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LA CHROMEE DES ARTS
Madones (moins nombreuses, suivant miss Crult-'
vvell et M»» Mary Logan, que M. Schubring ne
semble l'admettra), d'une beauté si douce et si
sereine, l'émouvante Visitation do Pistoia (que
MM. Bode et Marcel Reymond et M™ Mary
Logan attribuent plutôt à son neveu Andréa), etc.
Après lui, cet Andréa, moins noble et moins clas-
sique, mois plus touchant par l'intimité de ses
conceptions — Jiambini de l'hôpital des Innocents,
Saint François et saint Dominique à la loggia
San Paolo, Saint François à l'église de la Por-
tioncule à Assise, Madone des Architectes au
Bargello, Ange do la collection Vieweg à Bruns-
wick, etc., — puis la « troisième génération »,
c'est-à-dire Giovanni, encore doué, et les autres
fils d'Andréa, qui rabaissent au rang d'entreprise
commerciale les trouvailles et les traditions des
deux grands ancêtres, sont étudiés do façon non
moins complète, avec une documentation et une
intelligence critiques qui résument excellemment
tous les travaux publiés jusqu'ici sur la matière
et dont le titre est donné à la lin du volume. Et,
pour donner une impression plus parfaite des
œuvres étudiées, les éditeurs no se sont pas
bornés à de simples images en noir : plu-
sieurs des terres cuites émaillées de Luca et
d'Andréa sont reproduites en couleurs, do façon
très fidèle.
C'est dans l'Allemagne do la fin du XVe et du
commencement du xvr» siècle, à Nuremberg, que
nous transporte M. B. Daun, un des écrivains qui
connaissent le mieux ce milieu et cette époque. Les
deux grands maîtres, avec Veit Stoss (auquel le
même M. Daun consacrait naguère un volume que
nous étudierons prochainement) de la sculpture nu-
rembergeoise, Adam Krafft et Peter Vischer, font
l'objet do son étude. En eux, comme on sait, s'in-
carnent, à la fin du Moyen âge et au début do la
Renaissance, les aspirations nouvelles i^ui bouillon-
nent dans Fart allemand et dont Durer sera l'abou-
tissement : Krafft, héritier des tendances réalistes
qui se manifestent alors dans la sculpture, témoin
la typique Mise au tombeau de 1-166, à l'église Saint-
Gilles de Nuremberg (que. M. B. Daun maintient,
suivant la tradition, à Ilans Decker, Ken que
d'autres auteurs, en ces derniers temps, la lui aient
retirée), tient à la nature par toutes ses libres, et,
tout en restant encore fermé à l'influence italienne
et attaché aux formes traditionnelles du gothique,
leur donne une vie nouvelle par la vérité et la
chaleur de sentiment dont il les anime. Les
Stations du chemin de croix érigé le long du
chemin qui conduit au cimetière Saint-Jean, son
tabernacle à l'église Saint-Laurent, son bas-relief
à la façade de la Balance publique, ses plaques tu-
mulaire3 des familles Pergonstœrffer et Bebeck à
Notre-Dame, sa Mise au tombeau dans la chapelle
Holzschuher, au cimetière Saint-Jean, le montrent,
comme le fait dans son commentaire M. Daun,
sous ce double aspect harmonieux et robuste d'héri-
tier du gothique et d'ancêtre de la Benaissance.
Peter Vischer, qui vient après lui (et auquel, par
conséquent, il eût mieux valu donner la seconde
place dans lo volume), continue dans la sculp-
ture en bronzo l'évolution commencée par Adam
Krafft. Son chef-d'œuvre, le tombeau do saint Sé-
bald, gothique encore dans sa disposition générale,
montre, dans l'ornementation, l'influence italienne,
celle-ci duo sans doute à la collaboration du se-
cond fils du sculpteur, Peter Vischer le jeune, qui
avait dû voyager outre monts et qui, avec son
frère aîné Hcrmann, concourut à l'exécution du
monument. M. Daun décrit et reproduit dans tous
ses détails cette œuvre capitale, puis étudie de
même façon approfondie les autres œuvres du
vieux maître : les belles statues du roi Arthur de
Bretagne et do Théodoric au tombeau de JVIaximi-
lien, les nombreuses plaques funéraires*où il se
montre si excellent décorateur, sans parler de la
célèbre — trop célèbre au gré de M. Daun, dont
la curieuse argumentation mérite d'être lue —
Madone de Nuremberg (suivant lui, plutôt une
sainte Élisabelh ou une sainte Barbe) qu'il attii-
bue, peut-être bien audacieusement, à Vischer
ou à son fils. Do ceux-ci, M. Daun étudie égale-
mont l'œuvre et attribue à Peter Vischer le jeune
la belle plaquette de la collection Gustave Dreyfus,
où Charles Ephrussi voyait une œuvre de Jacopo
do' Barbarj (1). Celui-ci, on tout cas, a été l'inspi-
rateur de la composition, comme il a inspiré égale-
ment la belle fontaine d'Apollon de Hans Vischer,
à l'hôtel de ville do Nuremberg, ainsi que le démon-
trent les rapprochements graphiques que nous
soumet M. Daun.
u'est un maître fort moderne, enfin, que vous
présente, dans le troisième do ces livres, M. Ed.
