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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 23.1867

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Nr. 3
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Blanc, Charles: Ingres, [3]: sa vie et ses ouvrages
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https://doi.org/10.11588/diglit.19884#0209

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INGRES.

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gneusement cachées, elle lui masquait les embarras du ménage et lui en
épargnait jusqu'à l'inquiétude. Ingres avait, du reste, un moyen sûr de
l'aire diversion aux chagrins : c'était la musique. 11 l'aimait avec passion ;
il la sentait aussi vivement que la peinture et de la même manière. Il la
voulait grande, simple, expressive ; il en détestait les banalités et les
fioritures, autant qu'il haïssait en peinture le poncif. Toutes les fois qu'il
parle de la musique dans ses lettres, c'est avec enthousiasme, et à di-
verses époques de sa vie il accuse le même sentiment, il professe avec
énergie les mêmes opinions.

« J'espère (écrit-il à son ami Gilibert) que tu t'occupes toujours de
musique. C'est une bonne amie que celle-là : point d'infidélité, je te prie.
Adorons toujours avec la môme ferveur et la même passion Gluck, Haydn,
Beethoven, Mozart, notre Raphaël en musique. On a beau dire, cher
ami, tout ce qui n'est pas ces hommes vraiment divins, cloche à leur
côté. On y revient constamment, leurs beautés sont tellement inépuisables
qu'on croit toujours les entendre pour la première fois, et la dernière est
toujours la plus belle; et quoique je ne les joue pas bien, je ne les sens
pas trop mal : je fais quelquefois plaisir. »

Vingt ans après, il pensait de même.

<( Quoi donc ! Est-il. possible ? vous ne faites plus de musique ! mais
que faites-vous donc en province où l'on a tant de temps ? Peut-on cesser
d'aimer ce qui est aimable ? Pour moi, j'ai le bonheur de sentir que plus
j'avance en âge, plus mon âme est jeune et brûlante. Je fais souvent de
la musique, et les sonates de Haydn, de Mozart, de Beethoven font le
bonheur et la consolation de ma vie. Je crois que je mourrais moralement
si je cessais de les dire, et ainsi des autres grandes compositions. Mais
jamais rien d'italien ! au diable ce commun, ce trivial, où tout, jusqu'à
je vous hais, se dit en chantant!

« Vive Don Juan, chef-d'œuvre de l'esprit humain! Vive Mozart, le
dieu de la musique, comme Raphaël l'est de la peinture! Vive Gluck, ce
divin déclamatcur, le seul qui de nos jours ait chaussé le cothurne grec!
Et vive cet homme extraordinaire qui, sans être aucun des deux autres,
a transporté à lui seul, par son terrible génie, son art indompté et
sublime à d'autres bornes! ... Pensez-vous, mes braves amis, que l'on
vient de donner Don Juan, et vous n'y étiez pas ! Que puis-je t'en dire,
mon ami? Que cela est beau à faire mal. Homme divin, vraiment!...
c'est pour cela que sa sœur, à l'âge de quatre-vingts ans, vient de
mourir dans la, misère... comme Beethoven le sublime.

« Et Baillot, ce digne et grand artiste, ce Poussin des violons, il a
succombé aussi, et c'est le monde d'aujourd'hui qui l'a tué. Oui, la ré-

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