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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 19.1865

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Nr. 1
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Blanc, Charles: Grammaire des arts du dessin, 3, Peinture, 4-7
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https://doi.org/10.11588/diglit.18741#0084

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GRAMMAIRE DES ARTS DD DESSIN.

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semble de la composition, se dessinant comme un ovale allongé, s’achève
dans la partie inférieure en pyramide renversée. Raphaël, qui n’en reste
pas moins l’ordonnateur par excellence, a ainsi composé la Madone de
Saint Sixte, en opposant aux lignes pyramidales de l’apparition céleste
la base très-étroite que forment les deux chérubins groupés au milieu de
la plinthe inférieure qui figure l’appui d’une fenêtre ouverte sur le paradis.

Soit qu’on regarde à la beauté optique de l’ordonnance, soit qu’on
la considère comme l’ébauche de l’expression, l’unité est le seul prin-
cipe, le véritable secret. Ainsi que Montabert l’a judicieusement écrit
(Traité complet de Peinture), il ne faut pas dire au peintre : « Com-
posez pyramidalement, bouchez les trous, craignez les vides, évitez les
angles et les parallèles, recherchez les contrastes, » il faut lui dire :
« Composez selon votre sentiment; mais, quelles que soient vos combi-
naisons, ramenez les lignes, les groupes, les masses, les directions, les
dimensions, à l’unité que vous aurez choisie, que vous aurez sentie. »

Par l’unité, l’artiste peut faire réussir toutes les manières d’arranger
un tableau : l'ordonnance convexe, qui plaisait à Rubens, au Corrége, et
qui met en relief les principales figures; l’ordonnance concave, em-
ployée par Raphaël dans la Dispute du Saint. Sacrement, et qui est une
autre manière de concentrer les regards; la composition en diagonale,
comme la Descente de Croix de Rubens, qui secoue l’attention par une
obliquité imprévue, et ces étranges distributions de Rembrandt, qui; dic-
tées par l’émotion du génie, semblent ne s’adresser qu’aux yeux de l’âme.

Que les formes de la bordure doivent être indiquées par la ligne
dominante du tableau, c’est une vérité souvent méconnue, et toutefois
tellement sensible qu’il serait superflu d’y insister. Une Cléopâtre cou-
chée, une Ariane endormie, formant une horizontale, seraient mal pla-
cées dans un cadre en hauteur. On voit au palais de Versailles des tru-
meaux, très-allongés en verticales, qui sont remplis par des sujets
militaires dont l’horizontalité est en contradiction choquante avec la
forme du panneau. Tout le monde connaît par l’estampe de Pradier la
composition si heureuse de M. Ingres : Virgile lisant l’Enéide. Le peintre
l’avait conçue d’abord en largeur; mais quand l’inspiration lui vint de
montrer dans le fond la statue de Marcellus, se dressant aux yeux de
Livie, comme le spectre du remords évoqué par ces vers : Tu Marcellus
cris,... la composition tout entière changea de sens, et la hauteur y
devint dominante, parce que les proportions du cadre durent se con-
former à la direction nouvelle qu’avait prise la pensée du peintre, en se
résumant dans l’apparition poétique de ce fantôme de marbre, vaguement
répété par son ombre sur la muraille.

CHARLES IH.ANC.
 
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