liÛ
LA CHRONIQUE DES ARTS
Au Musée du Louvre
Le musée du Louvre vient d'acquérir le Portrait
de M— de Calonne, par Ricard, qui passe pour un
des chefs-d'œuvre du maître. M.mo de Calonne y
est représentée de trois quarts, assise dans un
fauteuil à dossier rose éteint d'un ton très délicat,
accoudée et rêvant. Il y a dans cotte œuvre sédui-
sante, si raffinée1 qu'elle soit, comme une nuance
de simplicité et d'harmonie paisible, à la manière
d'un Fantin. Ricard, qui exagéra souvent et poussa
jusqu'à l'extrême complication les subtilités du
métier, semble s'y être relativement détondu.
L'étude d'après le même modèle, encore actuel-
lement conservée et exposée au musée du Luxem-
bourg, notablement moins importante, d'ailleurs,
et autrement comprise, sera curieuse à comparer,
à ce point de vue, comme variante de procédés.
L'œuvre nouvellement acquise, qui est le portrait
définitif, doit être d'autant mieux accueillie au
Louvre, que Ricard y était jusqu'ici assez mal
représenté, par des portraits d'hommes surtout,
pour la plupart en déplorable état de conservation,
comme celui de Paul de Musset, où l'abus des
bitumes a entraîné de fatales détériorations. C'est
donc une véritable lacune qui est comblée par ce
charmant portrait féminin, où Ricard so montre
tout à fait à son avantage, et dans une peinture
de pureté parfaite ayant gardé toute sa fleur.
Le musée du Louvre vient aussi do s'enrichir
d'une belle réunion de figures et vases on ancienne
porcelaine de Chine, don de M. Tissandier.
PETITES EXPOSITIONS
EXPOSITION D'ENSEMBLE DES INTIMISTES
SOCIÉTÉ DES PEINTRES-LITHOGRAPHES
ET SOCIÉTÉ DES PEINTRES-GRAVEURS FRANÇAIS
LES PEINTRES ORIENTALISTES FRANÇAIS
SALON DE L'AUTOMOBILE-CLUB
EXPOSITION DES AQUARELLISTES FRANÇAIS
M. DEL AMARRE
L'Exposition des Intimistes souligne un des
côtés les plus heureux de l'évolution de l'art
contemporain. La nature morte proprement
dite, l'objet rendu pour lui-même avec une
maîtrise plus ou moins experte, ne nous inté-
resse plus et nous resterions insensibles aux
prestiges d'un Biaise Desgoffe ou d'un Vol-
Ion ; mais qu'un objet précieux ou humble
nous soit présenté dans l'ambiance où il vit,
que l'on nous ouvre un intérieur pauvre ou
riche, raffiné ou simple, nous nous associons
à la pensée de l'artiste qui note des sensa-
tions délicates et des nuances de tons et
d'âmes. Ici, la virtuosité sèche n'est plus de
mise ; une attention trop aiguë tourne à l'in-
ventaire et c'est un écueil que n'évite pas
M. Tenré. Il faut aussi prendre garde, en in-
troduisant dans ces salons ou ces chambres
"des personnages, de n'en pas troubler la
chanson et de ne point détruire l'émotion par
l'anecdote. Il y a là une mesure difficile à
garder. MM. Charles Guérin, Morisset, Etienne
Moreau-Nélaton excellent à ménager ces
auances. M. de Bcaumont y réussit le plus
souvent. M. Vuillard, dont la personnalité
appelle tant d'éloges et des réserves si certai-
nes, subjugue, pour ainsi dire, les êtres par
leur milieu. Les intérieurs désertés ne sont
pas les moins expressifs, tels ceux de
Mmc Galtier-Boissière. Quelquefois une inten-
tion seule donne à l'œuvre son caractère d'in-
timité, et les fleurs que M. Ernest Laurent
nous présente sont vraiment intimes parce
que l'on y sent moins le souci de faire valoir
les pivoines et les roses de Noël que d'évo-
quer l'atmosphère dont elles ont été baignées
et les dispositions avec lesquelles un œil ex-
quis les a contemplées.
