architectes,
ingénieurs; ces juges irrécusables des conditions et
de la dignité de l’art, voyaient dans la science le
lien matériel qui unit tous ses rameaux, et, en appe-
lant à leur aide les procédés mathématiques, ils ne
voulaient que soumettre plus aisément la matière à
leur esprit.

La science, en effet, ne donne d’abord que des
moyens, et ce qui constitue l’art, c’est le goût. Sous
ce rapport, on est affligé de l’insuffisance des modèles
qui sont appelés à le développer. Mettre sous les yeux
des commençants dans nos écoles des exemples dé-
pourvus de tout sentiment élevé, faire copier des
gravures, des lithographies d’un style faux, d’un
dessin incorrect, d’un travail systématique, c’est cor-
rompre le goût de la nation, c’est rendre impossible
le développement des vocations. Ces premiers ins-
truments de l’enseignement doivent être rigoureuse-
ment réformés. Tous les livres qui servent à l’en-
seignement de la grammaire et des lettres sont sou-
mis en France à une approbation : le jury appelle de
ses vœux la création d’une commission chargée par
l’administration de désigner les ouvrages les plus
propres à servir à l’enseignement de l’art.

Un pareil travail, qu’il faudrait faire non pas au
point de vue de l’histoire de l’art, mais à celui de
ses principes, ce travail ne semble pas impossible.
En ce qui concerne le dessin d’après l’estampe, par
exemple, les études originales des maîtres de la re-
naissance pourraient être mises à contribution. Mais
ce qui importe avant tout, c’est que les modèles
qu’on leur emprunterait restassent, autant que pos-
sible, exempts d’interprétation. La gravure par fac-

similé et même la. photographie répondraient à'cette
nécessité. Resterait à faire un choix entre les pièces
originales les mieux arrêtées, particulièrement entre
celles qui ont été faites d’après nature : le musée du
Louvre, depuis Signorelli jusqu’aux Carrache, est
abondamment pourvu d’excellentes académies. Les
élèves pourraient ensuite aborder la nature avec
l’idée du style et le sentiment vigoureux du caractère.
Quant au dessin d’après l’antique, sur l’utilité duquel
tout le monde est d’accord, on devrait exercer quel-
quefois les jeunes gens à relever les plâtres en géo-
métral, pour les rendre ensuite en perspective.

Dans l’enseignement de l’ornement, on prendrait
pour principe le dessin libre ou mathématique, dans
leur entier, des plus beaux motifs que nous aient
laissés les anciens; on y joindrait, pour le détail,
l’étude constante de la nature. Mais il faudrait faire
copier en même temps, par ensemble et par frag-
ments, les vieux maîtres décorateurs, tels que Ducer-
ceau, Diéterlin, Marot, Lepautre. Des croquis géné-
raux initieraient les élèves à l’art des arrangements,
développeraient chez tous le goût, et chez quelques-
uns sans doute le germe de l’invention.

Il faudrait prémunir les jeunes sculpteurs contre la
tendance qu’ils auraient à copier des gravures exécu-
tées d’après des tableaux , des moulages sur nature,
en un mot des modèles dépourvus du caractère sculp-
tural. C’est à cette tendance que remédierait un choix
de moulages d’après l’antique, offrant d’abord les
types les plus parfaits de la sculpture appliquée à la
grande architecture, figure et ornement, et s’éten-
dant, par gradation , à des ouvrages plus libres et
plus animés. On ferait facilement entrer dans cette
collection, qui, dans les classes précédentes, servirait
au dessin d’après la bosse, des exemples propres à
fixer les idées sur le genre d’exécution que compor-
tent le marbre, le bronze, la terre cuite. On exerce-
rait aussijles élèves à appliquer quelquefois à leurs
copies les procédés de la mise au point.

La recherche de tous les styles, l’amour du détail
et le goût passionné de l’exécution ont produit, dans
toutes les écoles d’architecture de notre temps, une
quantité considérable de dessins relevés avec une
exactitude minutieuse et parfaitement rendus. Les
modèles qu’on pourrait tirer de cet excellent ensemble
d’études se prêteraient à être reproduits d’une ma-
nière profitable par les débutants, avec les moyens
rigoureux dont leur art dispose. Mais le jury, qui,
dans l’enseignement de la figure, de l’ornement dessi-
né et de la sculpture, a cherché .à réagir contre l’ex-
trême liberté qui y règne ,’ en conseillant l’applica-
tion des procédés mathématiques, le jury voudrait au
contraire que, dans l’architecture, les élèves fussent
souvent appelés à travailler d’après la gravure et sur-
tout d’après le plâtre, sans le secours de la règle et
du compas. C’est un appel à l’individualité : les ar-
tistes savent, en effet, combien le sentiment personnel
par ses nuances sans nombre peut modifier les for-
mes les mieux définies, sans les altérer ostensible-
ment.

Quant au dessin de machines, nous considérons
que les meilleurs modèles sont les machines elles-mê-
mes. L’enseignement de cette partie de l’art doit être
 
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