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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 14.1863

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Nr. 3
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Blanc, Charles: "La Noce", gravée par M. Paul Girardet, d'après M. Brion, en pendant à la "Cinquantaine", d'après M. Knaus: gravures
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https://doi.org/10.11588/diglit.17333#0297

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288

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

Deux grands bœufs attelés, d'un pas tranquille et lent,
Promènent dans Benfeld le couple adolescent.

Je me trompe : le marié est à cheval, et il suit au pas le carrosse rustique. Le
gracieux couple qui est exhibé sur le devant de la charrette est celui de la mariée et
de sa demoiselle d'honneur. Elles sont l'une et l'autre fraîches et roses, rayonnantes
de jeunesse et de santé, nourries de double bière, et elles ont le cœur sur la main.
L'épouseur est paré, enrubanné, emplumé, modestement ému, et secrètement fier des
cadeaux de noce qui sont rangés en bon ordre, étagés avec symétrie sur le charriot
conjugal. Le mobilier du futur ménage est là tout entier, propre et reluisant, verni,
poli, promettant « bon souper, bon gîte et le reste. » Au-dessus de l'armoire à linge
resplendissent deux chaudières de cuivre aux reflets d'or, et l'intérieur des époux est
exposé sans réticence aux regards de la foule, qui doit et veut tout voir : le coucou, le
rouet, les paniers, la jarre au lait, et la bassinoire, et le lit nuptial avec ses oreillers,
ses courtines et sa courle-pointe. Ainsi M.Brion,même en multipliant les détails, a su
ne mettre dans son tableau que les accessoires de rigueur, et le sujet même lui a fourni
un prétexte au rendu des ustensiles, que tel Flamand eût accumulés sans raison, pour
l'unique plaisir de les copier juste et de les peindre finement. L'intimité des senti-
ments honnêtes, l'individualité des personnages, le choix des modèles, ce sont là, du
reste, les qualités essentielles de M. Brion, et les figures chez lui ont plus de valeur
que les objets matériels, à l'inverse de ce qu'on voit si souvent ailleurs. Le violoniste
est mieux peint que son violon, et les trois ménétriers qui marchent en tête et vont con-
duire le branle des villageois sont des types saisis avec tant d'esprit, qu'on y fait long-
temps attention avant de regarder à la basse et à la clarinette, qui sont pourtant tou-
chées de main de maître.

Le croquis léger que l'on voit ici n'est qu'un sommaire du tableau de M. Brion.
Pour en bien juger, il faut avoir sous les yeux la grande et magnifique planche que vient
de graver M. Paul Girardet. Après une hardie morsure d'eau-forte, l'intelligent graveur
a cherché et trouvé toutes les valeurs du tableau avec le burin, la pointe sèche et la
roulette. Il ne s'est pas attaché seulement à rendre le blond et la vie des carnations, le
jeu des figures, les airs de tête; il a poussé jusqu'au bout les scrupules de sa traduc-
tion. Le pelage des animaux, le crépi des murs, les poutres sculptées des vieilles
maisons, le chatoyement des ustensiles, la variété des étoffes, le bois évidé et sonore
des instruments de musique, toutes les substances ont été exprimées par des travaux
précieux, inégalement espacés, empâtés de points, adroitement estompés ça et là, et
qui ont été raccordés avec une habileté rare pour laisser triompher l'ensemble

Ce qui donne un charme et un prix de plus à cette belle estampe, c'est qu'elle fait
pendant à la Cinquantaine de M. Knaus, si admirablement gravée par le même artiste,
Paul Girardet. Ceux qui voudront orner leur salon ou leur chambre à coucher de ces
deux superbes gravures devront placer à gauche la Noce, à droite la Cinquantaine ;
car il est naturel que la cinquantaine vienne après la noce; que l'on voie d'abord les
époux entrer dans la vie par le mariage, tout frais de jeunesse, tout brillants d'amour,
et qu'on les retrouve ensuite, plus vieux d'un demi-siècle, renouvelant le bail de leur
tendresse pour le temps qu'il leur reste à vivre, avec les sentiments de sagesse et de
mélancolie résignée que doivent inspirer le souvenir des devoirs accomplis et le
regret des choses qui ne sont plus. chari.es blanc.

Le directeur : ÉDOUAKD 1I0USSAYE.
PARIS. — IMPRIMERIE DB J. CI.AYK, RUB SAINT-BBNOIT, 7
 
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