Heyck. Ce mot de « maître » n'est pas exagéré pour
cet ardent et malheureux artiste que fut Anselm
Feuerbach, et l'exposition de ses dessins organisée
l'an dernier à Munich à l'occasion du vingt-cin-
quième anniversaire de sa mort, complétée par
dos photographies de ses principaux tableaux, a
montré en lui un peintre trop oublié. Nature ar-
dente et fine, partagée entre l'amour de l'antique et
des aspirations toutes modernes, il ne parvint ja-
mais à s'exprimer complètement ; mais ses créa-
tions (Médce, Iphigénic, Ilafiz à la fontaine, Le
Banquet de Platon, Dante à Racenne, etc.),
émouvantes par le sentiment mélancolique qui les
enveloppe — dû sans doute à l'incompréhension
dont il soutirait d'autant plus cruellement qu'il
avait conscience do son génie et était doué d'une
sensibilité extrême — séduisent par la noblesse et
la beauté des figures et par. leur coloris inspiré
des Vénitiens. On aura plaisir à les admirer dans
ce livre, à côté de nombreuses études, qui nous
font assister au travail do préparation do ces com-
positions.
Ce tableau de la vie do Feuerbach est heureuse-
ment complété par le volume où M. A. von Oeche-
lïeuser met en lumière vraie, d'après la correspon-
dance du peintre, diverses phases de sa jeunesse
inexactement retracées dans la biographie écrite
par son ami Allgeyer, puis l'histoire du tableau do
Dante, le tendre et infatigable dévouement de sa
mère pour son fils malheureux, etc. Plusieurs re-
productions d'œuvres peu connues de Feuerbach
illustrent le volume.
A. M.
NECROLOGIE
Nous avons lo regret d'annoncer la mort du
statuaire Charles-Auguste Le Bourg, décédé à
l'âge de soixante-dix-sopt ans. Il était né à Nantes
et fut élève de Bude. 11 exposa au Salon à partir
(1) V. Gazette des Beaux-Arts, 1876, 1.1, p. 363.
LA CHROMEE DES ARTS
Madones (moins nombreuses, suivant miss Crult-'
vvell et M»» Mary Logan, que M. Schubring ne
semble l'admettra), d'une beauté si douce et si
sereine, l'émouvante Visitation do Pistoia (que
MM. Bode et Marcel Reymond et M™ Mary
Logan attribuent plutôt à son neveu Andréa), etc.
Après lui, cet Andréa, moins noble et moins clas-
sique, mois plus touchant par l'intimité de ses
conceptions — Jiambini de l'hôpital des Innocents,
Saint François et saint Dominique à la loggia
San Paolo, Saint François à l'église de la Por-
tioncule à Assise, Madone des Architectes au
Bargello, Ange do la collection Vieweg à Bruns-
wick, etc., — puis la « troisième génération »,
c'est-à-dire Giovanni, encore doué, et les autres
fils d'Andréa, qui rabaissent au rang d'entreprise
commerciale les trouvailles et les traditions des
deux grands ancêtres, sont étudiés do façon non
moins complète, avec une documentation et une
intelligence critiques qui résument excellemment
tous les travaux publiés jusqu'ici sur la matière
et dont le titre est donné à la lin du volume. Et,
pour donner une impression plus parfaite des
œuvres étudiées, les éditeurs no se sont pas
bornés à de simples images en noir : plu-
sieurs des terres cuites émaillées de Luca et
d'Andréa sont reproduites en couleurs, do façon
très fidèle.
C'est dans l'Allemagne do la fin du XVe et du
commencement du xvr» siècle, à Nuremberg, que
nous transporte M. B. Daun, un des écrivains qui
connaissent le mieux ce milieu et cette époque. Les
deux grands maîtres, avec Veit Stoss (auquel le
même M. Daun consacrait naguère un volume que
nous étudierons prochainement) de la sculpture nu-
rembergeoise, Adam Krafft et Peter Vischer, font
l'objet do son étude. En eux, comme on sait, s'in-
carnent, à la fin du Moyen âge et au début do la
Renaissance, les aspirations nouvelles i^ui bouillon-
nent dans Fart allemand et dont Durer sera l'abou-
tissement : Krafft, héritier des tendances réalistes
qui se manifestent alors dans la sculpture, témoin
la typique Mise au tombeau de 1-166, à l'église Saint-
Gilles de Nuremberg (que. M. B. Daun maintient,
suivant la tradition, à Ilans Decker, Ken que
d'autres auteurs, en ces derniers temps, la lui aient
retirée), tient à la nature par toutes ses libres, et,
tout en restant encore fermé à l'influence italienne
et attaché aux formes traditionnelles du gothique,
leur donne une vie nouvelle par la vérité et la
chaleur de sentiment dont il les anime. Les
Stations du chemin de croix érigé le long du
chemin qui conduit au cimetière Saint-Jean, son
tabernacle à l'église Saint-Laurent, son bas-relief
à la façade de la Balance publique, ses plaques tu-
mulaire3 des familles Pergonstœrffer et Bebeck à
Notre-Dame, sa Mise au tombeau dans la chapelle
Holzschuher, au cimetière Saint-Jean, le montrent,
comme le fait dans son commentaire M. Daun,
sous ce double aspect harmonieux et robuste d'héri-
tier du gothique et d'ancêtre de la Benaissance.
