N° 38. - 1905
BUREAUX : 8, RUE FAVART (2e Arr.)
9 Décembre.
LA
CHRONIQUE DES ARTS
ET DE LA CURIOSITÉ
SUPPLÉMENT A LA GAZETTE DES BEAUX-ARTS
PARAISSANT LE SAMEDI MATIN
Les abonnés à la Gazette des Beaux-Arts reçoivent gratuitement la Chronique des Arts et de la Curiosité
Prix de l'abonnement pour un an
Paris, Seine et Seine-et-Oise. ... 10 fr.
Départements........... 12 fr.
Étranger (Etats faisant partie de
l'Union postale)......... 15 fr.
Le ISTiaméro : O fr. 25
PROPOS DU JOUR
l ne faut pas douter que le seul
amour du beau ait valu à quel-
ques œuvres du xvine siècle les
enchères exceptionnelles qu'elles
ont atteintes à une vente récente. Tant de
zèle esthétique est assurément digne d'atten-
tion. N'y a-t-il pas m mie quelque chose de
piquant à voir notre époque, que l'on disait
si transformée par l'esprit scientifique, si po-
sitive, si tourmentée de graves problèmes,
proclamer bruyamment son goût des œuvres
les plus légères, sinon les plus frivoles ?
Peut être même la manifestation a-t-elle
passé la mesure. A force de vouloir se mon-
trer capables d'aimer le gracieux, le fin et le
joli, nos contemporains finiront par laisser
dire qu'ils sont impuissants à comprendre
autre chose. Il est déjà de mode à l'étranger
de railler la légèreté traditionneile de nos
goûts : c'est une légende que les prix où se
paient les Fragonard et les Boucher ne fera
point disparaître.
Bien qu'on lui ait, à lui aussi, décerné
le titre de « grand », le xvnie siècle n'en-
ferme pas toute notre histoire et tout notre
art. Son charme est sans pareil, nous le
savons, et seul il exprime la douceur de
vivre; nous le voulons aussi. Mais d'autres
encore connurent quelque noblesse et quelque
beauté.
Parce que Fragonard fut aimable, faut-il
renoncer à dire que Poussin fut grand ? La
mode, qui a des réparations si tardives, ne
sait pas garder la mesure à l'heure où elle se
décide à les accorder. Il est fâcheux que
l'admiration du xvme siècle tourne en féti-
chisme et fasse négliger des ouvrages plus
anciens ou plus jeunes, qui, eux aussi, repré-
sentent quelque chose de l'art et de l'esprit
français.
Le peintre Victor Prouvé dénonce, dans
YEloile de VEst, l'indifférence dont fait preuve
le Conseil municipal de Nancy à l'égard du
plafond, très délabré, du Salon carré de l'Hôtel
de Ville, fresque remarquable du peintre
lorrain Girardet. Une copie, paraît-il, est en
cours d'exécution depu:s trois ans. Pendant
ce temps le plafond se lézarde et s'abîme de
plus en plus. Que ne consacre-t-on immédia-
tement à restaurer et à sauver l'original la
somme qu'on destine à l'exécution et à la
mise en place de la copie ?
NOUVELLES
*f* Le département de la sculpture du
Moyen âge, au musée du Louvre, va s'enri-
chir d'une charmante statue de Vierge fran-
çaise du xive siècle, dont l'acquisition a été
votée par le Conseil des Musées à sa dernière
séance. C'est une figure en pierre polychrome
qui a toute la grâce de celles de l'époque,
sans presque aucune trace du maniérisme
qui souvent les dépare et les affadit. Elle pro-
vient, paraît-il, de la région troyenne et peut
être comparée à une Vierge assez célèbre de
la cathédrale de Troyes.
**# En conformité du décret du 21 janvier
1905 instituant un concours d'architectes des
monuments historiques, le ministre de l'Ins-
truction publique et des Beaux-Arts a, par
arrêté en date du 29 novembre 1905, nommé
BUREAUX : 8, RUE FAVART (2e Arr.)
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PROPOS DU JOUR
l ne faut pas douter que le seul
amour du beau ait valu à quel-
ques œuvres du xvine siècle les
enchères exceptionnelles qu'elles
ont atteintes à une vente récente. Tant de
zèle esthétique est assurément digne d'atten-
tion. N'y a-t-il pas m mie quelque chose de
piquant à voir notre époque, que l'on disait
si transformée par l'esprit scientifique, si po-
sitive, si tourmentée de graves problèmes,
proclamer bruyamment son goût des œuvres
les plus légères, sinon les plus frivoles ?
Peut être même la manifestation a-t-elle
passé la mesure. A force de vouloir se mon-
trer capables d'aimer le gracieux, le fin et le
joli, nos contemporains finiront par laisser
dire qu'ils sont impuissants à comprendre
autre chose. Il est déjà de mode à l'étranger
de railler la légèreté traditionneile de nos
goûts : c'est une légende que les prix où se
paient les Fragonard et les Boucher ne fera
point disparaître.
Bien qu'on lui ait, à lui aussi, décerné
le titre de « grand », le xvnie siècle n'en-
ferme pas toute notre histoire et tout notre
art. Son charme est sans pareil, nous le
savons, et seul il exprime la douceur de
vivre; nous le voulons aussi. Mais d'autres
encore connurent quelque noblesse et quelque
beauté.
Parce que Fragonard fut aimable, faut-il
renoncer à dire que Poussin fut grand ? La
mode, qui a des réparations si tardives, ne
sait pas garder la mesure à l'heure où elle se
décide à les accorder. Il est fâcheux que
l'admiration du xvme siècle tourne en féti-
chisme et fasse négliger des ouvrages plus
anciens ou plus jeunes, qui, eux aussi, repré-
sentent quelque chose de l'art et de l'esprit
français.
Le peintre Victor Prouvé dénonce, dans
YEloile de VEst, l'indifférence dont fait preuve
le Conseil municipal de Nancy à l'égard du
plafond, très délabré, du Salon carré de l'Hôtel
de Ville, fresque remarquable du peintre
lorrain Girardet. Une copie, paraît-il, est en
cours d'exécution depu:s trois ans. Pendant
ce temps le plafond se lézarde et s'abîme de
plus en plus. Que ne consacre-t-on immédia-
tement à restaurer et à sauver l'original la
somme qu'on destine à l'exécution et à la
mise en place de la copie ?
NOUVELLES
*f* Le département de la sculpture du
Moyen âge, au musée du Louvre, va s'enri-
chir d'une charmante statue de Vierge fran-
çaise du xive siècle, dont l'acquisition a été
votée par le Conseil des Musées à sa dernière
séance. C'est une figure en pierre polychrome
qui a toute la grâce de celles de l'époque,
sans presque aucune trace du maniérisme
qui souvent les dépare et les affadit. Elle pro-
vient, paraît-il, de la région troyenne et peut
être comparée à une Vierge assez célèbre de
la cathédrale de Troyes.
**# En conformité du décret du 21 janvier
1905 instituant un concours d'architectes des
monuments historiques, le ministre de l'Ins-
truction publique et des Beaux-Arts a, par
arrêté en date du 29 novembre 1905, nommé