Du plus haut intérêt est ce Salon de l'Es-
tampe originale formé par l'union des deux
Sociétés des Peintres-lithographes et des Pein-
tres-graveurs français. Combien il est dom-
mage que le public, si empressé à des exhibi-
tions de peu de valeur, se dérobe et refuse de
s'y complaire et de s'y instruire ! La variété et
la souplesse de métier de nos graveurs, leurs
efforts pour renouveler les procédés anciens,
pour trouver des systèmes d'expression nou-
veaux seraient dignes cependant d'exciter une
curiosité plus générale. Les maîtres illustres,
MM. Bracquemond, Legros, Waltner, sont
ici représentes, M. Lepèrc y présente l'en-
semble le plus savoureux. L'exposition do
M. Israels a presque l'importance d'une révé-
lation. Près de ces ainés figurent les travaux
précieux de M. Louis Legrand, les masques
de M. Jacques Beltrand, les bois de M. Paul
Colin, les eaux-fortes de MM. Dauchez, Béjot,
Beurdeley ; les recherches de M. Suré'da.
MM. Léandrc ou Bellerochc montrent les res-
sources de la lithographie. L'estampe origi-
nale prouve sa vitalité contre laquelle les dé-
veloppements des arts mécaniques ne peuvent
rien, parce qu'elle seule unit étroitement la
pensée et la main qui la traduit.
Comme préface à cette manifestation, on a
exposé l'œuvre lithographique do Fantin-
Latour. Cet hommage rendu à la mémoire
d'un artiste qui trouva, pour exprimer les
pensées les plus rares, une expression adé-
quate serait plus complet si les pièces étaient
classées dans leur ordre chronologique avec
l'exactitude qui permet, seule, de mesurer
l'évolution et la portée d'un grand esprit.
Nous sommes trop avertis ou trop blasés
pour être touchés par dos spectacles et des
scènes exotiques, et nous aurions peut-être,
aujourd'hui, pour les orientalistes, une parti-
culière sévérité. Des grands artistes nous ont
appris à être exigeants. Le procès-verbal,
l'etrangeté voulue ne nous arrêtent point. Ici,
comme en tout genre, rien ne vaut à nos yeux
que l'interprétation personnelle. De là. sans
doute, le faible intérêt que provoquent la
plupart des toiles algériennes, turques ou
simplement vénitiennes. Dans l'exposition
présente, M. Gasté a des notations d'une ra-
pidité voulue assez heureuse; MM. Dngnac-
Rivière ou Suréda se complaisent aux cuisines
compliquées de la palette ; M. Bompard cherche
et trouve, pour rendre les spectacles vénitiens,
la touche franche et puissante; M. Jouve
expose des animaux d'une belle facture.
LA CHRONIQUE DES ARTS
Au Musée du Louvre
Le musée du Louvre vient d'acquérir le Portrait
de M— de Calonne, par Ricard, qui passe pour un
des chefs-d'œuvre du maître. M.mo de Calonne y
est représentée de trois quarts, assise dans un
fauteuil à dossier rose éteint d'un ton très délicat,
accoudée et rêvant. Il y a dans cotte œuvre sédui-
sante, si raffinée1 qu'elle soit, comme une nuance
de simplicité et d'harmonie paisible, à la manière
d'un Fantin. Ricard, qui exagéra souvent et poussa
jusqu'à l'extrême complication les subtilités du
métier, semble s'y être relativement détondu.
L'étude d'après le même modèle, encore actuel-
lement conservée et exposée au musée du Luxem-
bourg, notablement moins importante, d'ailleurs,
et autrement comprise, sera curieuse à comparer,
à ce point de vue, comme variante de procédés.
L'œuvre nouvellement acquise, qui est le portrait
définitif, doit être d'autant mieux accueillie au
Louvre, que Ricard y était jusqu'ici assez mal
représenté, par des portraits d'hommes surtout,
pour la plupart en déplorable état de conservation,
comme celui de Paul de Musset, où l'abus des
bitumes a entraîné de fatales détériorations. C'est
donc une véritable lacune qui est comblée par ce
charmant portrait féminin, où Ricard so montre
tout à fait à son avantage, et dans une peinture
de pureté parfaite ayant gardé toute sa fleur.
Le musée du Louvre vient aussi do s'enrichir
d'une belle réunion de figures et vases on ancienne
porcelaine de Chine, don de M. Tissandier.