Peter Vischer, qui vient après lui (et auquel, par
conséquent, il eût mieux valu donner la seconde
place dans lo volume), continue dans la sculp-
ture en bronzo l'évolution commencée par Adam
Krafft. Son chef-d'œuvre, le tombeau do saint Sé-
bald, gothique encore dans sa disposition générale,
montre, dans l'ornementation, l'influence italienne,
celle-ci duo sans doute à la collaboration du se-
cond fils du sculpteur, Peter Vischer le jeune, qui
avait dû voyager outre monts et qui, avec son
frère aîné Hcrmann, concourut à l'exécution du
monument. M. Daun décrit et reproduit dans tous
ses détails cette œuvre capitale, puis étudie de
même façon approfondie les autres œuvres du
vieux maître : les belles statues du roi Arthur de
Bretagne et do Théodoric au tombeau de JVIaximi-
lien, les nombreuses plaques funéraires*où il se
montre si excellent décorateur, sans parler de la
célèbre — trop célèbre au gré de M. Daun, dont
la curieuse argumentation mérite d'être lue —
Madone de Nuremberg (suivant lui, plutôt une
sainte Élisabelh ou une sainte Barbe) qu'il attii-
bue, peut-être bien audacieusement, à Vischer
ou à son fils. Do ceux-ci, M. Daun étudie égale-
mont l'œuvre et attribue à Peter Vischer le jeune
la belle plaquette de la collection Gustave Dreyfus,
où Charles Ephrussi voyait une œuvre de Jacopo
do' Barbarj (1). Celui-ci, on tout cas, a été l'inspi-
rateur de la composition, comme il a inspiré égale-
ment la belle fontaine d'Apollon de Hans Vischer,
à l'hôtel de ville do Nuremberg, ainsi que le démon-
trent les rapprochements graphiques que nous
soumet M. Daun.
u'est un maître fort moderne, enfin, que vous
présente, dans le troisième do ces livres, M. Ed.
Heyck. Ce mot de « maître » n'est pas exagéré pour
cet ardent et malheureux artiste que fut Anselm
Feuerbach, et l'exposition de ses dessins organisée
l'an dernier à Munich à l'occasion du vingt-cin-
quième anniversaire de sa mort, complétée par
dos photographies de ses principaux tableaux, a
montré en lui un peintre trop oublié. Nature ar-
dente et fine, partagée entre l'amour de l'antique et
des aspirations toutes modernes, il ne parvint ja-
mais à s'exprimer complètement ; mais ses créa-
tions (Médce, Iphigénic, Ilafiz à la fontaine, Le
Banquet de Platon, Dante à Racenne, etc.),
émouvantes par le sentiment mélancolique qui les
enveloppe — dû sans doute à l'incompréhension
dont il soutirait d'autant plus cruellement qu'il
avait conscience do son génie et était doué d'une
sensibilité extrême — séduisent par la noblesse et
la beauté des figures et par. leur coloris inspiré
des Vénitiens. On aura plaisir à les admirer dans
ce livre, à côté de nombreuses études, qui nous
font assister au travail do préparation do ces com-
positions.
Ce tableau de la vie do Feuerbach est heureuse-
ment complété par le volume où M. A. von Oeche-
lïeuser met en lumière vraie, d'après la correspon-
dance du peintre, diverses phases de sa jeunesse
inexactement retracées dans la biographie écrite
par son ami Allgeyer, puis l'histoire du tableau do
Dante, le tendre et infatigable dévouement de sa
mère pour son fils malheureux, etc. Plusieurs re-
productions d'œuvres peu connues de Feuerbach
illustrent le volume.
A. M.
NECROLOGIE
Nous avons lo regret d'annoncer la mort du
statuaire Charles-Auguste Le Bourg, décédé à
l'âge de soixante-dix-sopt ans. Il était né à Nantes
et fut élève de Bude. 11 exposa au Salon à partir
(1) V. Gazette des Beaux-Arts, 1876, 1.1, p. 363.