Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (7.1860)

RAF F ET. 23

oeu\ res récemment organisée par M. Furne. Obligé d'indiquer nettement
sa pensée au graveur qui,— il avait ses raisons pour le craindre,— pouvait
n'être pas'toujours intelligent, Raffet s'est vu contraint de tout souligner
et de tout dire, et quelques-unes des aquarelles qu'il a faites dans ce
genre ont de la pauvreté et de la maigreur. Sous ce rapport, le noble
artiste a dû souffrir de se diminuer ainsi; il a dû, bien des fois, maudire
les exigences des libraires et le goût absurde du public. Aussi faut-il
rétudier dans la liberté de ses allures, dans les franchises de son crayon
souverain. 11 est fâcheux encore, pour terminer ici le chapitre des regrets,
que Raffet, occupé ailleurs, n'ait pas abordé courageusement la peinture
à l'huile vers laquelle l'entraînaient toutes ses aptitudes. 11 eût, nous n'en
doutons pas, fait des tableaux vigoureux, colorés, charmants. Mais à
quoi bon multiplier aujourd'hui les plaintes stériles? Que demander de
plus à un artiste qui nous a donné le Voyage dans la Russie méridionale,
le Siège d'Anvers, la Retraite de Constantine^ la Grande revue, Y Expédi-
tion de Rome et tant d'autres lithographies, tant d'autres aquarelles
exquises par l'exécution, émouvantes par le sentiment! En songeant à
cette profusion d'œuvres délicates ou viriles, je m'assure que le nom de
Raffet, si grand qu'il soit déjà, doit grandir encore. Heureux maître! il
a été fécond, il a été tendre, il a été brave! Dessinateur impeccable, il a,
dans ses souvenirs de voyages, la divination des races, la notion du type,
le sens intime de la géographie locale. Dans ses croquis militaires, il
allie la réalité à l'héroïsme, et son œuvre, où l'on viendra plus tard
apprendre ce que furent les soldats de notre temps, a réconcilié la poésie
avec l'histoire.

PAUL RIANT Z.