UN DESSIN DE LÉONARD DE VINGÏ
pour le tableau de l'adoration des mages
------cr-^i^tat^ïi
uand on regarde la Cène de sainte
Marie des Grâces, il ne vient à la pen-
sée de personne qu'on puisse peindre
autrement. Les figures y sont groupées
avec tant de naturel, que le specta-
teur s'imagine facilement que cette
œuvre est sortie toute formée du cer-
veau de Léonard, comme Minerve qui
s'élança tout armée de la tête de Ju-
piter. Et. cependant que d'efforts se
cachent sous cette apparence de faci-
lité ! Si l'on connaît peu d'études pour cette composition admirable, on
peut être assuré que cent fois Léonard la refit dans sa tête et sur le
papier, semblable en cela à l'Ariostc qui recommença quatre-vingts
fois la stance du Roland furieux, si admirable par la limpidité du
style. Quelque favorisé qu'on soit de la nature, ce n'est point sans
longues méditations qu'un artiste parvient à pondérer des groupes
avec une telle science et à exprimer simplement des sentiments si
divers et si vrais. Vasari ne nous a-t-il pas appris, d'ailleurs, que Léo-
nard, pendant le cours de ce long travail, restait des journées entières
absorbé dans une espèce de contemplation, sans toucher à ses pinceaux,
malgré les importunités du prieur des dominicains. Il avançait si len-
tement, que celui-ci se crut fondé à porter plainte de sa paresse de-
vant Ludovic Sforza. Alors Léonard, qui connaissait la bonté du prince
pour lui, consentit à s'expliquer. II exposa les difficultés de son art, et
prouva, en se défendant, comment il arrive souvent aux génies les plus
élevés de travailler d'autant plus qu'ils paraissent ne rien faire. Dans
pour le tableau de l'adoration des mages
------cr-^i^tat^ïi
uand on regarde la Cène de sainte
Marie des Grâces, il ne vient à la pen-
sée de personne qu'on puisse peindre
autrement. Les figures y sont groupées
avec tant de naturel, que le specta-
teur s'imagine facilement que cette
œuvre est sortie toute formée du cer-
veau de Léonard, comme Minerve qui
s'élança tout armée de la tête de Ju-
piter. Et. cependant que d'efforts se
cachent sous cette apparence de faci-
lité ! Si l'on connaît peu d'études pour cette composition admirable, on
peut être assuré que cent fois Léonard la refit dans sa tête et sur le
papier, semblable en cela à l'Ariostc qui recommença quatre-vingts
fois la stance du Roland furieux, si admirable par la limpidité du
style. Quelque favorisé qu'on soit de la nature, ce n'est point sans
longues méditations qu'un artiste parvient à pondérer des groupes
avec une telle science et à exprimer simplement des sentiments si
divers et si vrais. Vasari ne nous a-t-il pas appris, d'ailleurs, que Léo-
nard, pendant le cours de ce long travail, restait des journées entières
absorbé dans une espèce de contemplation, sans toucher à ses pinceaux,
malgré les importunités du prieur des dominicains. Il avançait si len-
tement, que celui-ci se crut fondé à porter plainte de sa paresse de-
vant Ludovic Sforza. Alors Léonard, qui connaissait la bonté du prince
pour lui, consentit à s'expliquer. II exposa les difficultés de son art, et
prouva, en se défendant, comment il arrive souvent aux génies les plus
élevés de travailler d'autant plus qu'ils paraissent ne rien faire. Dans