Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (23.1867)

PAUL VÉRONE SE

APPELÉ XV rilIBUJVAL DU SAINT OFFICE, \ VENISE

(1573)

E n'imagine pas qu'aucune biographie de
Paul Caliari dit Véronèse ait jamais l'ap-
porté que cet honnête homme ait eu
maille à partir avec le saint office. Voici
cependant un document constatant le
l'ait. Je confesse que je n'ai aucun mérite cà
avoir trouvé l'original, car en examinant
les nombreux actes d'accusation émanés
du saint office de Venise, j'étais loin de
penser que le peintre des Noces de Cana
eût jamais pu donner matière à la forma-
tion du moindre dossier clans l'archive de ce tribunal. Si je m'attendais,
en effet, à quelque curieuse rencontre des détails d'un procès ou de la
formule d'une censure contre quelque ouvrage d'esprit et ses auteurs,
c'était bien plutôt à l'endroit des œuvres et de la personne d'un
messer Pietro Aretino, d'un messer Lorenzo Venier et autres impudiques
du temps, qu'à l'endroit des tableaux et des sentiments de ce grand
Paolo. Cette petite décou erte a donc été pour moi une vraie surprise, et
je m'empresse d'en faire part aux studieux lecteurs de la Gazette : ce sont
choses qui les regardent absolument. Mais qu'était-ce que ce tribunal
du saint office à Venise? Egalait-il, par la terreur et les supplices, son
confrère d'Espagne, le tribunal de la sainte Inquisition? Nullement. Ce
n'était pas que les mandataires du pape à Venise n'eussent pas ambi-
tionné d'agir avec la même rigueur et le même emportement que les
magistrats approuvés par ce furieux catholique de Philippe II; mais les
Vénitiens étaient gens trop sensés, subtils et lins pour n'avoir pas compris