MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
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se puisse conclure bien certainement de l'ensemble des textes où ces mots mystérieux sont
répétés, c'est qu'ils désignent les auxiliaires de Satan contre Jésus-Christ. Ces auxiliaires sont-
ils des peuples, et quels peuples? Ou bien ne sont-ils que les ministres subalternes de Lucifer?
Là les opinions se partagent ; et peu nous importe, quant à notre sujet actuel, puisque après
tout ce sont les serviteurs quelconques du Prince des ténèbres. Ce qui nous importe un peu
plus, c'est l'observation souvent faite au moyen âge par les commentateurs de l'Écriture;
savoir que, décomposé dans sa signification hébraïque, signifie RML*. Quelle que soit
la valeur exégétique de cette décomposition grammaticale, elle se prêtait assez bien à l'idée qui
travaillait les architectes chrétiens, la représentation de l'Église chrétienne dans les formes du
temple qui servait à réunir ses enfants; ou autrement : l'exacte traduction en langage archi-
tectural du double sens (moral et matériel) que renferme le mot pour les peuples
chrétiens. Rapprochée d'un texte où S. Paul parle du démon sous le nom de Prmfd &
cette acception hébraïque de conduisit à peupler de monstres fantastiques les cheneaux
et les galeries aériennes ces églises. Là ces magots grimaçants du haut des toits ou des cloche-
tons figurèrent les légions de l'Ennemi du salut qui planent sur la tête du fidèle pour l'écarter
du droit chemin, et contre lesquelles il n'est de vrai refuge ou de remède que dans l'Eglise s.
Ainsi s'explique en même temps pourquoi la statue de S. Michel, ou d'un ange quelconque, se
voyait fréquemment soit sur le chevet, soit sur quelque pignon principal des églises. Il était là
comme pour contenir les légions infernales, et rassurer le fidèle contre l'appareil de cette
armée ennemie qui ne peut nuire au chrétien s'il ne donne lui-même les mains à sa ruine.
Que la laideur ait été prise par les temps chrétiens comme symbole de la dégradation mo-
rale, et qu'à ce titre les démons aient constamment été figurés avec des formes repoussantes,
c'est ce que tout le monde sait, c'est ce que l'étude de l'âme humaine nous montre comme
un sentiment profond de notre nature : aussi les langues classiques confondaient-elles sous
un seul mot*, comme nous, l'expression de la difformité et celle du vice. C'est de la sorte que,
d'interprètes ont vu dans Gog et Magog les nations septen-
trionales de l'Asie (ou plutôt les populations qui habitaient
vers la mer Noire et la mer Caspienne) et de cette partie de
l'Europe qui a longtemps etc considérée comme contrée asia-
tique (les bords du Volga), y compris les peuples sortis de ces
régions.
* Cf. Gloss. Ù2 E2<?c/t., et Apocrd., 1. cit. — Ambros. Autp.
m Apocid.,, lib. ix (Bibl. PP. t. xm, 623, sq.) — Radulph.
libr. xvm, 1 (Rdd. xvm, 217, sq.), etc.
Citons au moins les paroles d'un interprète qui appartient
aux premières années du xiP siècle. Brun. Astens. Apec. xx.
(Opp., Rom. 1791., t. ii, 360) : <t Per Gog et Magog quidam
Gothos, quidam vero Getas et Massagetas intelligere volue-
runt... Nos autem secundum nominum interpretationem, salva
üde, ista exponamus. Guy cnim interpretatur
vero, de tecto. Sed quid tectum, nisi peccatores in quibus
vitia et maligni spiritus teguntur et habitant? Quid vero
de fecto, nisi eadem vitia spiritusque immandi? Etc. «
3 Eph. u, 2.
3 Nous signalons avec plaisir le pressentiment qu'exprimait
hardiment à ce sujet l'habile directeur de la Renue peuera/e
d'Arc/dfectMre, M. César Daly, au moment où nous prépa-
rions l'impression de notre travail. K.Dans les édifices du
« moyen âge, dit-il (Reeue^ t. vu, 56), les gargouilles devien-
« nent d'horribles monstres. Est-il à supposer que les artistes
« prédicateurs du moyen âge aient créé ces formes repous-
« santés sans y attacher aucune signification? Etc., w L'érudi-
tion, qui atteint péniblement ses résultats ù travers des sentiers
difïiciles, doit néanmoins éprouver de la joie plutôt que de la
jalousie lorsque l'intuition conduit de prime saut au même
terme un esprit plus heureux. La diversité des voies suivies est
alors une forte présomption pour l'exactitude du résultat qui
s'est trouvé au point de leur rencontre.
4 et furpis^ et chez nous, vdain ou fo:d.
