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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 23.1867

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Nr. 2
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Mantz, Paul: Les beaux-arts à l'Exposition Universelle, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.19884#0156

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BEAUX-ARTS.

l'école sentimentale. A la suite de sa signature, M. Vautier ajoute les
deux lettres cabalistiques Df.; il a, en effet, établi ses pénates à Dussel-
dorf, et il y est fort aimé. Son tableau Cour Lier s et paysans du Wur-
temberg n'est pas nouveau pour nous : ce fut un des succès du Salon
de 1865. L'expression des visages y est poussée assez loin, et le specta-
teur, initié dès le premier coup d'œil aux détails de l'affaire qu'on dis-
cute, se demande si le bon paysan, cédant aux conseils de son enjôleur,
laissera pour un morceau de pain la bicoque ou le lopin de terre qu'on
veut lui acheter. Le drame, du reste, n'est pas autrement poignant; le
tableau gagne peu à être revu; l'exécution n'est pas des plus viriles, et
nous n'avions pas tort, il y a deux ans, de faire nos réserves à propos de
M. Vautier. La Traversée, qui date d'hier, semblerait devoir nous donner
raison. Sur l'eau tranquille du lac de Brienz vogue une barque qui ren-
ferme une famille en deuil : un paysan, une femme, une petite fille con-
duisent au cimetière un cercueil où dort, avec leurs espérances, le corps
d'un enfant bien-aimé. L'intention est délicate et charmante ; tout est
calme et silencieux; la douleur seule reste vivante au milieu de cette
grande nature assoupie; mais, faute d'un peu de puissance dans l'exécu-
tion, l'œuvre est froide, faiblement écrite et presque pâle.

La Suisse n'est pas le pays des sculpteurs. On ne voit point qu'elle en
ait produit beaucoup dans le passé, et ceux qu'elle possède aujourd'hui
viennent de ce canton du Tessin, qui, dans sa nature mélangée comme
dans son langage, est un commencement d'Italie. Du haut de leurs mon-
tagnes, ces artistes voient sourire la terre enchantée, et ils n'ont que quel-
ques pas à faire pour descendre dans la plaine. M. Somajiui habite Milan;
il y a beaucoup d'inexpérience dans ses Baigneuses swyrises, mais le
sentiment en est tout italien. M. Caroni, qui est né à Rancate, a poussé
plus loin son voyage. Il a daté de Florence trois marbres importants qui
lui ont valu une médaille, une médaille d'encouragement sans doute.
LAmour vainqueur de la Force est une banalité académique; l'Esclave au
marché a plus d'intérêt; YOphclie est meilleure encore. La poétique fdle
de Shakspeare s'avance, le regard un peu perdu dans les chimères, les
mains pleines de fleurs. On reconnaît dans l'œuvre cette manière patiente
qui exprime à merveille la découpure d'une dentelle, le pli soyeux du
satin. M. Caroni n'a pas encore l'originalité de l'invention; il a déjà l'a-
droite main d'un bon ouvrier et la sûreté du ciseau. Ne serait-il pas à
désirer qu'il se formât en Suisse des sculpteurs un peu moins italiens?
Partout où il y a des grands hommes à célébrer, il est bon que les enfants
du pays sachent tailler dans le marbre la vivante image des héros.

PAUL MANTZ.
 
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