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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 23.1867

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Lagrange, Léon: Notes de voyages: Nice et Louis Bréa, les Fragonard de Grasse, Ingres à Aix, le musée de Marsaille et M. Esperandieu, un tableau de Finsonius$nElektronische Ressource
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https://doi.org/10.11588/diglit.19884#0197

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NOTES DE VOYAGE.

189

inférieurs un pinceau moins poétique a tracé l'image du stère, du cube et du décalitre :
des inscriptions morales prêchent le silence, l'application, le travail. Une cheminée en
plâtre occupe ta paroi du fond, vaste composition de frontons brisés, de corniches,
de cartouches, de guirlandes, d'amours, de cariatides et de statues allégoriques, où se
sent encore le souffle de la belle renaissance italienne, tandis que les peintures de
Carlone attestent seulement la décadence d'un art savant.

A Grasse j'ai voulu voir les Rubens de l'hôpital. Tout bon Provençal vous parlera
d-es Rubens de Grasse. Bien peu connaissent Fragonard. Mais les Rubens de Grasse
sont un de ces arguments avec lesquels on écrase le scepticisme des amateurs du Nord.
Eh bien! moi aussi j'en puis parler, et mon opinion est qu'en les plaçant à l'hôpital
le donateur a eu un trait de génie. Seulement, aucun remède ne saurait plus guérir ces
incurables, déjà victimes des soins d'un trop grand nombres de docteurs. Il yen a trois :
une Sainle Hélène, dont la robe est peinte sur fond d'or; un Chrisl au prëloire, qui
rappelle la célèbre composition de Van Dyck, et une Mise en croix, où le corps du
Christ offre encore quelques semblants de beauté. Rubens ou Van Dyck ont-ils jamais
passé par là? Chi lo sà? Comment reconnaître la virginité première de l'épidenne cent
ois rongé par les acides, dénaturé par les émollients, dévoré par les cataplasmes? Dans
la même chapelle, cinq vastes toiles, que personne n'attribuera jamais à Rubens, se font
regarder avec plus de plaisir, parce qu'elles ont gardé intacte la fleur de l'exécution.
Une main inconnue, qui signe L. Iloyer 1783, y a représenté des sujets analogues au
local : la Peste do saint Roch, des Malades protèges par sainte Agnès, l'Éducation
donnée aux orphelins, aux orphelines, etc. Dessin faible, couleur ardoisée, airs de
tètes gracieux, style bourgeois : on voudrait lire au bas le nom d'Angelica Kauffmann,
au lieu de ce Hoyer que je signale à la future édition du dictionnaire de Siret. Mais
l'étrange aventure! Avoir sous les yeux les Rubens de Grasse et les oublier pour un
peintre de deuxième ordre! C'est que l'œuvre de Hoyer lui appartient en propre et ne
se voit que là, tandis que les fameux Rubens légués par M. Perrolle en 1827 sont vi-
sibles tous les jours à l'hôtel Drouot pendant les mois d'été.

Il faut donc effacer du Livre des merveilles provençales les Rubens de Grasse. Mais
hàtons-nous d'y inscrire les Fragonard de la même ville. A mi-côte, derrière une
grille discrète, se cache le logis de M. Malvillars. Une vieille femme vous introduit en
rechignant et vous laisse attendre au vestibule : on aperçoit la cage de l'escalier,
décorée en détrempe de couleur bistre; une main plus hardie qu'exercée y a jeté avec
une apparence de symétrie des figures de style républicain et des emblèmes révolu-
tionnaires : la Loi, la Liberté, les faisceaux du licteur. Le vrai Fragonard n'est pas là,
il est dans un salon dont un charmant bas-relief de marbre à la Clodion surmonte la
porte. Un salon, ou plutôt un temple, car la divinité favorite du peintre de Cythère y
règne seule. C'est l'amour, l'amour, l'amour... qui a inspiré chaque tableau, grand ou
petit. Les grands, de plus de deux mètres de haut, couvrent les parois. Les autres,
carrés, occupent les dessus de porte : dans les espaces plus étroits des encoignures
s'allongent des langues de toile peintes de fleurs. La décoration est complète. Il ne
manque que les boiseries destinées à encadrer les sujets peints. Mais ces sujets, avec
les cadres idéaux qui les séparent, s'adaptent si bien aux divisions du salon qu'on
les voit évidemment à leur place. Un entre-filet anonyme publié dans la Revue univer-
selle des Arts, tome VII, page 82, affirme que les quatorze tableaux de Grasse avaient
été faits pour M""' Du Barry, mais que l'artiste, mécontent du prix, refusa de les livrer
et les emporta à Grasse. Il faudrait alors qu'il eût bâti la maison tout exprès. Au con-
 
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