DOI Heft:
Nr. 1
DOI Artikel:Jacquemart, Albert: Céramique, [1]: Exposition Universelle
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.19884#0078
CÉRAMIQUE. 73
taires, à peine cuites, d'où dériveront les vases gallo-romains, c'est une
race barbare, succédant à une première civilisation, qui pétrissait ainsi
l'argile en même temps qu'elle érigeait ces monuments singuliers, dol-
mens, pierres branlantes, grottes des fées, etc., qu'on croirait transpor-
tés par la puissante révolution qui venait de changer la face du globe.
Les tâtonnements de cet art enfantin ne nous arrêteront pas, nous
n'en ferons ressortir qu'un fait : c'est qu'on est trop généralement porté
à chercher les influences réciproques de peuple à peuple, et à rétrécir
le cercle des idées mères auxquelles obéissent toutes les civilisations
commençantes.
Laissons donc les vases antéhistoriques ; passons très-rapidement,
bien qu'à regret, devant la série des antiques, où tout n'est certainement
point imité des Grecs et des Romains, et arrivons à la période du moyen
âge, où déjà les tendances nationales s'expriment en caractères lisibles.
Les carreaux de revêtement des xne et xme siècles n'apportent aucun
témoignage nouveau à l'histoire; le broc à anse de M. Biïïiard montre
la réunion, sur une terre pâle, d'un engobe rouge, relevé à son tour de
filets et rinceaux saillants formés par la méthode du pastillage; des pièces
importantes de même travail se voient dans le précieux envoi de M. Vic-
tor Gay. Mais le spécimen essentiellement curieux est fourni par la
Société des antiquaires de Normandie : c'est une marche d'escalier du
plus riche décor, où, avec la terre brune, devenue verdâtre sous le
vernis jaune, et des engobes plus blancs, l'artiste a représenté deux
cavaliers armés, courant l'un sur l'autre, la lance en arrêt; malgré les
ressources restreintes de deux ou trois couleurs, la scène est saisissante
de justesse et d'effet. Sur la contre-marche, des arcatures trilobées
encadrent des bustes de femmes. Cette application, en plein xivc siècle,
de la céramique à l'architecture, est des plus intéressantes.
Au xve siècle, une transformation se prépare; l'engobe simple ne suffit
plus au potier ; il cherche par la gravure une finesse de détail que la
mosaïque de pâtes rouge et blanche ne pouvait donner, et, sur les sur-
faces blanches, il essaye déjà des rehauts de couleurs minérales. Le
Musée d'antiquités de Rouen nous envoie un plat décoré d'un buste
d'homme coiffé d'une toque et ayant les cheveux longs, coupés carrément
à la mode italienne; avec un dessin moins pur c'est le graffito de la Tos-
cane; comme là, des galons vert de cuivre divisent la bordure, où on
lit : vive mieulx vault lard que iatnês. Un pot à anse de môme genre
porte : le vostre cuis (le vôtre suis), et un troisième : sela nouploit (cela
nous plaît). Cette légende sur un pot à cidre indique bien l'esprit gaulois
et la tendance à suppléer l'art au moy en de devises drolatiques.
XXIII. Il)
taires, à peine cuites, d'où dériveront les vases gallo-romains, c'est une
race barbare, succédant à une première civilisation, qui pétrissait ainsi
l'argile en même temps qu'elle érigeait ces monuments singuliers, dol-
mens, pierres branlantes, grottes des fées, etc., qu'on croirait transpor-
tés par la puissante révolution qui venait de changer la face du globe.
Les tâtonnements de cet art enfantin ne nous arrêteront pas, nous
n'en ferons ressortir qu'un fait : c'est qu'on est trop généralement porté
à chercher les influences réciproques de peuple à peuple, et à rétrécir
le cercle des idées mères auxquelles obéissent toutes les civilisations
commençantes.
Laissons donc les vases antéhistoriques ; passons très-rapidement,
bien qu'à regret, devant la série des antiques, où tout n'est certainement
point imité des Grecs et des Romains, et arrivons à la période du moyen
âge, où déjà les tendances nationales s'expriment en caractères lisibles.
Les carreaux de revêtement des xne et xme siècles n'apportent aucun
témoignage nouveau à l'histoire; le broc à anse de M. Biïïiard montre
la réunion, sur une terre pâle, d'un engobe rouge, relevé à son tour de
filets et rinceaux saillants formés par la méthode du pastillage; des pièces
importantes de même travail se voient dans le précieux envoi de M. Vic-
tor Gay. Mais le spécimen essentiellement curieux est fourni par la
Société des antiquaires de Normandie : c'est une marche d'escalier du
plus riche décor, où, avec la terre brune, devenue verdâtre sous le
vernis jaune, et des engobes plus blancs, l'artiste a représenté deux
cavaliers armés, courant l'un sur l'autre, la lance en arrêt; malgré les
ressources restreintes de deux ou trois couleurs, la scène est saisissante
de justesse et d'effet. Sur la contre-marche, des arcatures trilobées
encadrent des bustes de femmes. Cette application, en plein xivc siècle,
de la céramique à l'architecture, est des plus intéressantes.
Au xve siècle, une transformation se prépare; l'engobe simple ne suffit
plus au potier ; il cherche par la gravure une finesse de détail que la
mosaïque de pâtes rouge et blanche ne pouvait donner, et, sur les sur-
faces blanches, il essaye déjà des rehauts de couleurs minérales. Le
Musée d'antiquités de Rouen nous envoie un plat décoré d'un buste
d'homme coiffé d'une toque et ayant les cheveux longs, coupés carrément
à la mode italienne; avec un dessin moins pur c'est le graffito de la Tos-
cane; comme là, des galons vert de cuivre divisent la bordure, où on
lit : vive mieulx vault lard que iatnês. Un pot à anse de môme genre
porte : le vostre cuis (le vôtre suis), et un troisième : sela nouploit (cela
nous plaît). Cette légende sur un pot à cidre indique bien l'esprit gaulois
et la tendance à suppléer l'art au moy en de devises drolatiques.
XXIII. Il)