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se puisse conclure bien certainement de l'ensemble des textes où ces mots mystérieux sont
répétés, c'est qu'ils désignent les auxiliaires de Satan contre Jésus-Christ. Ces auxiliaires sont-
ils des peuples, et quels peuples? Ou bien ne sont-ils que les ministres subalternes de Lucifer?
Là les opinions se partagent ; et peu nous importe, quant à notre sujet actuel, puisque après
tout ce sont les serviteurs quelconques du Prince des ténèbres. Ce qui nous importe un peu
plus, c'est l'observation souvent faite au moyen âge par les commentateurs de l'Écriture;
savoir que, décomposé dans sa signification hébraïque, signifie RML*. Quelle que soit
la valeur exégétique de cette décomposition grammaticale, elle se prêtait assez bien à l'idée qui
travaillait les architectes chrétiens, la représentation de l'Église chrétienne dans les formes du
temple qui servait à réunir ses enfants; ou autrement : l'exacte traduction en langage archi-
tectural du double sens (moral et matériel) que renferme le mot pour les peuples
chrétiens. Rapprochée d'un texte où S. Paul parle du démon sous le nom de Prmfd &
cette acception hébraïque de conduisit à peupler de monstres fantastiques les cheneaux
et les galeries aériennes ces églises. Là ces magots grimaçants du haut des toits ou des cloche-
tons figurèrent les légions de l'Ennemi du salut qui planent sur la tête du fidèle pour l'écarter
du droit chemin, et contre lesquelles il n'est de vrai refuge ou de remède que dans l'Eglise s.
Ainsi s'explique en même temps pourquoi la statue de S. Michel, ou d'un ange quelconque, se
voyait fréquemment soit sur le chevet, soit sur quelque pignon principal des églises. Il était là
comme pour contenir les légions infernales, et rassurer le fidèle contre l'appareil de cette
armée ennemie qui ne peut nuire au chrétien s'il ne donne lui-même les mains à sa ruine.
Que la laideur ait été prise par les temps chrétiens comme symbole de la dégradation mo-
rale, et qu'à ce titre les démons aient constamment été figurés avec des formes repoussantes,
c'est ce que tout le monde sait, c'est ce que l'étude de l'âme humaine nous montre comme
un sentiment profond de notre nature : aussi les langues classiques confondaient-elles sous
un seul mot*, comme nous, l'expression de la difformité et celle du vice. C'est de la sorte que,
d'interprètes ont vu dans Gog et Magog les nations septen-
trionales de l'Asie (ou plutôt les populations qui habitaient
vers la mer Noire et la mer Caspienne) et de cette partie de
l'Europe qui a longtemps etc considérée comme contrée asia-
tique (les bords du Volga), y compris les peuples sortis de ces
régions.
* Cf. Gloss. Ù2 E2<?c/t., et Apocrd., 1. cit. — Ambros. Autp.
m Apocid.,, lib. ix (Bibl. PP. t. xm, 623, sq.) — Radulph.
libr. xvm, 1 (Rdd. xvm, 217, sq.), etc.
Citons au moins les paroles d'un interprète qui appartient
aux premières années du xiP siècle. Brun. Astens. Apec. xx.
(Opp., Rom. 1791., t. ii, 360) : <t Per Gog et Magog quidam
Gothos, quidam vero Getas et Massagetas intelligere volue-
runt... Nos autem secundum nominum interpretationem, salva
üde, ista exponamus. Guy cnim interpretatur
vero, de tecto. Sed quid tectum, nisi peccatores in quibus
vitia et maligni spiritus teguntur et habitant? Quid vero
de fecto, nisi eadem vitia spiritusque immandi? Etc. «
3 Eph. u, 2.
3 Nous signalons avec plaisir le pressentiment qu'exprimait
hardiment à ce sujet l'habile directeur de la Renue peuera/e
d'Arc/dfectMre, M. César Daly, au moment où nous prépa-
rions l'impression de notre travail. K.Dans les édifices du
« moyen âge, dit-il (Reeue^ t. vu, 56), les gargouilles devien-
« nent d'horribles monstres. Est-il à supposer que les artistes
« prédicateurs du moyen âge aient créé ces formes repous-
« santés sans y attacher aucune signification? Etc., w L'érudi-
tion, qui atteint péniblement ses résultats ù travers des sentiers
difïiciles, doit néanmoins éprouver de la joie plutôt que de la
jalousie lorsque l'intuition conduit de prime saut au même
terme un esprit plus heureux. La diversité des voies suivies est
alors une forte présomption pour l'exactitude du résultat qui
s'est trouvé au point de leur rencontre.
4 et furpis^ et chez nous, vdain ou fo:d.