PETITES EXPOSITIONS
EXPOSITION D'ENSEMBLE DES INTIMISTES
SOCIÉTÉ DES PEINTRES-LITHOGRAPHES
ET SOCIÉTÉ DES PEINTRES-GRAVEURS FRANÇAIS
LES PEINTRES ORIENTALISTES FRANÇAIS
SALON DE L'AUTOMOBILE-CLUB
EXPOSITION DES AQUARELLISTES FRANÇAIS
M. DEL AMARRE
L'Exposition des Intimistes souligne un des
côtés les plus heureux de l'évolution de l'art
contemporain. La nature morte proprement
dite, l'objet rendu pour lui-même avec une
maîtrise plus ou moins experte, ne nous inté-
resse plus et nous resterions insensibles aux
prestiges d'un Biaise Desgoffe ou d'un Vol-
Ion ; mais qu'un objet précieux ou humble
nous soit présenté dans l'ambiance où il vit,
que l'on nous ouvre un intérieur pauvre ou
riche, raffiné ou simple, nous nous associons
à la pensée de l'artiste qui note des sensa-
tions délicates et des nuances de tons et
d'âmes. Ici, la virtuosité sèche n'est plus de
mise ; une attention trop aiguë tourne à l'in-
ventaire et c'est un écueil que n'évite pas
M. Tenré. Il faut aussi prendre garde, en in-
troduisant dans ces salons ou ces chambres
"des personnages, de n'en pas troubler la
chanson et de ne point détruire l'émotion par
l'anecdote. Il y a là une mesure difficile à
garder. MM. Charles Guérin, Morisset, Etienne
Moreau-Nélaton excellent à ménager ces
auances. M. de Bcaumont y réussit le plus
souvent. M. Vuillard, dont la personnalité
appelle tant d'éloges et des réserves si certai-
nes, subjugue, pour ainsi dire, les êtres par
leur milieu. Les intérieurs désertés ne sont
pas les moins expressifs, tels ceux de
Mmc Galtier-Boissière. Quelquefois une inten-
tion seule donne à l'œuvre son caractère d'in-
timité, et les fleurs que M. Ernest Laurent
nous présente sont vraiment intimes parce
que l'on y sent moins le souci de faire valoir
les pivoines et les roses de Noël que d'évo-
quer l'atmosphère dont elles ont été baignées
et les dispositions avec lesquelles un œil ex-
quis les a contemplées.
Du plus haut intérêt est ce Salon de l'Es-
tampe originale formé par l'union des deux
Sociétés des Peintres-lithographes et des Pein-
tres-graveurs français. Combien il est dom-
mage que le public, si empressé à des exhibi-
tions de peu de valeur, se dérobe et refuse de
s'y complaire et de s'y instruire ! La variété et
la souplesse de métier de nos graveurs, leurs
efforts pour renouveler les procédés anciens,
pour trouver des systèmes d'expression nou-
veaux seraient dignes cependant d'exciter une
curiosité plus générale. Les maîtres illustres,
MM. Bracquemond, Legros, Waltner, sont
ici représentes, M. Lepèrc y présente l'en-
semble le plus savoureux. L'exposition do
M. Israels a presque l'importance d'une révé-
lation. Près de ces ainés figurent les travaux
précieux de M. Louis Legrand, les masques
de M. Jacques Beltrand, les bois de M. Paul
Colin, les eaux-fortes de MM. Dauchez, Béjot,
Beurdeley ; les recherches de M. Suré'da.
MM. Léandrc ou Bellerochc montrent les res-
sources de la lithographie. L'estampe origi-
nale prouve sa vitalité contre laquelle les dé-
veloppements des arts mécaniques ne peuvent
rien, parce qu'elle seule unit étroitement la
pensée et la main qui la traduit.
Comme préface à cette manifestation, on a
exposé l'œuvre lithographique do Fantin-
Latour. Cet hommage rendu à la mémoire
d'un artiste qui trouva, pour exprimer les
pensées les plus rares, une expression adé-
quate serait plus complet si les pièces étaient
classées dans leur ordre chronologique avec
l'exactitude qui permet, seule, de mesurer
l'évolution et la portée d'un grand esprit.
Nous sommes trop avertis ou trop blasés
pour être touchés par dos spectacles et des
scènes exotiques, et nous aurions peut-être,
aujourd'hui, pour les orientalistes, une parti-
culière sévérité. Des grands artistes nous ont
appris à être exigeants. Le procès-verbal,
l'etrangeté voulue ne nous arrêtent point. Ici,
comme en tout genre, rien ne vaut à nos yeux
que l'interprétation personnelle. De là. sans
doute, le faible intérêt que provoquent la
plupart des toiles algériennes, turques ou
simplement vénitiennes. Dans l'exposition
présente, M. Gasté a des notations d'une ra-
pidité voulue assez heureuse; MM. Dngnac-
Rivière ou Suréda se complaisent aux cuisines
compliquées de la palette ; M. Bompard cherche
et trouve, pour rendre les spectacles vénitiens,
la touche franche et puissante; M. Jouve
expose des animaux d'une belle facture.