La chronique des arts et de la curiosité (1906)

ET DE LA CURIOSITE

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délicats et nuancés, aux fines tonalités argentées
du début, éliminait peu à peu la couleur, pour s'en
tenir finalement à une atmosphère bistre unifor-
me, parfaitement adaptée à son sentiment et à sa
vision plastique, à sa préoccupation du modelé
essentiel des formes par la lumière et les ombres.
« Cette « manière », écrivait hier excellemment
M. André Michel, ne fut pas chez lui l'effet
d'une virtuosité paradoxale et malsaine, mais, si
l'on peut dire, la conséquence de toute une vie,
l'expression d'une sensibilité profonde. 11 savait le
sérieux, le prix, la tendresse et la tristesse de la
vie, et que ce qui importo par-dessus tout c'est ce
qui reste au plus intime de nous-mêmes...; il s'est
volontairement retiré comme dans un ermitage
clos, où son imagination sentimentale et plastique
s'est alimentée de quelques gestes, caressants ou
douloureux, de quelques notes toujours atténuées,
mais toujours expressives, qui vont se perdant
dans la toile profonde où vivent des lueurs mou-
rantes et des reflets lointains... Si sommaire qu'en
paraisse l'exécution, il suffit d'un regard attentif
pour s'assurer que rien n'est plus éloigné des vul-
gaires « escamotages » que cette sobriété synthé-
tique, réfléchie et volontaire. Il s'est fait peu à peu
cette langue pittoresque comme la plus conforme,
non pas même à sa vision, mais à sa pensée »...
Au reste, la Gazette parlera prochainement on
détail de cette vie et de cette œtivre si digne d'ad-
miration.

Le noble penseur qu'était Carrière s'était manifesté
aussi par quelques écrits ; citons principalement la
préface au catalogue do son exposition à 1' « Art
nouveau » en 189G, la préface au catalogue de
l'exposition Rodin en 1900, une belle conférence
sur L'Enseignement et l'éducation de l'Art par la
vie, que nous avons publiée ici même (1), une
autre faite au Muséum d'histoire naturelle en 1903 :
l'Homme visionnaire de la réalité.

Eugène Carrière était officier do la Légion d'hon-
neur.

Lo second frère do l'auteur de Y Angélus, qui
était égalaient peintre, Jean-Baptiste Millet,
né à Grevillc, dans la Manche, vient de mourir à
Auvors-sur-Oise. Élève de son aîné, il fit de la
peinture et exposa des paysages de Fontainebleau
et des environs do Paris, a partir de 1870. Mais il
s'était surtout adonné à la sculpture de restaura-
tion ; avec Geoffroy-Dechaume, sous la direction
de Viollet-le Duc, il exécuta à Notre-Dame de
Paris et à la Madeleine de Vézelay d'importants
travaux. Il était dans sa soixante-quinzième année,
vivant retiré à Auvers, où il menait l'existence
d'un sage et d'un modeste, et où il laisse d'unani-
mes regrets.

On annonce de Lisbonne, où il s'était fixé de-
puis longtemps, la mort d'un sculpteur français à
qui ses œuvres avaient valu naguère une réputa-
tion justifiée, Célestin-Anatole Galmels, né
à Paris, le 26 mars 1822. Elève de Bosio, de Pra-
dier et de Blondel, il était entré à l'École des
Beaux-Arts en 1837. Il avait obtenu le deuxième
prix de Rome, en 1839, sur ce sujet : Serment des
sept chefs devant Thèbes. Il a successivement ex-
posé depuis 1843 : une Sainte Famille, la statue

(1) V. la Chronique des Arts du 3 novembre 1900,
p. 333.

de Gulenberg pour l'imprimerie Ghaix, différents
bustes d'hommes et de femmes, notoriétés artisti-
ques eu littéraires ; un buste de Gêricault ; une
statue de Denis Papin ; la Naissance de la Sainte
Vierge, pour l'église Saint-Maurice de Lille ;
pour la même église,la Présentation au Temple;
Calypso, pour le musée d'Amiens, en 1855 ; Psyclié,
statue marbre ; la statue do Saint Clément, pour
la tour Saint-Jacques (1854). Il a travaillé aussi
pour les églises Sainte-Eugénie, à Paris Saint-
Germain - l'Auxerrois, Sainte - Elisabeth ; exécuta
une statue équestre de Dom Pedro IV, qui est en
Portugal; une statue do Masséna, pour le Nou-
veau Louvre. Il avait obtenu une médaille de
troisième classe en 1852, et un rappel on 1857. Il
était correspondant do l'Académie des Beaux-Arts
depuis 1874.

On annonce la mort de M. Hector Salomon,

compositeur do musique, ancien chef du chant à
l'Opéra, décédé mercredi dernier à Paris.

TRIBUNAUX

Le curé de l'église de Montpezat (Tarn-ct Ga-
ronne), avait vendu, en avril 1903, à un marchand
d'antiquités parisien deux coffrets du quinzième
siècle faisant partie du trésor de l'église.

Cette vente fut effectuée moyennant 2.000 francs.
En outre, le curé de Montpezat prêta au marchand
d'antiquités, afin que celui-ci pût en prendre la
copie, une châsse du treizième siècle, appartenant
au même trésor. C'est du moins ce que soutient le
curé, et le marchand d'antiquités, invoquant ses
livres, prétend que c'est lo tout qui avait été vendu
pour 2.000 fr., et non pas seulement les coffrets.

Quoi qu'il en soit, la châsse fut volée, quelque
temps après, au commerçant parisien.

Mais coffrets et châsses étaient classés parmi les
monuments historiques et, par conséquent, ne
pouvaient légalement faire l'objet d'une vente-
C'est pourquoi, à la suite do multiples incidents, le
curé de Montpezat s'est adressé à la première
chambre du Tribunal civil, présidée par M. Bon-
doux, pour faire prononcer l'annulation du contrat.

Le Tribunal a déclaré la vente intervenue nulle,
avec charge pour le curé do Montpezat de restituer
les 2.000 francs au marchand d'antiquités. Voilà
pour les coffrets, considérés comme ayant seuls
fait l'objet de l'aliénation illicite.

En ce qui concerne la châsse volée, le Tribunal
a nommé un expert, ayant mission d'en établir la
valeur, dont le montant devra être versé au curé
de Montpezat et au conseil de fabrique.

M0 Lucien Leduc se présentait pour le curé et
M« Eugène Prévost pour le marchand d'antiquités.

MOUVEMENT DES ARTS

Collection de M. le baron ***

(Suite et fin) (1)
Objets d'art et d'ameublement. — G8. Groupe en
ancienne porcelaine tendre blanche, dans la ma-
nière de Boucher jeune femme à demi nue, en-
dormie, surprise par un adolescent. Monture à

(1) V. Chronique des Arts du 24 mars 1900.