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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 14.1863

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Nr. 1
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Gruyer, François-Anatole: Raphael et l'antiquité, [2], Le triomphe de Galatée
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https://doi.org/10.11588/diglit.17333#0041

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36

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

d'un triton soufflant dans une conque marine. Au-dessus de la nymphe
voltige un petit Amour, qui, à l'aide d'un parasol1, la protège contre les
ardeurs d'un jour brûlant. Au fond s'avance un promontoire, couronné
d'un temple et bordé de portiques circulaires qui dessinent le rivage.
Tout cela est joli, gracieux, mais sans émotion2. La Galatée, vue de dos
et tournant sa tête vers le spectateur, présente une fraîche et belle
image; elle semble heureuse de vivre au sein des flots d'azur qui cares-
sent ses pieds délicats; tout son corps est inondé d'une ardente lumière;
elle élève au-dessus de sa tète une feuille de lotus qui lui sert de flubel-
lum 3; et fait signe vers le rivage. On devine Acis caché derrière le
rocher sous lequel il périra bientôt. Cette composition est un poétique
reflet de la fable, telle que nous l'ont laissée Théocrite, Ovide, Lucien et
Philostrate 4. « L'onde, agitée avec un doux frémissement, regarde la
« nymphe sortir du sein des eaux..., semblable, en ses mouvements,
« à la feuille d'acanthe, qui, dans les ardeurs de l'été, voltige au gré des
« vents 5. » C'est bien là la nymphe qui visitait les rivages de Sicile dans
les songes agités du cyclope, et qui fuyait devant lui « comme la brebis
« à l'aspect du loup dans les forêts8. » Ce tableau respire une certaine
mollesse orientale. On y sent comme une émanation lointaine de cette
Ionie asiatique, qui avait apporté à l'art grec des éléments dont la grâce
voluptueuse et efféminée étouffait, depuis longtemps déjà, les mâles
beautés des grandes époques. De pareilles peintures répondaient d'ail-
leurs parfaitement à l'état des esprits et à la disposition des âmes, au
moment où le christianisme allait paraître. Le monde, sans croyance et
sans foi, s'en allait à la dérive : depuis longtemps déjà les poètes ne
chantaient que pour satisfaire à un vague besoin d'idéal et d'harmonie,
les artistes ne travaillaient que pour le seul plaisir des yeux. Leurs
œuvres pouvaient être élégantes, mais elles étaient sans ferveur; le sen-
timent de la nature pouvait être vif et profond, car la terre était toujours
belle et le ciel avait conservé sa splendeur, mais tout cela n'allait
qu'aux sens et l'âme restait vide.

Cette impression, je la retrouve à peu près identique en présence de
toutes les peintures sorties des fouilles d'Herculanum, de Stabies et de

1. L'umbella ou umbraculum (ojctaSsïov) des anciens s'ouvrait et se fermait comme
nos ombrelles et parapluies.

2. Polyphème et le triton sont d'un dessin lourd et sans noblesse.

3. La feuille de lotus servait d'éventail (flabelliim) aux dames grecques et romaines.

4. Philostrate, lib. II, Im. xvm.
o. Théocrite, Idyl. vi.

6. Théocrite, Idyl. xi.
 
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