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Gazette archéologique: revue des Musées Nationaux — 2.1876

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Nr. 2
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Récamier Étienne: Les courses de chars à Lugdunum
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https://doi.org/10.11588/diglit.25049#0041

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— 33

Après avoir étudié le cirque antique et les acteurs qui y paraissaient devant le peu-
ple, si l’on voulait animer ce qui n’est plus aujourd’hui qu’une lettre morte et prendre
part aux jouissances des anciens, il suffirait d’ouvrir Homère, Sophocle ou Virgile. So-
phocle surtout a rendu d’une manière saisissante les poignantes émotions, les terribles
scènes qu’offrait ce dangereux spectacle.

En recherchant dans les poètes comme un écho de l’hippodrome antique, on ne peut
s’empêcher de penser que si les courses de chars figurent souvent sur les monuments
funéraires, c’est que, en dehors du caractère sacré des jeux du cirque, dont la notion
ne pouvait survivre au paganisme, par un symbolisme moral demeuré longtemps après
la diffusion du christianisme dans les mœurs, les anciens voyaient dans ce sujet une
image de la vie , course vers une meta invisible, interrompue par bien des obstacles
et bien des accidents.

S’il est un point sur lequel les sculpteurs s’accordent avec les poètes, c’est que les
jeux du cirque avaient souvent un dénouement tragique. Le peuple romain, si amateur
des spectacles où le sang était répandu, remplace les combats de gladiateurs par les
courses de chars. Ces jeux devinrent la grande, presque la seule affaire des Romains dé-
générés. A l’époque de Théodoric (1), les places du cirque passaient comme un héritage
des pères aux enfants. Aujourd’hui, les cirques antiques ne sont plus que des ruines, ils
ne revivent plus que sur les mosaïques et les bas-reliefs ; mais les Romains de nos jours
ont conservé comme un héritage de leurs pères le goût des courses hippiques, et jamais
le Circus Maximus ou le cirque de Caracalla n’ont entendu d’applaudissements plus en-
thousiastes que ceux qui saluent le passage des courses de chevaux sur le Corso. Les An-
glais, ce peuple politique, héritier des Romains dans l’art de gouverner les hommes, se
font de l’hippodrome une occupation qui détourne, à certains jours, les hommes de
toute préoccupation des affaires publiques par une puissante diversion.

N’est-ce pas par des considérations d’un ordre analogue qu’un des derniers hommes
d’État du monde romain, Gassiodore, conseille la conservation des jeux du cirque comme
moyen de gouverner les barbares qui envahissaient l’empire? « Les hommes qui nous
« pressent, dit-il, oublient leurs projets révolutionnaires (cogitationes feras) pendant
« qu’ils s’amusent, et il est plus facile de faire oublier aux hommes leurs misères en les
« amusant qu’en les raisonnant. »

« Haec nos faveamus necessitate populorum imminentium quibus ratum est ad talia
convenire, dum delectantur cogitationes feras abjicere. Paucos enim ratio capit et raros
probabllis oblectat intentio et ad illud potius turba ducitur quod ad curarum remis-
sionem constat inventum. »

Telle est en effet la morale du cirque ; telle est, saisie sur le vif, la politique antique.

Tertullien, qui n’était pas un homme d’État, mais un grand réformateur et un esprit

(1) Lettre de Théodoric citée par Cassiodore.
 
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